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25/02/2015 | FRANCE | N°374948

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 25 février 2015, 374948


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 janvier et 1er juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société British American Tobacco France demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) l'arrêté du 19 décembre 2013 du ministre chargé du budget portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France, à l'exclusion des départements d'outre-mer, en tant que cet arrêté concerne les produits qu'elle distribue ;

2°) la décision du ministre cha

rgé du budget en date du 11 janvier 2014 portant publication de l'arrêté du 19 décembre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 janvier et 1er juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société British American Tobacco France demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir :

1°) l'arrêté du 19 décembre 2013 du ministre chargé du budget portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France, à l'exclusion des départements d'outre-mer, en tant que cet arrêté concerne les produits qu'elle distribue ;

2°) la décision du ministre chargé du budget en date du 11 janvier 2014 portant publication de l'arrêté du 19 décembre 2013, en tant que cet arrêté concerne ces produits ;

3°) la décision du 11 janvier 2014 par laquelle le ministre chargé du budget a implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 décembre 2013 en tant qu'il concerne ces mêmes produits ;

4°) la décision du 11 janvier 2014 par laquelle le ministre chargé du budget a implicitement rejeté sa demande d'homologation de la liste des prix de vente au détail des tabacs distribués par elle qu'elle avait déposée le 8 janvier 2014 ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu :

- la directive n° 2011/64/UE du 21 juin 2011 du Conseil concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Olléon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat du ministre des finances et des comptes publics ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 572 du code général des impôts, relatif au prix du tabac : " Le prix de détail de chaque produit exprimé aux 1 000 unités ou aux 1 000 grammes, est unique pour l'ensemble du territoire et librement déterminé par les fabricants et les fournisseurs agréés. Il est applicable après avoir été homologué dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article 284 de l'annexe II à ce code : " Les fabricants et les fournisseurs agréés communiquent leur prix de vente au détail des tabacs manufacturés, pour chacun de leurs produits, à la direction générale des douanes et droits indirects. Les prix sont homologués par arrêté du ministre chargé du budget et publiés au Journal officiel de la République française. " ;

2. Considérant que, par une lettre du 26 septembre 2013, la direction générale des douanes et des droits indirects a adressé aux fabricants et aux fournisseurs en tabacs manufacturés un calendrier prévisionnel des arrêtés d'homologation des prix des produits prévoyant un arrêté chaque trimestre et fixant au 15 novembre 2013 la date de dépôt de la liste des prix faisant l'objet du premier arrêté d'homologation de l'année 2014 ; que la société requérante a, le 15 novembre 2013, transmis par voie électronique à la direction générale des douanes et des droits indirects une liste des prix de l'ensemble des références qu'elle distribue en France ; qu'elle a déposé, le 6 décembre 2013, une deuxième liste de prix ayant vocation à se substituer à la première, puis, le 12 décembre 2013, une troisième liste ; que, par un courrier électronique adressé à l'administration le 8 janvier 2014, la société requérante a, d'une part, indiqué qu'elle renonçait à la liste de prix déposée le 12 décembre 2013 et, d'autre part, demandé que les prix de vente au public de ses produits en vigueur restent inchangés, dans l'attente de l'homologation de la nouvelle liste de prix qu'elle adressait à l'administration par le même courrier ; que, par un arrêté du 19 décembre 2013, publié au Journal officiel du 11 janvier 2014, le ministre chargé du budget a homologué la liste de prix déposée le 12 décembre 2013 par la société requérante ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de publication de l'arrêté du 19 décembre 2013 et de rejet implicite des demandes d'abrogation de cet arrêté et d'homologation de la liste des prix déposée le 8 janvier 2014 :

3. Considérant, en premier lieu, que les mesures de publicité auxquelles donne lieu un texte réglementaire ne sont pas susceptibles de faire, par elles-mêmes, l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi, les conclusions tendant à l'annulation de la décision de publication au Journal officiel du 11 janvier 2014 de l'arrêté du 19 décembre 2013 du ministre chargé du budget sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la publication au Journal officiel de l'arrêté du 19 décembre 2013 du ministre chargé du budget homologuant la liste de prix déposée le 12 décembre 2013 ne saurait être regardée comme une décision implicite de rejet d'une demande d'abrogation de cet arrêté, en l'absence de toute demande d'abrogation, le courrier adressé au ministre par la société le 8 janvier 2014 pour indiquer sa renonciation à la liste de prix déposée le 12 décembre 2013 ne pouvant en tenir lieu ; que par suite, les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision sont irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la publication au Journal officiel du 11 janvier 2014 de l'arrêté du ministre du 19 décembre 2013 homologuant la liste de prix déposée le 12 décembre 2013 ne saurait être regardée comme une décision, et notamment pas comme une décision implicite de rejet, par le ministre, de la demande d'homologation de la nouvelle liste de prix que la société requérante lui avait présentée le 8 janvier 2014 en vue de son homologation ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision de rejet sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2013 :

6. Considérant que la légalité d'un acte administratif s'apprécie à la date à laquelle il est pris et non à sa date de publication ; que la société requérante a entendu, par un courrier électronique du 8 janvier 2014, retirer la liste de prix qu'elle avait déposée le 12 décembre 2013 et a demandé le maintien des prix de détail en vigueur pour ses produits, dans l'attente de l'homologation de la nouvelle liste de prix qu'elle déposait par le même courrier ; que, toutefois, cette demande de retrait est postérieure à la date de signature de l'arrêté du 19 décembre 2013 homologuant la liste de prix déposée le 12 décembre 2013 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, qui n'est pas fondé, contrairement à ce que soutient la société requérante, sur la circulaire du 18 février 2013 non plus que sur la lettre adressée aux fabricants et fournisseurs le 26 septembre 2013, méconnaîtrait tant les dispositions de l'article 572 du code général des impôts citées au point 1 que celles de l'article 15 de la directive du 21 juin 2001 du Conseil et le principe de libre concurrence au motif qu'il homologue une liste de prix qui n'auraient pas été librement déterminés par le fabricant et le fournisseur, dès lors que cette liste avait été retirée par le fabricant en accord avec le fournisseur, doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2013 ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société British American Tobacco France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société British American Tobacco France la somme de 3 500 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société British American Tobacco France est rejetée.

Article 2 : La société British American Tobacco versera à l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société British American Tobacco France et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 374948
Date de la décision : 25/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2015, n° 374948
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Olléon
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:374948.20150225
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