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04/05/2016 | FRANCE | N°396822

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 04 mai 2016, 396822


Vu la procédure suivante :

L'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision de la ministre de la culture et de la communication du 21 août 2015 d'accorder au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) ", un visa d'exploitation avec interdiction aux moins de douze ans, sans avertissement. Par une ordonnance n° 1600687/9 du 22 janvier 2016, le juge des référés a rejeté cette demande.



Par un pourvoi enregistré le 8 février 2016 au secrétariat du co...

Vu la procédure suivante :

L'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision de la ministre de la culture et de la communication du 21 août 2015 d'accorder au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) ", un visa d'exploitation avec interdiction aux moins de douze ans, sans avertissement. Par une ordonnance n° 1600687/9 du 22 janvier 2016, le juge des référés a rejeté cette demande.

Par un pourvoi enregistré le 8 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Promouvoir et Action pour la dignité humaine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association Promouvoir et de l'association Action pour la dignité humaine et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la ministre de la culture et de la communication ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 21 août 2015, la ministre de la culture et de la communication a, au vu de l'avis émis par la commission de classification des oeuvres cinématographiques, accordé au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " un visa d'exploitation, assorti d'une interdiction de diffusion aux mineurs de 12 ans, sans avertissement. A la suite de la sortie du film en salle, intervenue le 13 janvier 2016, l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 22 janvier 2016, le juge a refusé de faire droit à cette demande. L'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine se pourvoient en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. Pour rejeter la demande de suspension dont il était saisie, le juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que l'urgence ne justifiait pas que soit prononcée la suspension de la décision d'accorder un visa d'exploitation au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " au motif, d'une part, que la sortie du film n'avait donné lieu à aucun incident et, d'autre part, qu'au regard de l'impératif pour le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) de garantir la liberté d'expression en permettant une meilleure diffusion du film en salle lors de sa sortie, les associations requérantes n'apportaient aucun commencement de preuve à leurs allégations. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le premier de ces motifs ne faisait l'objet d'aucune discussion ou contestation devant lui, et qu'il lui appartenait, sans exiger des parties qu'elles apportent des preuves établissant tous les faits dont elles se prévalaient, de rechercher si, eu égard notamment aux conditions de sa diffusion et à son objet, le film était susceptible d'être vu par des mineurs, le juge des référés a entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit. Il y a lieu, par suite, de l'annuler, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. D'une part, la ministre de la culture et de la communication soutient, sans être contredite, que ce film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " ne fait plus aujourd'hui l'objet de diffusion en salle, d'autre part que, bien que comportant de très nombreuses scènes à caractère sexuel, il ne résulte pas du visionnage du film que sa diffusion dans les conditions régies par le visa d'exploitation constituerait une violation de l'article 227-23 du code pénal interdisant, notamment, la diffusion de l'image d'un mineur qui présente un caractère pornographique, constitutive d'un trouble manifeste à l'ordre public susceptible de créer une situation d'urgence ; par suite, la situation ne présente pas de caractère d'urgence.

6. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par l'association Promouvoir et de l'association Action pour la dignité humaine tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision du 21 août 2015 de la ministre de la culture et de la communication d'accorder au film " Bang Gang (une histoire d'amour moderne) " un visa d'exploitation, assorti d'une interdiction de diffusion aux mineurs de 12 ans, sans avertissement doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, ainsi que, par suite, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 22 janvier 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par l'association Promouvoir et de l'association Action pour la dignité humaine devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Promouvoir et l'association Action pour la dignité humaine ainsi qu'à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 396822
Date de la décision : 04/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2016, n° 396822
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:396822.20160504
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