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08/07/2016 | FRANCE | N°376456

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 08 juillet 2016, 376456


Vu la procédure suivante :

Mme E...D...et autres ont demandé au tribunal administratif de Basse-Terre d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire délivré par le maire de Baie-Mahault le 9 décembre 2004 à l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe (ADSEA). Par un jugement n° 0500108, 0500161 du 26 avril 2012, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 12BX01911 du 31 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de Mme C...épouse B...

et autres, annulé ce jugement du tribunal administratif de Basse-Terre et ...

Vu la procédure suivante :

Mme E...D...et autres ont demandé au tribunal administratif de Basse-Terre d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire délivré par le maire de Baie-Mahault le 9 décembre 2004 à l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe (ADSEA). Par un jugement n° 0500108, 0500161 du 26 avril 2012, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 12BX01911 du 31 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de Mme C...épouse B...et autres, annulé ce jugement du tribunal administratif de Basse-Terre et l'arrêté du maire de Baie-Mahault du 9 décembre 2004.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 19 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ADSEA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme C...épouse B...et autres devant cette cour ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...épouse B...et autres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe et à la SCP Richard, avocat de Mme C...et autres ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 9 décembre 2004, le maire de Baie-Mahault a délivré à l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe (ADSEA) un permis régularisant la construction d'un centre d'accueil pour mineurs autistes édifié sur un terrain situé dans le lotissement dit Plaisance sur le territoire communal ; que, par un jugement du 26 avril 2012, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de Mme C...épouse B...et autres tendant à l'annulation de ce permis de construire ; que, par un arrêt du 31 décembre 2013, contre lequel l'ADSEA se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et l'arrêté du 9 décembre 2004 ;

2. Considérant qu'en application du paragraphe 2 de l'article UE 1 " Types d'occupation ou d'utilisation du sol admises " du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Baie-Mahault, sont autorisés " 1. les constructions à usage : / d'habitation, / hôtelier / d'équipement collectif, / de commerce, bureau ou de service, / d'animation et de loisirs ; 2. les constructions liées à des équipements d'infrastructure susceptibles d'être réalisés dans la zone ; 3. les lotissements à usage d'habitation " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'est autorisée au sein de la zone UE une construction correspondant à l'un des usages prévus au point 1 du paragraphe 2 de l'article UE 1 cité ci-dessus, notamment un équipement collectif, qu'elle se situe ou non dans un lotissement à usage d'habitation lui-même autorisé dans cette zone ; que, dès lors, en jugeant qu'il résulte de ces dispositions qu'en zone UE, la construction de bâtiments autres qu'à usage d'habitation n'est pas autorisée au sein d'un lotissement à usage d'habitation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'ADSEA ;

Sur la légalité externe de l'arrêté du 9 décembre 2004 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " A. Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : / 1° Le plan de situation du terrain ; / 2° Le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions, des travaux extérieurs à celles-ci et des plantations maintenues, supprimées ou créées ; / 3° Les plans des façades ; / 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ; / 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; / 6° Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; / 7° Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords ; / 8° L'étude d'impact, lorsqu'elle est exigée ; / 9° Lorsque la demande concerne, dans un espace remarquable ou dans un milieu du littoral à préserver au sens de l'article L. 146-6, un projet de construction visé au d de l'article R. 146-2, une notice précisant l'activité économique qui doit être exercée dans le bâtiment et justifiant, s'il y a lieu, que cette activité répond aux critères définis par cet article. (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ADSEA a déposé, le 8 septembre 2004, une demande de permis de construire ainsi que, le 1er décembre 2006, à la suite des observations du service instructeur, une demande de permis de régularisation ; que le projet litigieux tend à la modification d'un bâtiment existant à usage d'habitation par la réalisation de travaux limités et à son changement de destination par la création d'un institut médico-éducatif pour l'accueil de jour de personnes autistes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les omissions et approximations mineures du dossier de demande de permis de construire et des récépissés délivrés par l'administration, relevées par les requérants en première instance et en appel, auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par le service instructeur et l'autorité municipale ni sur l'objet, ni sur la faisabilité du projet ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ces anomalies auraient un caractère frauduleux ; que les coupes de structure du bâtiment et l'expertise permettant d'apprécier sa sécurité ne font pas partie de la liste limitative de pièces susceptibles d'être exigées par l'administration en application des dispositions de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de la demande de permis de construire doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 9 décembre 2004 :

7. Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 315-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de s'appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir. Toutefois, lorsqu'une majorité de co-lotis, calculée comme il est dit à l'article L. 315-3, a demandé le maintien de ces règles, elles ne cessent de s'appliquer qu'après décision expresse de l'autorité compétente prise après enquête publique. Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des co-lotis entre eux contenus dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes en vigueur " ; qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 315-2-1 du code de l'urbanisme, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement cessent de plein droit de s'appliquer lorsqu'un plan d'occupation des sols a été approuvé, au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir, sous la seule réserve, mentionnée au deuxième alinéa du même article, d'une décision expresse de l'autorité compétente lorsqu'une majorité qualifiée de co-lotis a demandé le maintien des ces règles ; qu'il ressort des pièces du dossier que le lotissement Plaisance a été autorisé par arrêté préfectoral du 23 juin 1969 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les co-lotis auraient demandé par lettre recommandée avec avis de réception le maintien des règles contenues dans le règlement du lotissement ou, le cas échéant, dans le cahier des charges; que, dès lors, les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des règles contenues dans les documents approuvés du lotissement Plaisance ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les requérants ne sont pas fondés à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article UE 1 du règlement du plan d'occupation des sols ;

9. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose notamment que, dans les communes entrant dans le champ d'application de l'article 10-7 de la loi du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, les locaux à usage d'habitation ne peuvent être affectés à un autre usage, sauf autorisation administrative préalable et motivée, après avis du maire ; que, cependant, les requérants ne sauraient, compte tenu de l'indépendance des législations en matière de construction d'une part et d'urbanisme d'autre part, utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre du permis de construire contesté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment à usage d'habitation existant sur la parcelle du terrain d'assiette du projet, à la date du dépôt de la demande, ne serait pas compatible avec l'accueil de personnes autistes, des accompagnateurs et de leurs visiteurs au regard des normes de sécurité applicables ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les requérants ne peuvent utilement se fonder, pour demander l'annulation du permis de construire, sur les troubles anormaux de voisinage qu'occasionnerait le fonctionnement de l'institut médico-éducatif ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré par le maire de Baie-Mahault le 9 décembre 2004 à l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...et autres la somme globale de 3 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La requête de Mme C...et autres présentée devant cette cour est rejetée.

Article 3 : Madame C...et autres verseront solidairement à l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Guadeloupe et à Mme A... C...épouseB..., premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée pour information à la commune de Baie-Mahault.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 376456
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2016, n° 376456
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Mochon
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : HAAS ; SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:376456.20160708
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