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27/10/2015 | FRANCE | N°370882

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème ssr, 27 octobre 2015, 370882


Vu la procédure suivante :

Le comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " des sociétés Electricité Réseau Distribution France (ERDF) et Gaz Réseau Distribution France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 19 décembre 2011 par lesquelles les directeurs des " Unités Clients et Fournisseurs " de Paris, de l'Ouest de l'Ile-de-France et de l'Est de l'Ile-de-France de ces sociétés ont décidé la mise en oeuvre d'une réorganisation fondée sur la spécialisation par type d'énergie des personnels et des centres rele

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Vu la procédure suivante :

Le comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " des sociétés Electricité Réseau Distribution France (ERDF) et Gaz Réseau Distribution France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 19 décembre 2011 par lesquelles les directeurs des " Unités Clients et Fournisseurs " de Paris, de l'Ouest de l'Ile-de-France et de l'Est de l'Ile-de-France de ces sociétés ont décidé la mise en oeuvre d'une réorganisation fondée sur la spécialisation par type d'énergie des personnels et des centres relevant de la fonction " accueils acheminement " en Ile de France. Par un jugement n°s 1201739/7/3, 1201743/7/3 et 1201747/7/3 du 7 juin 2012, le tribunal administratif a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt n° 12PA02860 du 6 juin 2013, la cour administrative d'appel de Paris a accueilli l'appel formé par les sociétés ERDF et GRDF contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 5 août et 5 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par les sociétés ERDF et GRDF contre le jugement du 7 juin 2012 du tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " des sociétés ERDF et GRDF et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF) et de la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-2 du code de l'énergie : " (...) le service public de l'électricité assure les missions de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ainsi que de fourniture d'électricité (...) " ; que l'article L. 121-4 du même code dispose que : " I. - La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste à assurer : / 1° La desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution (...) / 2° Le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution. / II. - Sont chargées de cette mission, conformément à leurs compétences respectives, (...) la société gestionnaire de réseaux publics de distribution issue de la séparation des activités d'Electricité de France en application de l'article L. 111-57 (...) " ; que l'article L. 121-32 dispose que : " I. - Des obligations de service public sont assignées : / 1° Aux opérateurs de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel (...) / II. - Elles portent sur : / 1° La sécurité des personnes et des installations en amont du raccordement des consommateurs finals ; / (...) / 8° Le développement équilibré du territoire (...) " ; qu'enfin, aux termes du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : " Sans préjudice des dispositions de l'article 23 de la loi n° 46-628 du 28 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité et de gaz (...), négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions " ; qu'il résulte de l'ensemble des ces dispositions que la distribution de l'électricité et du gaz est une activité de service public ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 111-71 du code de l'énergie : " Electricité de France et GDF-Suez, ainsi que leurs filiales, peuvent, par convention, créer des services communs dotés ou non de la personnalité morale. / La création d'un service commun, non doté de la personnalité morale, entre les sociétés issues de la séparation juridique des activités exercées par Electricité de France et GDF-Suez en application de l'article L. 111-57 est obligatoire, dans le secteur de la distribution, pour la construction des ouvrages, la maîtrise d'oeuvre de travaux, l'exploitation et la maintenance des réseaux, les opérations de comptage ainsi que d'autres missions afférentes à ces activités (...) / Chacune des sociétés assume les conséquences de ses activités propres dans le cadre des services communs non dotés de la personnalité morale. / Les coûts afférents aux activités relevant de chacune des sociétés sont identifiés dans la comptabilité des services communs (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois décisions du 19 décembre 2011, les directeurs des " Unités clients et fournisseurs " des " plaques " de Paris, de l'Ouest de l'Ile-de-France et de l'Est de l'Ile-de-France du service commun aux deux sociétés ont décidé la mise en oeuvre d'une réorganisation tendant à la spécialisation, par type d'énergie, des cinq services " accueil-acheminement " de leurs unités respectives ; que les services " accueil-acheminement " assurent l'interface entre les fournisseurs d'électricité ou de gaz, lesquels transmettent eux-mêmes les demandes de leurs clients, et les entités opérationnelles chargées de réaliser les interventions techniques, notamment pour le raccordement et les opérations de comptage ; que les tâches dévolues à ces services comprennent notamment l'accueil et l'orientation des demandes des fournisseurs, la facturation des prestations opérées à leur profit, le contrôle, la validation et la rectification des données de comptage pour l'électricité et le gaz et, enfin, le traitement de certaines réclamations ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. " ;

5. Considérant que la question se pose de savoir si les décisions du 19 décembre 2011 en litige, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles aient été susceptibles d'avoir une incidence directe sur la manière dont est assuré le service public de la distribution de l'électricité et du gaz, se rattachent à l'organisation même de ce service public, lequel s'exerce dans les conditions fixées par la loi et les cahiers des charges des concessions, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ; qu'ainsi, le litige né de l'action du comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " des sociétés ERDF et GRDF tendant à l'annulation de ces décisions présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015 ; que, par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par le comité d'établissement relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à sa décision ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi du comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " des sociétés ERDF et GRDF jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de son action tendant à l'annulation des décisions du 19 décembre 2011, par lesquelles les directeurs des " Unités Clients et Fournisseurs " de Paris, de l'Ouest de l'Ile-de-France et de l'Est de l'Ile-de-France de ces sociétés ont décidé la mise en oeuvre d'une réorganisation fondée sur la spécialisation par type d'énergie des personnels et des centres relevant de la fonction " accueils acheminement " en Ile de France, relève ou non de la juridiction administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au comité d'établissement " Clients et Fournisseurs Ile-de-France " des sociétés ERDF et GRDF, à la société Électricité Réseau Distribution France et à la société Gaz Réseau Distribution France.

Copie en sera adressée à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 370882
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2015, n° 370882
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370882.20151027
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