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12/02/2016 | FRANCE | N°383355

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème ssr, 12 février 2016, 383355


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 20 septembre 2011 par laquelle la préfète de l'Eure lui a enjoint, dans le cas où il n'aurait pas communiqué sous quarante-huit heures diverses informations relatives à la traçabilité de ses bêtes, de conduire à ses frais trois des bovins et les huit ovins de son cheptel à l'abattoir. Par un jugement n° 1200204 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13DA01428 du 29 avril 2014, la cour administrative d'appe

l de Douai a rejeté l'appel que M. A...a formé contre ce jugement.

Par un p...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 20 septembre 2011 par laquelle la préfète de l'Eure lui a enjoint, dans le cas où il n'aurait pas communiqué sous quarante-huit heures diverses informations relatives à la traçabilité de ses bêtes, de conduire à ses frais trois des bovins et les huit ovins de son cheptel à l'abattoir. Par un jugement n° 1200204 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13DA01428 du 29 avril 2014, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel que M. A...a formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique enregistrés les 1er août 2014, 3 novembre 2014, 5 janvier 2015 et 3 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt, en tant qu'il concerne la décision de conduire à l'abattoir trois bovins de son exploitation ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Roger-Sevaux-Mathonnet au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2000 ;

- le règlement (CE) n° 1082/2003 de la Commission du 23 juin 2003 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion d'un contrôle inopiné de l'exploitation agricole de M. A..., diligenté le 24 juin 2011, des agents de la direction départementale de la protection des populations de l'Eure ont constaté la présence de trois bovins ne portant aucune marque auriculaire ; que, par une lettre du 30 juin 2011, la préfète de l'Eure a demandé à M. A...de lui transmettre les informations permettant de prouver l'identification, l'âge et l'origine de ces animaux ; que, par une lettre du 20 septembre 2011, la préfète de l'Eure, constatant que ces informations ne lui avaient pas été communiquées, a imparti à M. A...un délai de quarante-huit heures pour fournir les informations demandées en lui indiquant qu'à défaut de réponse de sa part, elle ordonnerait la conduite des animaux à l'abattoir aux frais de l'intéressé, conformément aux dispositions de l'article L. 221-4 du code rural et de la pêche maritime ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 avril 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, en tant que cet arrêt porte sur la décision de conduite à l'abattoir des trois bovins non identifiés de son exploitation ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 212-6 du code rural et de la pêche maritime : " La présente sous-section fixe les règles relatives à l'identification des animaux des espèces bovine, ovine, caprine et porcine (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 212-8 de ce code : " Un décret définit les matériels et procédés permettant d'identifier les animaux en vue d'assurer leur traçabilité (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 212-19 du même code : " I. Tout détenteur d'un ou de plusieurs bovins (...) est tenu de se déclarer auprès de l'établissement de l'élevage (...) afin que celui-ci l'enregistre et lui attribue un numéro national. / (...) Tout détenteur d'un ou de plusieurs bovins est tenu d'identifier ou de faire identifier chaque animal né sur son exploitation d'élevage. / Les animaux doivent être identifiés conformément aux dispositions du règlement n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2000 (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 221-4 du même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Lorsque, en tout lieu où sont hébergés les animaux (...), il est constaté qu'un animal de l'espèce bovine, ovine ou caprine n'est pas identifié, conformément aux dispositions prises en application des articles L. 212-6 à L. 212-8 (...) ou d'un règlement communautaire (...), les agents visés aux articles L. 205-1 et L. 221-5 mettent en demeure le détenteur ou propriétaire dudit animal de mettre à disposition, dans un délai maximal de quarante-huit heures, les informations nécessaires permettant de prouver l'identification de l'animal, son âge, son origine et son dernier lieu de provenance. A l'issue de ce délai et en l'absence desdites informations, les agents susmentionnés peuvent faire procéder, aux frais du détenteur, à la conduite à l'abattoir de l'animal en question (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, que les articles 1er et 3 du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2000 établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins prévoient que chaque Etat membre de l'Union européenne établit un système d'identification et d'enregistrement des bovins, lequel comprend des marques auriculaires pour l'identification individuelle des animaux, des bases de données informatisées, des passeports pour les animaux et des registres individuels tenus dans chaque exploitation ; que l'article 4 de ce règlement dispose que tous les animaux d'une exploitation nés après le 31 décembre 1997 sont identifiés par une marque apposée à chaque oreille dans un délai, fixé par chaque Etat membre à partir de la naissance de l'animal, qui ne peut en tout état de cause excéder vingt jours ; que l'article 22 du même règlement fait obligation aux Etats membres de prendre toutes les mesures nécessaires au respect des dispositions du règlement en procédant notamment à des contrôles ; que le règlement (CE) n° 1082/2003 de la Commission du 23 juin 2003 a fixé les modalités d'application du règlement (CE) n° 1760/2000 en ce qui concerne les contrôles à effectuer dans le cadre du système d'identification et d'enregistrement des bovins ; que l'article 1er de ce règlement dispose que les contrôles sont effectués " au moins conformément aux exigences minimales fixées aux articles 2 à 5 " ; qu'aux termes du cinquième paragraphe de l'article 2 : " Chaque inspection doit faire l'objet d'un compte rendu normalisé au niveau national, exposant les résultats du contrôle et toute conclusion insatisfaisante, le motif du contrôle et les noms des personnes présentes. Le détenteur ou son représentant doivent avoir la possibilité de signer le compte-rendu et, le cas échéant, d'y consigner leurs observations quant à leur contenu " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 et 3 de la présente décision, d'une part, que les contrôles réalisés par les autorités nationales compétentes dans le cadre du système d'identification et d'enregistrement des bovins doivent donner lieu à la rédaction d'un compte-rendu établi par les agents chargés du contrôle, consignant les observations du détenteur des animaux et soumis à la signature de l'intéressé et, d'autre part, qu'un tel compte-rendu, en tant qu'il a pour objet de préciser les irrégularités constatées, doit être établi au plus tard avant la mise en oeuvre de la procédure de mise en demeure prévue au I de l'article L. 221-4 du code rural et de la pêche maritime, préalable à la conduite à l'abattoir des bovins non identifiés ; que, dès lors, en jugeant, pour écarter le moyen de M. A... tiré de l'irrégularité du contrôle de son exploitation résultant de l'absence de rédaction par les agents de la direction départementale de la protection des populations de l'Eure d'un compte-rendu de contrôle avant l'adoption de la décision litigieuse, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonnait la mise en demeure notifiée en application des dispositions du I de l'article L. 221-4 du code rural et de la pêche maritime à la rédaction préalable d'un compte-rendu de contrôle, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il porte sur la décision de conduite à l'abattoir de trois bovins de son exploitation ;

5. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Roger-Sevaux-Mathonnet, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Roger-Sevaux-Mathonnet ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 29 avril 2014 est annulé en tant qu'il porte sur la décision du 20 septembre 2011 de la préfète de l'Eure en tant qu'elle ordonne la conduite à l'abattoir, à défaut de transmission sous quarante-huit heures d'informations établissant l'identification de ces animaux, de trois bovins de l'exploitation de M. A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCP Roger-Sevaux-Mathonnet, avocat de M. A..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 383355
Date de la décision : 12/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2016, n° 383355
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:383355.20160212
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