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11/05/2016 | FRANCE | N°392191

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 11 mai 2016, 392191


Vu la procédure suivante :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 12 juillet 2013 rejetant sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de ses deux enfants, C...Badibanga Kamuleta et A...Kamuleta Kamuleta. Par un jugement n° 1318677 du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de faire droit à la demande de l'intéressé.

Par un arrêt n° 14PA03681 du 18 juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a reje

té l'appel formé par le préfet de police.

Par un pourvoi et un mémoire en répl...

Vu la procédure suivante :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 12 juillet 2013 rejetant sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de ses deux enfants, C...Badibanga Kamuleta et A...Kamuleta Kamuleta. Par un jugement n° 1318677 du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de faire droit à la demande de l'intéressé.

Par un arrêt n° 14PA03681 du 18 juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le préfet de police.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2015 et 24 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, notamment son article 3 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. D...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France " ; qu'en vertu de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice des prestations familiales est subordonné, s'agissant des enfants qui ne sont pas nés en France, et sous réserve de certaines exceptions, à la condition qu'il soit justifié de leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 12 juillet 2013, le préfet de police a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M.D..., de nationalité congolaise, pour deux de ses enfants mineurs, C...etA..., en raison de leur présence sur le territoire français depuis l'année 2009 et d'un arriéré de loyer dont l'intéressé était redevable à son bailleur pour le logement dont il était locataire ; que, par un jugement du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de faire droit à la demande de M. D... ; que, par un arrêt du 18 juin 2015, contre lequel le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du préfet de police au motif que le refus d'accorder le regroupement familial sollicité portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaissait le principe selon lequel l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant, garanti par les stipulations du premier alinéa de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

3. Considérant que, pour juger que la décision de refus opposée à M. D...avait méconnu ces stipulations, la cour s'est fondée sur le fait qu'elle privait le demandeur de la possibilité de percevoir des prestations familiales à raison des deux enfants en cause ; que, toutefois, les dispositions de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ayant pour objectif d'assurer le respect des règles relatives au regroupement familial, dans l'intérêt même de l'enfant pour lequel celui-ci est sollicité, la seule circonstance qu'un refus de regroupement, opposé en raison de la présence en France de l'enfant, fasse obstacle à la perception des prestations familiales, ne saurait, en principe, faire regarder cette décision comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ou l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'il ne saurait en aller différemment, par exception, qu'en raison de circonstances très particulières tenant à la fois à la situation du demandeur et à celle de l'enfant, notamment à son état de santé, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales ; que faute de rechercher si de telles circonstances étaient, en l'espèce, caractérisées pour les deux enfants concernés, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que le ministre de l'intérieur est, par suite, fondé à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 juin 2015 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de M. D...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B...D....


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392191
Date de la décision : 11/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICATION PAR LE JUGE FRANÇAIS - CONVENTION DE NEW YORK RELATIVE AUX DROITS DE L'ENFANT - INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L'ENFANT - REGROUPEMENT FAMILIAL - CAS OÙ LE MEMBRE DE LA FAMILLE BÉNÉFICIAIRE DE LA DEMANDE EST DÉJÀ PRÉSENT SUR LE TERRITOIRE - CIRCONSTANCE QUE LE REFUS FASSE OBSTACLE À LA PERCEPTION DES PRESTATIONS FAMILIALES - ATTEINTE À L'INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L'ENFANT - ABSENCE - EN PRINCIPE.

01-01-02-02 L'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale subordonne, en principe, le bénéfice des prestations familiales, s'agissant des enfants qui ne sont pas nés en France, à la condition qu'il soit justifié de leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial. Ces dispositions ayant pour objectif d'assurer le respect des règles relatives au regroupement familial, dans l'intérêt même de l'enfant pour lequel celui-ci est sollicité, la seule circonstance qu'un refus de regroupement, opposé en raison de la présence en France de l'enfant, fasse obstacle à la perception des prestations familiales, ne saurait, en principe, faire regarder cette décision comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ou l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne saurait en aller différemment, par exception, qu'en raison de circonstances très particulières tenant à la fois à la situation du demandeur et à celle de l'enfant, notamment à son état de santé, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE (ART - 8) - CONTRÔLE DU JUGE - REGROUPEMENT FAMILIAL - CAS OÙ LE MEMBRE DE LA FAMILLE BÉNÉFICIAIRE DE LA DEMANDE EST DÉJÀ PRÉSENT SUR LE TERRITOIRE - CIRCONSTANCE QUE LE REFUS FASSE OBSTACLE À LA PERCEPTION DES PRESTATIONS FAMILIALES - ATTEINTE À LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE OU À L'INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L'ENFANT - ABSENCE - EN PRINCIPE.

26-055-01-08-03 L'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale subordonne, en principe, le bénéfice des prestations familiales, s'agissant des enfants qui ne sont pas nés en France, à la condition qu'il soit justifié de leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial. Ces dispositions ayant pour objectif d'assurer le respect des règles relatives au regroupement familial, dans l'intérêt même de l'enfant pour lequel celui-ci est sollicité, la seule circonstance qu'un refus de regroupement, opposé en raison de la présence en France de l'enfant, fasse obstacle à la perception des prestations familiales, ne saurait, en principe, faire regarder cette décision comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ou l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne saurait en aller différemment, par exception, qu'en raison de circonstances très particulières tenant à la fois à la situation du demandeur et à celle de l'enfant, notamment à son état de santé, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales.

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - AUTORISATION DE SÉJOUR - OCTROI DU TITRE DE SÉJOUR - REGROUPEMENT FAMILIAL - CAS OÙ LE MEMBRE DE LA FAMILLE BÉNÉFICIAIRE DE LA DEMANDE EST DÉJÀ PRÉSENT SUR LE TERRITOIRE - CIRCONSTANCE QUE LE REFUS FASSE OBSTACLE À LA PERCEPTION DES PRESTATIONS FAMILIALES - ATTEINTE À LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE OU À L'INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L'ENFANT - ABSENCE - EN PRINCIPE.

335-01-02-02 L'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale subordonne, en principe, le bénéfice des prestations familiales, s'agissant des enfants qui ne sont pas nés en France, à la condition qu'il soit justifié de leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial. Ces dispositions ayant pour objectif d'assurer le respect des règles relatives au regroupement familial, dans l'intérêt même de l'enfant pour lequel celui-ci est sollicité, la seule circonstance qu'un refus de regroupement, opposé en raison de la présence en France de l'enfant, fasse obstacle à la perception des prestations familiales, ne saurait, en principe, faire regarder cette décision comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ou l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne saurait en aller différemment, par exception, qu'en raison de circonstances très particulières tenant à la fois à la situation du demandeur et à celle de l'enfant, notamment à son état de santé, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2016, n° 392191
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392191.20160511
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