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29/06/2016 | FRANCE | N°386081

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 29 juin 2016, 386081


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1407301 du 24 novembre 2014, enregistrée le 1er décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 6 octobre 2014 au greffe de ce tribunal, présentée par M. B...A....

Par cette requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 octobre et 26 novembre 2014 au greffe de ce tribunal, et un mémoire en réplique, enregistré le

24 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demand...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1407301 du 24 novembre 2014, enregistrée le 1er décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 6 octobre 2014 au greffe de ce tribunal, présentée par M. B...A....

Par cette requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 octobre et 26 novembre 2014 au greffe de ce tribunal, et un mémoire en réplique, enregistré le 24 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur sa demande tendant à l'abrogation de la circulaire n° 79/76 du 7 juillet 1976 de la caisse nationale d'assurance vieillesse relative à la loi du 3 janvier 1975 - mode de calcul de la fraction de pension " régime général " due, au minimum, par les régimes spéciaux visés par le décret n° 50-132 du 20 janvier 1950 et de la lettre du 10 juillet 1984 de la même caisse relative au mode de calcul de la fraction de pension due par certains régimes spéciaux - incidence de l'ordonnance du 26 mars 1982, ainsi que ces deux actes ;

2°) d'enjoindre à l'administration de rétablir les droits des assurés concernés depuis le 8 janvier 2007.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse nationale d'assurance vieillesse ;

1. Considérant que, par une lettre du 7 juillet 2014, M. A...a saisi le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes d'une demande tendant à l'abrogation de la circulaire n° 79/76 du 7 juillet 1976 de la Caisse nationale d'assurance vieillesse relative à la " loi du 3 janvier 1975 - mode de calcul de la fraction de pension " régime général " due, au minimum, par les régimes spéciaux visés par le décret n° 50-321 du 20 janvier 1950 " et de la lettre du 10 juillet 1984 de la même caisse relative au " mode de calcul de la fraction de pension due par certains régimes spéciaux - incidence de l'ordonnance du 26 mars 1982 ", en tant que ces actes prévoient que, lorsque l'assuré a cotisé au régime général le nombre maximum de trimestres susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la pension de retraite, les salaires servant de base pour le calcul de cette pension sont ceux qui ont été perçus pendant la période de cotisation au régime général à l'exclusion de ceux qui ont été le cas échéant perçus pendant une période de cotisation à un régime spécial ; qu'il demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a rejeté cette demande, ainsi que la circulaire et la lettre critiquées ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-4 du code de la sécurité sociale, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés " est un établissement public national à caractère administratif. Elle jouit de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle est soumise au contrôle des autorités compétentes de l'Etat (...) " ; que si les dispositions des articles L. 224-9 et L. 224-10 du même code confèrent au ministre chargé de la sécurité sociale un pouvoir de tutelle sur les décisions du conseil d'administration de la caisse nationale, elles ne lui confèrent pas un pouvoir hiérarchique qui lui permettrait d'annuler ou de réformer une circulaire du directeur de la caisse ; qu'ainsi, M. A...doit être regardé comme demandant l'annulation du refus du directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, auquel le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est réputé avoir transmis sa demande en vertu de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors applicable, d'abroger la circulaire du 7 juillet 1976 et la lettre du 10 juillet 1984, lesquelles comportent des dispositions impératives à caractère général ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'article D. 173-2 du code de la sécurité sociale, par lequel sont codifiés, depuis le décret du 17 décembre 1985, les deux premiers alinéas de l'article 2 du décret du 20 janvier 1950 relatif à la coordination entre le régime général et les régimes spéciaux d'assurances sociales en ce qui concerne l'assurance vieillesse, et qui s'applique notamment aux assurés affiliés successivement ou alternativement au régime général de sécurité sociale et à un ou plusieurs régimes spéciaux, prévoit que : " Les assurés mentionnés à l'article D. 173-1 ont droit, en ce qui concerne l'assurance vieillesse, aux avantages dont ils auraient bénéficié sous le régime général de sécurité sociale si ce régime leur avait été applicable durant la ou les périodes où ils ont été soumis à un régime spécial de retraites postérieurement au 30 juin 1930. Ces périodes entrent en compte, quel qu'ait été le montant de leur salaire, tant pour l'ouverture et la détermination de leurs droits que pour le calcul des avantages prévus par le régime général de sécurité sociale en matière d'assurance vieillesse. / Les intéressés sont supposés, pour l'application des dispositions du présent article, avoir donné lieu au versement des cotisations prévues par le régime général pendant les périodes au cours desquelles ils ont été soumis à un régime spécial (...) " ;

