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02/04/2015 | FRANCE | N°376831

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 02 avril 2015, 376831


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 376 831, par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés au Conseil d'Etat les 28 mars, le 1er septembre, 15 septembre et 24 septembre 2014, l'Union des Maisons et Marques de Vin (UMVIN) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 5 décembre 1996 relative à l'autorisation d'achat de vendanges en cas de sinistre climatique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du cod

e de justice administrative.

2° Sous le n° 376 834, par une requête et trois ...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 376 831, par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés au Conseil d'Etat les 28 mars, le 1er septembre, 15 septembre et 24 septembre 2014, l'Union des Maisons et Marques de Vin (UMVIN) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 5 décembre 1996 relative à l'autorisation d'achat de vendanges en cas de sinistre climatique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 376 834, par une requête et trois nouveaux mémoires, enregistrés au Conseil d'Etat les 28 mars, 1er septembre, 15 septembre et 24 septembre 2014, l'UMVIN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite du ministre de l'économie et des finances d'abroger les points 28 et 29 de l'instruction n°01-138/R en date du 31 octobre 2001, publiée au Bulletin officiel des Douanes n° 6533 du 13 novembre 2001 ;

2°) d'enjoindre au ministre d'abroger les points 28 et 29 de cette instruction, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

1. Considérant que la note du ministre chargé de l'agriculture du 5 décembre 1996, relative à l'autorisation d'achat de vendanges en cas de sinistre climatique, et les points 28 et 29 de l'instruction n°01-138/R en date du 31 octobre 2001, publiée au Bulletin officiel des Douanes n° 6533 du 13 novembre 2001, énoncent les exigences auxquelles est subordonné le bénéfice du régime fiscal spécifique prévu en faveur des entrepositaires agréés récoltants et les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à ces exigences ; que les requêtes de l'Union des Maisons et Marques de Vin (UMVIN), enregistrées sous les n°s 376 831 et 376 834, tendent à l'annulation pour excès de pouvoir, respectivement de la note du 5 décembre 1996 et du refus implicite du ministre de l'économie et des finances d'abroger les points 28 et 29 de l'instruction du 31 octobre 2001 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'agriculture :

2. Considérant qu'aucune disposition du code du travail ne fait obstacle à ce qu'un syndicat professionnel, dont les statuts n'auraient pas préalablement été déposés en mairie, forme un recours pour excès de pouvoir contre une décision faisant grief aux intérêts qu'il défend ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que l'UMVIN a procédé au dépôt de ses statuts en mairie ; qu'en ouvrant aux entrepositaires agréés récoltants une faculté d'achat en principe réservée aux négociants, sans les soumettre aux mêmes exigences, les dispositions contestées de la note du 5 décembre 1996 et celles des points 28 et 29 de l'instruction du 31 octobre 2001, qui présentent un caractère impératif, sont susceptibles de léser les personnes dont la requérante défend les intérêts ; qu'enfin, le ministre ne saurait, en tout état de cause, soutenir utilement que le délai de recours contre l'instruction du 31 octobre 2001 serait expiré, dès lors que la requête de l'UMVIN est dirigée contre le refus opposé à sa demande d'abrogation des points 28 et 29 de cette instruction ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le ministre doivent être écartées ;

Sur l'intervention de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie à appellations d'origine contrôlée :

4. Considérant que cette organisation a intérêt au maintien des actes attaqués ; qu'ainsi, son intervention en défense est recevable ;

Sur la légalité de la note et de l'instruction attaquées :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 302 B du code général des impôts : " Sous réserve de l'article 564 undecies, sont soumis aux articles 302 B à 302 V bis : les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés. / Les droits indirects entrant dans le champ d'application du présent chapitre, qui sont dits accises, comprennent le droit de circulation prévu par l'article 438, le droit de consommation prévu par les articles 402 bis, 403, 575 et 575 E bis, le droit spécifique sur les bières prévu par l'article 520 A. " ; qu'aux termes de l'article 302 D du même code : " I.-1. L'impôt est exigible : / 1° Lors de la mise à la consommation. Le produit est mis à la consommation : / a. Lorsqu'il cesse de bénéficier du régime suspensif des droits d'accises prévu au II de l'article 302 G ou de l'entrepôt mentionné au 8° du I de l'article 570 (...) III.-1. L'impôt est liquidé mensuellement, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sur la base d'une déclaration des quantités de produits mis à la consommation au cours du mois précédent transmise à l'administration. / 2. L'impôt est acquitté auprès de l'administration soit à la date de la liquidation, soit dans le délai d'un mois à compter de cette date, une caution garantissant le paiement de l'impôt dû est exigée dans l'un et l'autre cas. Une dispense de caution peut être accordée aux entrepositaires agréés mentionnés à l'article 302 G dans les limites et conditions fixées par décret " ; qu'aux termes de l'article 302 G de ce code : " I.-Doit exercer son activité comme entrepositaire agréé : / 1° Toute personne qui produit ou transforme des alcools, des produits intermédiaires, des produits visés à l'article 438 ou des bières ; (...) 3° Toute personne qui détient des produits mentionnés au 1° qu'elle a reçus ou achetés et qui sont destinés à l'expédition ou à la revente par quantités qui, pour le même destinataire ou le même acquéreur, sont supérieures aux niveaux fixés par décret. (...) III.-L'entrepositaire agréé tient, par entrepôt fiscal suspensif des droits d'accises, une comptabilité matières des productions, transformations, stocks et mouvements de produits mentionnés aux 1° et 2° du I, ainsi que des produits vitivinicoles, autres que les vins, mentionnés à la partie XII de l'annexe I au règlement (CE) modifié n° 1234 / 2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur. L'entrepositaire agréé présente ladite comptabilité matières et lesdits produits à toute réquisition. (...) V.-L'administration accorde la qualité d'entrepositaire agréé à la personne qui justifie être en mesure de remplir les obligations prévues au III et qui fournit une caution solidaire garantissant le paiement des droits dus./ Peuvent être dispensés de caution : / 1° En matière de production, de transformation et de détention, les récoltants, y compris les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, ainsi que les brasseurs ; / 2° En matière de circulation, les petits récoltants de vin, y compris les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, dans les limites et conditions fixées par décret ; / 3° Dans les limites et conditions fixées par décret, les opérateurs qui détiennent et expédient les produits mentionnés au 1° du I. (...) " ; qu'aux termes de l'article 286 N de l'annexe 2 au code général des impôts : " En application du deuxième alinéa du V de l'article 302 G du code général des impôts, peuvent être dispensés de caution en matière de production, de transformation et de détention de leur propre production : / 1° Les récoltants qui sont propriétaires non exploitants, propriétaires exploitants, fermiers ou métayers ; / 2° Les sociétés coopératives agricoles et les unions de coopératives agricoles récoltantes constituées en conformité avec le statut de la coopération agricole, en ce qui concerne les opérations de toute nature avec leurs adhérents ; 3° Les brasseurs. " ;

