La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2015 | FRANCE | N°363163

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 18 décembre 2015, 363163


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 juin 2007 par laquelle, à l'issue de la vente aux enchères publiques organisée le 8 juin 2007 par la S.A. Sotheby's France, le ministre de la culture et de la communication a confirmé qu'il faisait usage du droit de préemption prévu à l'article L. 123-1 du code du patrimoine en vue d'acquérir le lot n° 258 constitué d'une figure à crochets " Ypwon ". Par un jugement n° 0712386 du 28 janvier 2010, le tribunal administratif de Paris a rejet

sa demande.

Par un arrêt n° 10PA01590 du 31 juillet 2012, la cour ...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 juin 2007 par laquelle, à l'issue de la vente aux enchères publiques organisée le 8 juin 2007 par la S.A. Sotheby's France, le ministre de la culture et de la communication a confirmé qu'il faisait usage du droit de préemption prévu à l'article L. 123-1 du code du patrimoine en vue d'acquérir le lot n° 258 constitué d'une figure à crochets " Ypwon ". Par un jugement n° 0712386 du 28 janvier 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10PA01590 du 31 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er octobre 2012, 2 janvier, 10 mai et 9 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union, la question de savoir si les dispositions des articles 26, 34 et 35 de ce traité s'opposent à une législation nationale prévoyant un droit de préemption tel que celui de l'article L. 123-1 du code du patrimoine ainsi que la question de savoir si les dispositions de l'article 36 du même traité s'opposent à l'exercice d'un tel droit de préemption lorsque le bien concerné n'a pas de lien de rattachement particulier et objectif avec l'Etat membre en cause, ou n'a pas été créé dans cet Etat, ou n'est entré sur le territoire de cet Etat que pour les seuls besoins de la vente publique, ou lorsque l'exercice du droit de préemption n'a pas pour objectif la protection du bien considéré ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code du patrimoine, notamment son article L. 123-1 ;

- le décret n° 2003-1302 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. B...A..., à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de l'établissement public du musée du Quai Branly et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ministre de la culture et de la communication ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2015, présentée par M. A... ;

1. Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vente aux enchères publiques organisée le 8 juin 2007 par la société Sotheby's France, à Paris, le ministre de la culture et de la communication a, par courrier du 14 juin 2007, confirmé auprès de cette société son intention de faire usage du droit de préemption qu'il tire des dispositions de l'article L. 123-1 du code du patrimoine, en vue d'acquérir le lot n° 258 constitué d'une figure à crochets à " Ypwon ", adjugée à M.A..., de nationalité néerlandaise ; que, par un jugement du 28 janvier 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 juillet 2012 par laquelle la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que l'article 4 du décret du 26 décembre 2003 relatif au conseil artistique des musées nationaux dispose que : " Les préemptions en vente publique par les musées nationaux sont soumises à l'avis du conseil artistique des musées nationaux " ; que si l'article I. 1) c) du règlement intérieur du conseil artistiques des musées nationaux prévoit que ce dernier doit émettre un avis avant la vente et " ratifier " les préemptions réalisées, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'intervention d'une telle ratification postérieurement à la décision de préemption était, en tout état de cause, sans influence sur sa légalité ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que M. A...ne pouvait invoquer utilement ces stipulations au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision de préemption du 14 juin 2007 du ministre de la culture et de la communication, qui a été prise au terme d'une procédure administrative ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-1 du code du patrimoine : " L'Etat peut exercer, sur toute vente publique d'oeuvres d'art ou sur toute vente de gré à gré d'oeuvres d'art (...), un droit de préemption par l'effet duquel il se trouve subrogé à l'adjudicataire ou à l'acheteur " ; que le droit de préemption prévu par cet article ne constitue qu'une modalité d'acquisition des oeuvres d'art par l'Etat, sans incidence, par elle-même, sur la libre circulation de ces oeuvres à l'intérieur de l'Union européenne ; qu'ainsi, elle ne constitue pas une restriction quantitative à l'importation ou à l'exportation, ou une mesure d'effet équivalent à une telle restriction, prohibée par les articles 28 et 29 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il y a lieu de substituer ce motif, qui répond à un moyen soulevé devant les juges du fond et qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, au motif retenu par la cour administrative d'appel de Paris dans son arrêt, dont il justifie le dispositif ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la cour en jugeant que la préemption litigieuse n'était, en tout état de cause, pas contraire aux articles 28 et 29 du traité instituant la Communauté européenne, alors en vigueur, dès lors que l'oeuvre sur laquelle elle portait revêtait le caractère d'un " trésor national ", au sens des dispositions dérogatoires de l'article 30 du même traité, devenu l'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est inopérant ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le pourvoi de M. A... doit être rejeté ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. A...au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ministre de la culture et de la communication et par l'établissement public du musée du Quai Branly au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'établissement public du musée du Quai Branly et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 363163
Date de la décision : 18/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

09 ARTS ET LETTRES - DROIT DE PRÉEMPTION PRÉVU PAR L'ART - L - DU CODE DU PATRIMOINE - RESTRICTION QUANTITATIVE À L'IMPORTATION OU À L'EXPORTATION OU MESURE D'EFFET ÉQUIVALENT - ABSENCE.

09 Le droit de préemption sur les ventes d'oeuvres d'art prévu par l'article L. 123-1 du code du patrimoine ne constitue qu'une modalité d'acquisition des oeuvres d'art par l'Etat, sans incidence, par elle-même, sur la libre circulation de ces oeuvres à l'intérieur de l'Union européenne. Ainsi, elle ne constitue pas une restriction quantitative à l'importation ou à l'exportation ou une mesure d'effet équivalent à une telle restriction, prohibée par les articles 28 et 29 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES - RESTRICTION QUANTITATIVE À L'IMPORTATION OU À L'EXPORTATION OU MESURE D'EFFET ÉQUIVALENT - DROIT DE PRÉEMPTION PRÉVU PAR L'ART - L - 123-1 DU CODE DU PATRIMOINE - ABSENCE.

15-05-01-02 Le droit de préemption sur les ventes d'oeuvres d'art prévu par l'article L. 123-1 du code du patrimoine ne constitue qu'une modalité d'acquisition des oeuvres d'art par l'Etat, sans incidence, par elle-même, sur la libre circulation de ces oeuvres à l'intérieur de l'Union européenne. Ainsi, elle ne constitue pas une restriction quantitative à l'importation ou à l'exportation ou une mesure d'effet équivalent à une telle restriction, prohibée par les articles 28 et 29 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2015, n° 363163
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Iljic
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:363163.20151218
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award