3. Considérant que l'article R. 173-4 du code de la sécurité sociale, qui reprend les dispositions de l'article 17 du décret du 24 février 1975, dispose que : " Les avantages de vieillesse dus par le régime général de sécurité sociale aux assurés et aux conjoints survivants d'assurés ayant été affiliés successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et à un ou plusieurs autres régimes de retraite entrant dans le champ d'application de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre, des sous-sections 1 et 2 de la section 1 du présent chapitre, (...) sont déterminés à l'exception du taux applicable au salaire annuel de base pour la détermination duquel il est fait application des dispositions de l'article R. 351-27, sur la base des seules périodes d'assurance valables au regard dudit régime " ; que le taux ainsi mentionné est le taux, fonction de la durée d'assurance, appliqué au salaire annuel de base pour obtenir le montant de la pension ; qu'en outre, l'article 19 du décret du 24 février 1975 a abrogé le décret du 20 janvier 1950 en tant qu'il concerne " les conditions de durée d'assurance exigées pour l'ouverture du droit à pension, la date d'effet et le mode de calcul des avantages de vieillesse dus par le régime général " ; qu'enfin, les deuxième et troisième alinéas de l'article D. 173-3 du même code prévoient que : " Chaque régime auquel l'assuré a été affilié supporte la charge de la prestation qui lui incombe, sur la base des seules périodes valables au regard dudit régime, postérieures au 30 juin 1930 et antérieures à la date de l'entrée en jouissance. / Chaque régime effectue le service de la fraction des avantages dont il a la charge " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'un assuré a été affilié tant au régime général qu'à un ou plusieurs régimes spéciaux le nombre de trimestres de cotisations pris en considération pour la liquidation des avantages d'assurance vieillesse ne peut excéder celui qui est fixé pour le régime général de sécurité sociale ; que, par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur du décret du 24 février 1975, les avantages de vieillesse dus par le régime général doivent être calculés sur la base des seules périodes d'assurance dans ce régime, les périodes d'assurance dans un régime spécial ne pouvant être prises en compte que pour le calcul du taux fonction de la durée d'assurance ; qu'en prévoyant qu'aucune fraction de pension n'est mise à la charge du régime spécial lorsque la durée d'assurance au seul régime général atteint le nombre maximum de trimestres susceptible d'être pris en compte dans ce régime, ce dont il résulte que les salaires perçus pendant la période d'affiliation au régime spécial ne sont pas pris en considération, la circulaire du 7 juillet 1976 et la lettre du 10 juillet 1984 n'ont méconnu ni le sens ni la portée des dispositions réglementaires applicables à la coordination en matière d'assurance vieillesse entre le régime général et les régimes spéciaux ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 33 du règlement du régime spécial de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français dispose que : " Les agents bénéficiaires du présent règlement ont droit, en ce qui concerne l'assurance vieillesse, dans les conditions définies par les dispositions du chapitre 3 du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, à la garantie des avantages dont ils auraient bénéficié s'ils avaient été bénéficiaires du régime général de sécurité sociale " et prévoit divers avantages auxquels ont droit les agents quittant la SNCF sans avoir acquis de droit à pension ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de définir les modalités de calcul de la pension de retraite servie par le régime général ; que, par suite, M. A...ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir que les décisions attaquées seraient illégales ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'article R. 711-24 du code de la sécurité sociale régit les droits des assurés des régimes mentionnés à l'article 23 du décret du 28 octobre 1935 ne relevant plus d'une branche d'activité ou d'une entreprise soumise à une organisation spéciale de sécurité sociale ; qu'eu égard à l'objet et à la portée des actes en cause, qui prévoient des règles de coordination pour les personnes ayant cotisé successivement ou simultanément au régime général d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et à un ou plusieurs régimes spéciaux, le requérant ne peut utilement invoquer une méconnaissance des dispositions de cet article ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...ne peut utilement se prévaloir de la circulaire de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés 2007/3 du 8 janvier 2007 relative à la coordination entre le régime général et les régimes spéciaux de retraite pour soutenir que la circulaire du 7 juillet 1976 et la lettre du 10 juillet 1984 sont entachées d'illégalité ; qu'au demeurant, si la circulaire du 8 janvier 2007 prévoit que " le salaire annuel moyen est déterminé, lorsque l'intéressé y trouve avantage, à partir des salaires perçus durant la période d'affiliation au régime spécial ", cette disposition, qui vise la situation dans laquelle une fraction des avantages de retraite est mise à la charge du régime spécial, ne remet pas en cause les modalités de détermination du salaire annuel moyen lorsqu'aucune fraction de pension n'est mise à la charge du régime spécial, au motif que l'assuré a cotisé au régime général durant le nombre maximum de trimestres susceptibles d'être pris en compte ;