6. Considérant que l'instruction DA n° 01-138 du 31 octobre 2001 prévoit, au point 28, que, par " tolérance administrative ", les viticulteurs et caves coopératives peuvent acheter des vendanges, des moûts et des vins faits, sans perdre leur statut d'entrepositaire agréé récoltant, sous réserve, d'une part, de respecter diverses conditions, notamment celle que les quantités de produits d'achat ne dépassent pas 5% de la récolte de l'acheteur et, d'autre part, de déclarer auprès des services territorialement compétents ces achats, dont il est indiqué qu'ils doivent circuler sous document simplifié d'accompagnement en droits acquittés, payés par le viticulteur fournisseur et repayés par le second viticulteur lors de la mise à la consommation du produit ayant bénéficié de l'achat des 5% ; que la même instruction prévoit, au point 29, qu'à titre " dérogatoire ", les viticulteurs touchés par des sinistres climatiques (gel, grêle) pourront acheter des vendanges et des moûts, à l'exclusion des vins, en raison du déficit de récolte, sans perdre leur statut d'entrepositaire agréé récoltant, sous réserve de la délimitation par arrêté préfectoral des aires de production sinistrées et à diverses conditions, dont celle, notamment, que le volume des vendanges achetées n'ait pas pour effet de permettre au viticulteur acquéreur de produire, après incorporation des vendanges achetées à sa propre récolte, plus de 80% de sa production moyenne de vin déclarée au cours des cinq dernières campagnes ; qu'à ces éléments, qui reprennent les termes de la note du ministre chargé de l'agriculture du 5 décembre 1996 relative à l'autorisation d'achat de vendanges en cas de sinistre climatique, l'instruction ajoute, au même point 29, que ces achats doivent faire l'objet d'une autorisation du directeur régional des douanes et droits indirects territorialement compétent qui n'est valable que pour la seule campagne au cours de laquelle s'est produit le sinistre climatique, et que les vendanges acquises en franchise du droit de circulation sont déplacées sous couvert d'un document simplifié d'accompagnement ;

7. Considérant que ces actes ne se bornent pas à éclairer l'administration, à titre indicatif, sur l'interprétation à donner de la notion d'entrepositaire agréé récoltant, qui n'est pas définie par la loi, mais énoncent en termes impératifs les exigences auxquelles est subordonné le bénéfice du régime fiscal spécifique prévu en faveur de cette catégorie d'entrepositaires agréés, et les conditions dans lesquelles, de manière structurelle ou conjoncturelle, il peut être dérogé à ces exigences ; qu'aucune des dispositions précitées du code général des impôts ni aucun autre texte ne donnait compétence au ministre chargé du budget ou au ministre de l'agriculture pour édicter de telles mesures ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, l'UMVIN est fondée à demander l'annulation de la note du ministre chargé de l'agriculture du 5 décembre 1996, d'une part, et du refus opposé par le ministre de l'économie et des finances à sa demande tendant à l'abrogation des points 28 et 29 de l'instruction DA n°01-138 du 31 octobre 2001, d'autre part ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 code de justice administrative, d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics d'abroger les points 28 et 29 de l'instruction DA n°01-138 du 31 octobre 2001 dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à l'UMVIN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie à appellations d'origine contrôlée est admise.

Article 2 : La note du ministre chargé de l'agriculture du 5 décembre 1996 relative à l'autorisation d'achat de vendanges en cas de sinistre climatique et le refus opposé par le ministre de l'économie et des finances à la demande de l'UMVIN tendant à l'abrogation des points 28 et 29 de l'instruction DA n° 01-138 du 31 octobre 2001 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au ministre des finances et des comptes publics d'abroger les points 28 et 29 de l'instruction DA n° 01-138 du 31 octobre 2001 dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à l'UMVIN au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 376 834 est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'Union des Maisons et Marques de Vin, au ministre des finances et des comptes publics, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, et à la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie à appellations d'origine contrôlées.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 376831
Date de la décision : 02/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2015, n° 376831
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Lombard
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:376831.20150402
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