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03/10/2016 | FRANCE | N°390726

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 03 octobre 2016, 390726


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés les 4 juin, 25 septembre et 4 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a refusé d'abroger les dispositions du point 2 de la " lettre-réseau " n° LR-DRP-13/2014 du 10 juin 2014 ;

2°) d'enjoindre à la Caisse nationale de l'assu

rance maladie des travailleurs salariés d'abroger le point 2 de cette " lettre-r...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés les 4 juin, 25 septembre et 4 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a refusé d'abroger les dispositions du point 2 de la " lettre-réseau " n° LR-DRP-13/2014 du 10 juin 2014 ;

2°) d'enjoindre à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés d'abroger le point 2 de cette " lettre-réseau " ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A...B...et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2016, présentée par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés :

1. Considérant que, par le point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014, le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés a donné instruction aux directeurs des caisses primaires d'assurance maladie, des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses générales de sécurité sociale, lorsqu'un employeur aurait fait le choix de se faire représenter par un avocat lors de l'instruction des demandes de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, d'adresser l'ensemble des courriers au seul employeur, sans préjudice de la possibilité, " dans le cadre d'une gestion attentionnée ", d'en envoyer un double à son avocat dans des " formes assouplies " telles que l'envoi d'une télécopie ou d'un courrier électronique ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la CNAMTS :

2. Considérant, en premier lieu, que le point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014 indique aux directeurs des caisses de sécurité sociale, dans le cadre de l'instruction des demandes de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, " en toute hypothèse, de toujours envoyer les courriers concernés à l'employeur et non à son avocat " ; que l'auteur de la lettre-réseau a ainsi édicté une disposition impérative à caractère général, qui doit, dès lors, être regardée comme faisant grief et comme susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, de même que le refus de l'abroger ;

3. Considérant, en second lieu, que M.B..., qui se prévaut de sa qualité d'avocat spécialisé en droit social, justifie d'un intérêt à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés a refusé d'abroger cette disposition, relative aux conditions dans lesquelles s'exerce un mandat de représentation d'un employeur à l'occasion d'une procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés à la requête de M. B... doivent être écartées ;

Sur la légalité du refus d'abrogation du point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014 :

5. Considérant que l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires dispose que : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et règlementaires (...) " ; que ces dispositions doivent être regardées comme applicables aux procédures relevant d'un service public administratif géré par un organisme de droit privé, tel que les caisses de sécurité sociale ;

6. Considérant que si les articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale prévoient les conditions dans lesquelles la caisse, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision, ni ces dispositions, ni aucune autre n'excluent expressément la possibilité pour l'employeur de se faire assister ou représenter par un avocat ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés n'était pas compétent, dans le silence des dispositions réglementaires applicables, pour imposer aux caisses de sécurité sociale des règles qui, en ce qu'elles prescrivent de correspondre avec le seul employeur y compris lorsque celui-ci a fait le choix de se faire représenter par un avocat, sont susceptibles de faire obstacle à la représentation de cet employeur ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance, invoquée par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l'information de l'employeur suffit à assurer la régularité de la procédure contradictoire ; que la Caisse nationale ne peut davantage se prévaloir des termes du point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014 selon lesquels " dans le cadre d'une gestion attentionnée, la caisse peut envoyer un double des courriers à l'avocat, dans des formes assouplies : lettre simple, fax, mail, etc... ", de telles recommandations ne suffisant pas à tirer les conséquences de la représentation de l'employeur par l'avocat de son choix ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés a refusé d'abroger le point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014 imposant aux caisses de sécurité sociale d'adresser les courriers relatifs à la procédure d'instruction d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie à l'employeur même lorsque celui-ci a mandaté un avocat pour le représenter dans cette procédure administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés a refusé d'abroger le point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014 implique nécessairement l'abrogation des dispositions dont l'illégalité a été constatée ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette mesure dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés la somme de 3 000 euros à verser à M.B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

11. Considérant que les dispositions du même article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite par laquelle le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés a refusé d'abroger le point 2 de la " lettre-réseau " n° LR-DRP-13/2014 du 10 juin 2014 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés d'abroger le point 2 de la " lettre-réseau " du 10 juin 2014 dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390726
Date de la décision : 03/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Loi - Violation.

Sécurité sociale - Prestations - Prestations d'assurances accidents du travail et maladies professionnelles.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2016, n° 390726
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Thoumelou
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390726.20161003
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