La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2015 | FRANCE | N°370350

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 09 avril 2015, 370350


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet 2013 et 5 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des utilisateurs et distributeurs de l'agro-chimie européenne (AUDACE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande, reçue le 26 avril 2013, d'abrogation partielle du décret n° 2005-558 du 27 mai 2005 relatif aux importations de médicaments vétérinaires et modifiant le code de la santé pu

blique ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre, sur le fondement de l'article...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet 2013 et 5 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des utilisateurs et distributeurs de l'agro-chimie européenne (AUDACE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande, reçue le 26 avril 2013, d'abrogation partielle du décret n° 2005-558 du 27 mai 2005 relatif aux importations de médicaments vétérinaires et modifiant le code de la santé publique ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'abroger l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique, dans un délai de huit jours et, en tout état de cause, de constater que cet article est inopposable aux particuliers ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au Premier ministre de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de dix jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 ;

- la directive 2001/82/CE du 6 novembre 2001 ;

- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Denis Rapone, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de l'association AUDACE.

Considérant ce qui suit :

Sur l'intervention de M. et MmeC..., de MM.E..., de M.A..., de M.D..., de l'Association nationale pour l'amélioration des relations éleveurs-vétérinaires, de la Coordination rurale, de l'Union nationale pour la pharmacie vétérinaire d'officine et de l'association "Défense des intérêts des vétérinaires dans l'application de la directive services " :

1. Cette intervention n'est pas motivée. Dès lors, elle n'est pas recevable.

Sur les conclusions de l'association AUDACE tendant à l'annulation du refus d'abrogation partielle du décret du 27 mai 2005 :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 5142-7 du code de la santé publique : " L'importation des médicaments vétérinaires est subordonnée à une autorisation de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ". En vertu du 5° de l'article L. 5142-8 du même code, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat " les conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation d'importer des médicaments vétérinaires prévue à l'article L. 5142-7 ". Sur le fondement de ces dispositions, le décret du 27 mai 2005 relatif aux importations de médicaments vétérinaires a notamment inséré dans le même code les articles R. 5141-123-6 à R. 5141-123-19 relatifs à l'importation parallèle de médicaments vétérinaires. En particulier, l'article R. 5141-123-17, dont les dispositions ont fait l'objet de la demande d'abrogation formée par l'association requérante et implicitement rejetée par le Premier ministre, prévoit que : " L'exploitation, telle que définie au deuxième alinéa du 3° de l'article R. 5142-1 et, pour ce qui concerne la pharmacovigilance, aux articles R 5141-104, R. 5141-105 et R. 5141-108, d'une spécialité pharmaceutique vétérinaire bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle est assurée par le titulaire de cette autorisation, sous réserve qu'il ait obtenu l'autorisation d'ouverture prévue à l'article L. 5142-2 ".

3. En premier lieu, en application de l'article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, tout Etat membre qui souhaite adopter une nouvelle règle technique au sens de la directive doit, sauf exception expressément prévue par celle-ci, en communiquer le projet à la Commission européenne dans les conditions fixées par cet article. Il doit procéder à une nouvelle communication dans les mêmes conditions s'il apporte au projet de règle technique, " d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier le champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences ou de rendre celles-ci plus strictes ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet de décret notifié à la Commission européenne par les autorités françaises en application de la directive 98/34/CE mentionnait que le titulaire d'une autorisation d'importation parallèle d'une spécialité pharmaceutique vétérinaire en assurait " l'exploitation telle que définie au deuxième alinéa du 3° de l'article R. 5145-2 " du code de la santé publique, devenu l'article R. 5142-1 de ce code dans le décret du 27 mai 2005, lequel disposait que l'exploitation comprend notamment les opérations de pharmacovigilance. Par suite, en renvoyant aux dispositions des articles R. 5141-104, R. 5141-105 et R. 5141-108 pour ce qui concerne la pharmacovigilance, l'auteur du décret du 27 mai 2005 n'a fait qu'expliciter les dispositions litigieuses. D'autre part, en se bornant à prévoir la nécessité de l'autorisation d'ouverture prévue à l'article L. 5142-2, sans plus faire mention des différentes catégories d'activités prévues à l'article R. 5142-1, l'auteur du décret n'a modifié ni le sens ni la portée des dispositions contestées. Par suite, le moyen tiré de ce que les modifications apportées au projet de décret imposaient une nouvelle notification à la Commission manque en fait.

5. En second lieu, l'association requérante soutient que les dispositions de l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique méconnaissent, d'une part, l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les objectifs de la directive 2001/82/CE du 6 novembre 2001 en ce qu'elles assimilent les importateurs parallèles de médicaments vétérinaires à des exploitants d'autorisations de mise sur le marché et les soumettent aux obligations de pharmacovigilance prévues par les articles R. 5141-104, R. 5141-105 et R. 5141-108 du code de la santé publique et, d'autre part, les articles 34 et 56 du Traité et l'article 16 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 en ce qu'elles imposent aux importateurs parallèles de médicaments vétérinaires d'exploiter leurs autorisations d'importation parallèle par le biais d'un établissement autorisé au titre de l'article L. 5142-2 du code de la santé publique et établi en France.

6. A la date de la présente décision, la Cour de justice de l'Union européenne est saisie d'une question préjudicielle qui lui été renvoyée par un arrêt de la cour d'appel de Pau du 15 janvier 2015 et qui lui demande si " une règlementation nationale qui assimile les importateurs parallèles de médicaments vétérinaires aux titulaires d'une autorisation d'exploitation dont l'exigence n'est pas prévue par la directive 2001/82/CE modifiée instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires et qui, en conséquence, les soumet aux obligations de disposer d'un établissement sur le territoire de l'Etat membre concerné et de satisfaire à l'ensemble des opérations de pharmacovigilance prévues par les articles 72 à 79 de ladite directive est (...) conforme aux articles 34, 36, 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à l'article 16 de la directive " services " 2006/123/CE ". Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation du refus du Premier ministre d'abroger l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique, jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur cette question.

Sur les conclusions de l'association AUDACE tendant à ce que le Conseil d'Etat constate que l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique est inopposable aux particuliers :

7. Il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans le cadre du présent recours pour excès de pouvoir, de " constater l'inopposabilité " de l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique. Par suite, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que les conclusions de l'association requérante tendant à cette fin sont irrecevables.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les conclusions de l'association requérante tendant à ce qu'il soit constaté que l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique est inopposable aux particuliers doivent être rejetées et, d'autre part, il y a lieu de surseoir à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. et MmeC..., de MM.E..., de M. A..., de M. D..., de l'Association nationale pour l'amélioration des relations éleveurs-vétérinaires, de la Coordination rurale, de l'Union nationale pour la pharmacie vétérinaire d'officine et de l'association "Défense des intérêts des vétérinaires dans l'application de la directive services " n'est pas admise.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de l'association AUDACE tendant à l'annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique et à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre, à titre principal, d'abroger cet article et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande d'abrogation, ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de la conformité d'une réglementation telle que celle prévue par l'article R. 5141-123-17 du code de la santé publique aux articles 34, 36, 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et sur sa compatibilité avec les objectifs de l'article 16 de la directive 2006/123/CE.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association AUDACE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Association des utilisateurs et distributeurs de l'agrochimie européenne (AUDACE), à M. B...C..., premier intervenant dénommé, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Les autres intervenants seront informés de la présente décision par la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 370350
Date de la décision : 09/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2015, n° 370350
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Denis Rapone
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370350.20150409
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award