La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2017 | FRANCE | N°403755

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 14 février 2017, 403755


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 27 juin 2016 par laquelle le directeur général de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane a prononcé à son encontre la sanction de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel pour une durée de trois ans à compter du 1er août 2016 en application de l'article 7.3.2 de la convention nationale des ch

irurgiens-dentistes. Par une ordonnance n° 1600506 du 10 août 2016, le j...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 27 juin 2016 par laquelle le directeur général de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane a prononcé à son encontre la sanction de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel pour une durée de trois ans à compter du 1er août 2016 en application de l'article 7.3.2 de la convention nationale des chirurgiens-dentistes. Par une ordonnance n° 1600506 du 10 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 23 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 10 août 2016 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) statuant en référé, de suspendre l'exécution de la décision du directeur général de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane du 27 juin 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 14 juin 2006 portant approbation de la convention nationale des chirurgiens-dentistes destinée à régir les rapports entre les chirurgiens-dentistes et les caisses d'assurance maladie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M.B..., et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane que, par une décision du 27 juin 2016, le directeur général de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane a, en application de l'article 7.3.2 de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les chirurgiens-dentistes et les caisses d'assurance maladie, prononcé à l'encontre de M. B...la sanction de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel pour une durée de trois ans à compter du 1er août 2016. M. B... demande l'annulation de l'ordonnance du 10 août 2016 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de cette décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative (...) fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Selon l'article 7.3.2 de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les chirurgiens-dentistes et les caisses d'assurance maladie, signée les 11 et 19 mai 2006 par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, la Confédération nationale des syndicats dentaires et l'Union des jeunes chirurgiens-dentistes - Union dentaire, approuvée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale du 14 juin 2006 et reconduite tacitement les 19 juin 2011 et 19 juin 2016, en vertu de l'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale, lorsqu'un chirurgien-dentiste ne respecte pas les stipulations de la convention, il encourt une sanction qui peut être la suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel. Ce même article précise que : " Cette suspension peut être temporaire (une semaine, un, trois, six, neuf, douze mois) ou prononcée pour la durée d'application de la convention, selon l'importance des griefs ".

3. Lorsqu'un texte a énuméré les sanctions susceptibles d'être infligées par l'autorité administrative en cas de manquement à des prescriptions législatives ou réglementaires, cette autorité ne peut légalement faire application d'une sanction autre que l'une de celles expressément prévues. En l'espèce, M. B...soutenait que la décision du 27 juin 2016 ne pouvait prononcer une suspension pour une durée de trois ans, non prévue à l'échelle des peines fixée par la convention nationale. En jugeant que ce moyen n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension était demandée, le juge des référés a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane qu'il attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. La décision attaquée a pour effet d'exclure les patients de M.B..., pendant une durée de trois ans, du bénéfice de la prise en charge de leurs soins par l'assurance maladie. Ainsi, et alors que sa patientèle est constituée de personnes disposant de faibles ressources qui ne peuvent recourir aux soins d'un chirurgien-dentiste non conventionné, M. B...est fondé à soutenir que cette décision est susceptible de lui faire perdre l'essentiel de sa patientèle et de préjudicier ainsi de manière grave et immédiate à ses intérêts. Ni la circonstance invoquée par la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane selon laquelle il serait à l'origine, du fait de son propre comportement, de la sanction qui lui a été ainsi infligée, ni le préjudice financier qui en serait résulté pour la caisse ne s'opposent, dans les circonstances de l'espèce, à ce que l'existence d'une situation d'urgence, au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, soit regardée comme établie.

8. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré de ce que la décision du 27 juin 2016 ne pouvait prononcer une suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel pour une durée de trois ans, non prévue par la convention nationale, est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 27 juin 2016.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane une somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 10 août 2016 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du directeur général de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane du 27 juin 2016 est suspendue.

Article 3 : La caisse générale de sécurité sociale de la Guyane versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 403755
Date de la décision : 14/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2017, n° 403755
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:403755.20170214
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award