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30/03/2016 | FRANCE | N°380616

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème ssr, 30 mars 2016, 380616


Vu 1°, sous le n° 380616, la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a rejeté sa demande du 15 novembre 2010 tendant à la modification de son contrat afin que sa rémunération soit fixée par référence à un traitement indiciaire et qu'elle bénéficie des primes, du régime indemnitaire et des avantages divers des agents occupant des fonctions équivalentes. Par un jugement n° 1102122 du 24 mai 2012, le tribunal administratif de Mon

treuil a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 12VE02719 du 13 mars 2...

Vu 1°, sous le n° 380616, la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a rejeté sa demande du 15 novembre 2010 tendant à la modification de son contrat afin que sa rémunération soit fixée par référence à un traitement indiciaire et qu'elle bénéficie des primes, du régime indemnitaire et des avantages divers des agents occupant des fonctions équivalentes. Par un jugement n° 1102122 du 24 mai 2012, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 12VE02719 du 13 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Saint-Denis contre le jugement du 24 mai 2012.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai 2014, 26 août 2014 et 2 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 13 mars 2014 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu 2°, sous le n° 380678, la procédure suivante :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser une somme de 31 714,76 euros, assortie des intérêts et des intérêts capitalisés, correspondant au paiement de diverses indemnités auxquelles elle estime pouvoir prétendre en qualité d'agent de la commune. Par un jugement n° 1004044 du 24 novembre 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE00464 du 13 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...contre le jugement du 24 novembre 2011.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai 2014, 26 août 2014 et 28 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 13 mars 2014 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 3 500 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune de Saint-Denis, et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de MmeA... ;

1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable aux litiges, détermine les cas dans lesquels les collectivités territoriales peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents, par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires selon lequel les emplois permanents des collectivités territoriales sont occupés par des fonctionnaires ; que l'article 136 de la même loi dispose que : " (...) les agents non titulaires recrutés pour exercer les fonctions mentionnées aux articles 3 (...) de la présente loi (...) sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application [de l'article] 20, premier et deuxième alinéas [de la loi du 13 juillet 1983] (...) Les agents contractuels qui ne demandent pas leur intégration ou dont la titularisation n'a pas été prononcée continuent à être employés dans les conditions prévues par la législation et la réglementation applicables ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit en tant qu'elles ne dérogent pas à ces dispositions légales ou réglementaires " ; qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé " ; qu'enfin, aux termes de l'article 2 du décret du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : " Les traitements et soldes soumis aux retenues pour pension des [magistrats, militaires, fonctionnaires et agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière] sont calculés en multipliant le centième de la valeur du traitement fixée à l'article 3 ci-dessous par l'indice majoré correspondant à leur grade ou emploi, et échelon " ;

Sur le pourvoi n° 380616 de la commune de Saint-Denis :

3. Considérant que, par son arrêt n° 12VE02719 du 13 mars 2014, contre lequel la commune de Saint-Denis se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle son maire a rejeté la demande de Mme A...du 15 novembre 2010 tendant à la modification de son contrat afin que sa rémunération soit fixée sur la base d'un traitement indiciaire et soit assortie des compléments de rémunération y afférents ;

4. Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé que Mme A...exerçait les fonctions de psychologue dans les services de la commune de Saint-Denis depuis 1982 et était liée à cette collectivité, depuis le 1er juillet 1994, par un contrat à durée indéterminée ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces constatations, qui sont exemptes de dénaturation, que Mme A...occupait un emploi qui, répondant à un besoin permanent de la collectivité, était un emploi permanent au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ;

5. Considérant, en second lieu, qu'en application des dispositions combinées de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu'aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ; que les stipulations du contrat de Mme A...qui, selon les énonciations de l'arrêt non arguées de dénaturation, fixaient sa rémunération sur la base d'un taux horaire appliqué au nombre d'heures de travail effectuées et excluaient le versement de tout complément de rémunération, méconnaissaient ces dispositions ; que ce motif, qui répond à un moyen soulevé devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué aux motifs retenus par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ; que, par suite, les moyens soulevés par la commune à l'encontre de cet arrêt, en tant qu'il déduit de la nature de l'emploi occupé par Mme A...l'illégalité de son contrat, ne peuvent qu'être écartés ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Denis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 12VE02719 du 13 mars 2014 ;

Sur le pourvoi n° 380678 de MmeA... :

7. Considérant que, compte tenu des moyens qu'elle soulève, Mme A...doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêt n° 12VE00464 du 13 mars 2014 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il rejette les conclusions de son appel dirigé contre le jugement du 24 novembre 2011 tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à lui verser les arriérés qu'elle estime lui être dus, depuis le 1er janvier 2005, au titre du supplément familial de traitement, de l'indemnité de résidence, du régime indemnitaire créé par la délibération du conseil municipal de Saint-Denis du 25 février 1993 ainsi que de l'indemnité de risque et de sujétions spéciales prévue par la délibération du 20 mai 2010 ;