8. Considérant, en dernier lieu, que l'assuré qui a cotisé à un régime spécial de retraite tout en ayant cotisé au régime général durant le nombre maximum de trimestres susceptibles d'être pris en compte par ce dernier se trouve dans une situation différente de celle de l'assuré qui a cotisé à un régime spécial en n'ayant cotisé au régime général qu'un nombre de trimestres inférieur au maximum susceptible d'être pris en compte ainsi que de celle de l'assuré qui a cotisé uniquement au régime général ; que la différence dans les conditions de prise en compte, pour le calcul de la pension, du salaire perçu pendant les années de cotisation à un régime spécial est inhérente aux modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance vieillesse en France ainsi qu'à la diversité corrélative de ces régimes ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions attaquées, du principe d'égalité doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du refus du directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés d'abroger la circulaire et la lettre critiquées, ni l'annulation de ces actes eux-mêmes ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées ;

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme que la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 386081
Date de la décision : 29/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-04-04 SÉCURITÉ SOCIALE. PRESTATIONS. PRESTATIONS D'ASSURANCE VIEILLESSE. - CAS D'UN ASSURÉ AYANT ÉTÉ AFFILIÉ TANT AU RÉGIME GÉNÉRAL QU'À UN OU PLUSIEURS RÉGIMES SPÉCIAUX - 1) NOMBRE MAXIMAL DE TRIMESTRES DE COTISATIONS PRIS EN COMPTE POUR LA LIQUIDATION DES AVANTAGES D'ASSURANCE VIEILLESSE - NOMBRE FIXÉ POUR LE RÉGIME GÉNÉRAL - 2) CALCUL DES AVANTAGES DUS PAR LE RÉGIME GÉNÉRAL - PRISE EN COMPTE DES PÉRIODES D'ASSURANCE DANS UN RÉGIME SPÉCIAL - ABSENCE - 3) CAS OÙ LA DURÉE D'ASSURANCE AU RÉGIME GÉNÉRAL ATTEINT LE NOMBRE MAXIMUM DE TRIMESTRES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE PRIS EN COMPTE DANS CE RÉGIME - MISE À LA CHARGE DU RÉGIME SPÉCIAL DE FRACTIONS DE PENSION - ABSENCE.

62-04-04 1) Lorsqu'un assuré a été affilié tant au régime général qu'à un ou plusieurs régimes spéciaux, le nombre de trimestres de cotisations pris en considération pour la liquidation des avantages d'assurance vieillesse ne peut excéder celui qui est fixé pour le régime général de sécurité sociale.,,,2) Depuis l'entrée en vigueur du décret n° 75-109 du 24 février 1975, les avantages de vieillesse dus par le régime général doivent être calculés sur la base des seules périodes d'assurance dans ce régime, les périodes d'assurance dans un régime spécial ne pouvant être prises en compte que pour le calcul du taux, fonction de la durée d'assurance.,,,3) Lorsque la durée d'assurance au seul régime général atteint le nombre maximum de trimestres susceptible d'être pris en compte dans ce régime, aucune fraction de pension n'est mise à la charge du régime spécial, ce dont il résulte que les salaires perçus pendant la période d'affiliation au régime spécial ne sont pas pris en considération.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2016, n° 386081
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386081.20160629
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