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01/04/2015 | FRANCE | N°369586

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 01 avril 2015, 369586


Vu le pourvoi, enregistré le 21 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget, qui demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 12VE02183 du 18 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel interjeté par M. A...B...contre le jugement n° 1101008 du 27 avril 2012 du tribunal administratif de Montreuil, a annulé ce jugement et prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie de majorations, à laquelle l'appelant avait été assujett

i au titre de l'année 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu ...

Vu le pourvoi, enregistré le 21 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget, qui demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 12VE02183 du 18 avril 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel interjeté par M. A...B...contre le jugement n° 1101008 du 27 avril 2012 du tribunal administratif de Montreuil, a annulé ce jugement et prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie de majorations, à laquelle l'appelant avait été assujetti au titre de l'année 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenus ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Loloum, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. B...;

Vu la note en délibérée, enregistrée le 27 mars 2015, présentée pour M. B... ;

1. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 225-177 et L. 225-180 du code de commerce, une société peut attribuer des options d'achat ou de souscription d'actions à un salarié d'une autre société dont elle détient au moins dix pour cent du capital ou des droits de vote ; qu'aux termes de l'article 80 bis du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 1er du décret du 3 juin 2013 : " I. L'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C. / II. Lorsque le prix d'acquisition des actions offertes dans les conditions prévues au I est inférieur à 95 % de la moyenne des cours ou du cours moyen d'achat respectivement mentionnés aux articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce, la différence est imposée dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année au cours de laquelle l'option est levée " ; qu'en vertu des dispositions du I de l'article 163 bis C du code, dans ses rédactions applicables aux options portant sur des actions nominatives, émises par des sociétés qui ne sont pas à prépondérance immobilière et assorties d'une période d'indisponibilité au moins égale à cinq ans, pour les options attribuées jusqu'au 26 avril 2000, ou quatre ans, pour les options attribuées entre le 27 avril 2000 et la date d'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi du 29 décembre 2012, l'avantage défini à l'article 80 bis est imposé lors de la cession des titres, au taux forfaitaire fixé au 6 de l'article 200 A du même code, sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 22 de la convention conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique en matière d'impôt sur le revenu : " Les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus " ; que l'article 18 de la même convention stipule : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat " ; qu'aux termes de l'article 22 de la convention : " Tout terme non spécialement défini dans la présente convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque État contractant, les impôts faisant l'objet de la convention " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les 11 juin 1999, 30 mars 2000, 30 mars 2001 et 26 mars 2002, la société " Champagne Laurent Perrier ", établie en France, a attribué à son salarié, M. A...B..., sur le fondement des dispositions du code de commerce citées ci-dessus, des options permettant à l'intéressé d'acquérir à un prix privilégié des actions nominatives de sa société-mère, dénommée " Laurent Perrier SA " ; que ces actions étaient assorties d'une période d'indisponibilité fixée à cinq ans, pour les deux premières séries d'attributions et à quatre ans, pour les deux séries suivantes ; que M. B...a transféré son domicile de France en Belgique à compter du 1er septembre 2005, puis levé les options en cause aux mois de janvier 2006, pour celles d'entre elles qui portaient sur les actions assorties de la période d'indisponibilité de cinq ans, et septembre 2006, pour les autres options ; que les actions ainsi acquises ont été immédiatement revendues ; que la plus-value résultant de ces opérations n'a pas été déclarée à l'administration fiscale française ; que cette dernière a toutefois estimé qu'en vertu de l'article 80 bis du code général des impôts, un tel avantage devait être imposé en France à l'impôt sur le revenu en tant que rémunération analogue aux traitements et salaires, au sens et pour l'application des stipulations du 1 de l'article 11 de la convention fiscale franco-belge, pour la partie de cet avantage qui trouvait sa source en France ; que l'administration a mis à la charge de M.B..., sur ce fondement, le supplément d'imposition litigieux ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour prononcer la décharge de cette imposition, la cour a, en premier lieu, rappelé que l'existence éventuelle d'une situation de double imposition d'un même revenu entre les mains d'un contribuable, ainsi que les modalités de répartition du pouvoir d'imposition des revenus résultant, entre les Etats parties à la convention fiscale franco-belge, des stipulations de cette convention, devaient être appréciées au regard notamment de la qualification donnée par la loi fiscale nationale au revenu en cause et sur le fondement de laquelle était établie l'imposition contestée ; que la cour a, en deuxième lieu, jugé que, dans les circonstances de l'espèce, la taxation de la plus-value litigieuse avait été opérée par l'administration fiscale française sur le fondement de dispositions relatives aux revenus de capitaux mobiliers, auxquels lesdits revenus étaient assimilés ; que la cour en a déduit, en troisième lieu, que cette plus-value ne pouvait être regardée comme constituant une rémunération analogue aux traitements et salaires, au sens de l'article 11 de la convention fiscale bilatérale ; qu'elle a jugé, en quatrième lieu, que cette plus-value entrait dès lors dans le champ des stipulations de l'article 18 de cette convention attribuant l'imposition des revenus d'un contribuable à l'Etat dont l'intéressé est le résident, en l'absence de stipulations contraires ;

5. Considérant toutefois qu'il ressort des termes mêmes du I de l'article 80 bis du code général des impôts, rapprochés de ceux du II du même article, comparés à ceux des articles 150-0 A à 150-0 D du même code et éclairés par l'objet et le but poursuivis par les dispositions de la loi du 31 décembre 1970 dont est issu l'article 80 bis, que si l'éventuelle plus-value de cession ou gain net résultant, le cas échéant, de la différence entre le prix de cession des actions et leur prix d'acquisition doit être regardée comme un revenu de capitaux mobiliers entrant, faute de stipulations contraires, dans le champ de l'article 18 de la convention fiscale franco-belge, la plus-value d'acquisition éventuellement réalisée par le bénéficiaire d'options de souscription ou d'achat d'actions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et égale à la différence entre, d'une part, la valeur réelle de l'action à la date de levée d'option et, d'autre part, le prix de souscription ou d'achat de cette action doit être regardée, en revanche, comme une rémunération analogue aux traitements et salaires, entrant dès lors dans le champ de l'article 11 de la convention fiscale franco-belge et imposable, par suite, dans l'Etat sur le territoire duquel a été exercée l'activité salariée que cette plus-value rémunère ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que le calcul de l'impôt sur le revenu dû à raison de cette plus-value ait été déterminé, pour les options attribuées au cours de la période mentionnée au point 1 ci-dessus, selon les conditions prévues au II de l'article 163 bis C du code général des impôts alors applicable, ou selon celles prévues par les dispositions combinées du I du même article et du 6 de l'article 200 A de ce code, ou encore selon les modalités fixées par le II de l'article 80 bis du même code ;

6. Considérant qu'il suit de là qu'en retenant le deuxième motif exposé au point 4, la cour a donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique inexacte ; que le ministre chargé du budget est fondé, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 18 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 369586
Date de la décision : 01/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 avr. 2015, n° 369586
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Loloum
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:369586.20150401
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