La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/2016 | FRANCE | N°388862

France | France, Conseil d'État, 7ème ssjs, 06 janvier 2016, 388862


Vu la procédure suivante :

Mme B...C..., veuveA..., a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mars 2012 par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande d'indemnisation, présentée en qualité d'ayant droit, tendant au bénéfice de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par un jugement n° 1200865 du 28 mars 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01078

du 13 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce j...

Vu la procédure suivante :

Mme B...C..., veuveA..., a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mars 2012 par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande d'indemnisation, présentée en qualité d'ayant droit, tendant au bénéfice de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par un jugement n° 1200865 du 28 mars 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01078 du 13 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement, annulé la décision du 26 mars 2012 et enjoint au ministre de la défense de présenter à Mme A...une proposition d'indemnisation des préjudices subis du fait du décès de son mari.

Par un pourvoi, enregistré le 20 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la défense demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de MmeA....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. " ; que l'article 2 de cette même loi définit les conditions de temps et de lieu de séjour ou de résidence que le demandeur doit remplir ; qu'aux termes du I de l'article 4 de cette même loi, dans sa version applicable au litige : " Les demandes d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation (...) " et qu'aux termes du II de ce même article : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 11 juin 2010, pris pour l'application de la loi du 5 janvier 2010, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le comité d'indemnisation détermine la méthode qu'il retient pour formuler sa recommandation au ministre en s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu faire bénéficier toute personne souffrant d'une maladie radio-induite ayant résidé ou séjourné, durant des périodes déterminées, dans des zones géographiques situées en Polynésie française et en Algérie, d'une présomption de causalité aux fins d'indemnisation du préjudice subi en raison de l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires ; que, toutefois, cette présomption peut être renversée lorsqu'il est établi que le risque attribuable aux essais nucléaires, apprécié tant au regard de la nature de la maladie que des conditions particulières d'exposition du demandeur, est négligeable ; qu'à ce titre, l'appréciation du risque peut notamment prendre en compte le délai de latence de la maladie, le sexe du demandeur, son âge à la date du diagnostic, sa localisation géographique au moment des tirs, les fonctions qu'il exerçait effectivement, ses conditions d'affectation, ainsi que, le cas échéant, les missions de son unité au moment des tirs ;

3. Considérant que le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants constitue l'un des éléments sur lequel l'autorité chargée d'examiner la demande peut se fonder afin d'évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires ; que si, pour ce calcul, l'autorité peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé, et sont ainsi de nature à établir si le risque attribuable aux essais nucléaires était négligeable ; qu'en l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à cette même autorité de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires ; que si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires doit être regardé comme négligeable et la présomption de causalité ne peut être renversée ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été affecté durant son service national au centre d'expérimentation du Pacifique du 5 mai 1968 au 14 mars 1969, où il a servi, en tant que conducteur de camion, sur l'île de Tahiti, puis sur les atolls de Hao et Fangataufa ; qu'il est décédé d'un cancer du poumon en 1989 ;

5. Considérant que, pour déterminer si le risque attribuable aux essais nucléaires était ou non négligeable, la cour administrative d'appel de Bordeaux a recherché les conditions d'exposition de l'intéressé ; que ce faisant, elle a relevé que M. A...a participé du 7 octobre au 19 novembre 1968 aux travaux de reconstruction de la piste d'atterrissage et d'autres installations de la base de Fangataufa après le tir d'essai du " 28 août " ; qu'elle a ensuite considéré qu'eu égard à ces conditions d'exposition, des mesures de surveillance au titre de la contamination interne de l'intéressé étaient nécessaires ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, qu'un examen de surveillance au titre de la surveillance de la contamination interne a été effectué le 8 novembre 1968, soit quelques jours avant le départ de l'intéressé de Fangataufa ; que, dès lors, en relevant que M. A...n'a fait l'objet que d'un seul examen de surveillance de la contamination interne plusieurs mois après son départ de l'atoll de Fangataufa, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de fait ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions de Mme A...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à Mme B...C...veuveA....


Synthèse
Formation : 7ème ssjs
Numéro d'arrêt : 388862
Date de la décision : 06/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jan. 2016, n° 388862
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Anne Lévêque
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388862.20160106
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award