8. Considérant que, dans le cas où l'agent fait valoir, à bon droit, que son contrat méconnaît des dispositions législatives ou réglementaires qui lui étaient applicables et est, par suite, entaché d'irrégularité, le juge est tenu, pour établir l'étendue de ses droits, d'écarter les clauses de son contrat qui sont affectées d'irrégularité ; que, par suite, en se fondant sur les stipulations du contrat conclu entre Mme A...et la commune de Saint-Denis pour rejeter les conclusions dont elle était saisie, sans rechercher si ces stipulations étaient légales, alors que la requérante s'était prévalue de leur illégalité, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt n° 12VE00464 du 13 mars 2014 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à lui verser les arriérés qu'elle estime lui être dus, depuis le 1er janvier 2005, au titre du supplément familial de traitement, de l'indemnité de résidence, du régime indemnitaire créé par la délibération du conseil municipal de Saint-Denis du 25 février 1993 ainsi que de l'indemnité de risque et de sujétions spéciales prévue par la délibération du 20 mai 2010 ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 6 000 euros au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi n° 380616 de la commune de Saint-Denis est rejeté.

Article 2 : L'arrêt n° 12VE00464 de la cour administrative d'appel de Versailles du 13 mars 2014 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à lui verser les arriérés qu'elle estime lui être dus depuis le 1er janvier 2005 du supplément familial de traitement, de l'indemnité de résidence, du régime indemnitaire créé par la délibération du conseil municipal de la commune de Saint-Denis du 25 février 1993 ainsi que de l'indemnité de risque et de sujétions spéciales prévue par la délibération du 20 mai 2010.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 2.

Article 4 : La commune de Saint-Denis versera à Mme A...une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 380678 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Denis et à Mme B...A....

Copie en sera adressée à la ministre de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 380616
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - QUESTIONS D'ORDRE GÉNÉRAL - RÉMUNÉRATION DES AGENTS NON TITULAIRES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES OCCUPANT UN EMPLOI PERMANENT - TRAITEMENT - INDEMNITÉ DE RÉSIDENCE - SUPPLÉMENT FAMILIAL DE TRAITEMENT ET INDEMNITÉS SUPPLÉMENTAIRES - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - ILLÉGALITÉ D'UNE RÉMUNÉRATION SUR LA BASE D'UN TAUX HORAIRE.

36-08-01 En application des dispositions combinées de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu'aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les stipulations du contrat d'un agent qui fixent sa rémunération sur la base d'un taux horaire appliqué au nombre d'heures de travail effectuées et excluent le versement de tout complément de rémunération méconnaissent ces dispositions.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - RÉMUNÉRATION DES AGENTS NON TITULAIRES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES OCCUPANT UN EMPLOI PERMANENT - TRAITEMENT - INDEMNITÉ DE RÉSIDENCE - SUPPLÉMENT FAMILIAL DE TRAITEMENT ET INDEMNITÉS SUPPLÉMENTAIRES - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - ILLÉGALITÉ D'UNE RÉMUNÉRATION SUR LA BASE D'UN TAUX HORAIRE.

36-12 En application des dispositions combinées de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les agents non titulaires des collectivités territoriales occupant un emploi permanent ont droit à un traitement fixé en fonction de cet emploi, à une indemnité de résidence, le cas échéant au supplément familial de traitement ainsi qu'aux indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les stipulations du contrat d'un agent qui fixent sa rémunération sur la base d'un taux horaire appliqué au nombre d'heures de travail effectuées et excluent le versement de tout complément de rémunération méconnaissent ces dispositions.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - EXÉCUTION DU CONTRAT - CAS OÙ L'AGENT FAIT VALOIR QE SON CONTRAT MÉCONNAÎT DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES OU RÉGLEMENTAIRES - OBLIGATION POUR LE JUGE D'ÉCARTER LES CLAUSES IRRÉGULIÈRES DU CONTRAT - EXISTENCE [RJ1].

36-12-02 Dans le cas où l'agent fait valoir, à bon droit, que son contrat méconnaît des dispositions législatives ou réglementaires qui lui étaient applicables et est, par suite, entaché d'irrégularité, le juge est tenu, pour établir l'étendue de ses droits, d'écarter les clauses de son contrat qui sont affectées d'irrégularité.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. CE, 30 mai 2012, Mme Diollot, n° 343039, T. pp. 533-823 ;

CE, 10 février 2010, Union des chambres de commerce et d'industrie du Massif Central et autres, n°s 314145 315230 318478, T. pp. 604-671-829.

Rappr. CE, Section, 31 décembre 2008, Cavallo, n° 283256, p. 482.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2016, n° 380616
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380616.20160330
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