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17/03/2017 | FRANCE | N°408366

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 mars 2017, 408366


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 février, le 7 mars et le 8 mars 2017 au secrétariat du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire et la Fédération nationale des transports de voyageurs demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel la ministre du travail, de l'emploi, de la formation

professionnelle et du dialogue social ainsi que la ministre de l'environnement, ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 février, le 7 mars et le 8 mars 2017 au secrétariat du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire et la Fédération nationale des transports de voyageurs demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ainsi que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat ont procédé à l'extension des avenants n° 18 du 27 mai 2014 et n° 19 du 4 juillet 2014 modifiant l'accord national professionnel du 5 mars 1991 relatif aux conditions spécifiques d'emploi du personnel des entreprises exerçant des activités de transport de fonds et valeurs ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les fédérations requérantes soutiennent que :

- la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2016 est recevable dès lors que, d'une part, elles justifient d'un intérêt à agir, d'autre part, l'arrêté contesté fait l'objet d'un recours au fond, enregistré sous le n° 400548 et lui-même recevable et, enfin, elles justifient de circonstances nouvelles ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté engendre une lourde augmentation des coûts salariaux qui conduira à la faillite d'un grand nombre de sociétés ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que les avenants dont il porte l'extension ont été signés, du côté patronal, par une organisation professionnelle non représentative, l'Organisation des transporteurs routiers européens (O.T.R.E.) ;

- cette organisation ne bénéficiait pas d'une représentation territoriale équilibrée, ainsi que l'a constaté l'arrêt du 8 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Paris ;

- l'arrêté contesté est illégal dès lors qu'à la date de signature des avenants et de leur arrêté d'extension, l'O.T.R.E ne satisfaisait pas au critère de transparence financière.

Les fédérations requérantes soutiennent que :

- la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 mai 2016 est recevable dès lors que, d'une part, elles justifient d'un intérêt à agir, d'autre part, l'arrêté contesté fait l'objet d'un recours au fond, enregistré sous le n° 400548 et lui-même recevable et, enfin, elles justifient de circonstances nouvelles ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté engendre une lourde augmentation des coûts salariaux qui conduira à la faillite d'un grand nombre de sociétés ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que les avenants dont il porte l'extension ont été signés, du côté patronal, par une organisation professionnelle non représentative, l'Organisation des transporteurs routiers européens (O.T.R.E.) ;

- cette organisation ne bénéficiait pas d'une représentation territoriale équilibrée, ainsi que l'a constaté l'arrêt du 8 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Paris ;

- l'arrêté contesté est illégal dès lors qu'à la date de signature des avenants et de leur arrêté d'extension, l'O.T.R.E ne satisfaisait pas au critère de transparence financière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 mars et le 8 mars 2017, l'Organisation des transporteurs routiers européens (O.T.R.E.) conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des fédérations requérantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT et la Fédération générale CFTC des transports concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des fédérations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire et la Fédération nationale des transports de voyageurs, d'autre part, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, l'Organisation des transporteurs routiers européens, la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT et la Fédération générale CFTC des transports ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 février 2017 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire et la Fédération nationale des transports de voyageurs ;

- les représentants de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT et la Fédération générale CFTC des transports ;

- les représentants de l'Organisation des transporteurs routiers européens ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction jusqu'au mardi 14 mars 2017 à 24 heures.

Vu le nouveau mémoire, présenté le 10 mars 2017 par la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire et la Fédération nationale des transports de voyageurs, qui reprennent les conclusions et moyens de leurs précédents mémoires ;

Vu le nouveau mémoire présenté le 13 mars 2017 par l'Organisation des transporteurs routiers européens, qui reprend les conclusions et moyens de ses précédents mémoires ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre et il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit, enfin, être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

2. L'arrêté du 25 mai 2016 dont il est demandé au juge des référés de suspendre l'exécution a pour objet d'étendre deux avenants des 27 mai et 4 juillet 2014 à l'accord national interprofessionnel relatif aux conditions spécifiques d'emploi du personnel des entreprises exerçant des activités de transports de fonds et de valeurs du 5 mars 1991, portant respectivement sur la refonte de la nomenclature et de la définition des emplois et sur la revalorisation de la grille de rémunération et des taux de majoration appliqués en fonction de l'ancienneté.

3. Les fédérations requérantes soutiennent tout d'abord, au titre de la condition d'urgence, que l'extension de l'avenant du 27 mai 2014 aurait pour effet d'augmenter substantiellement la rémunération des " convoyeurs solos de valeurs de moins de 30 000 euros ", en raison de la qualification de " convoyeurs-messagers " qui leur est désormais attribuée par cet avenant. Si les fédérations requérantes soutiennent que cette modification entraînerait pour les sociétés concernées un " surcoût très important ", elles ne produisent aucun élément probant à l'appui de cette affirmation, alors qu'il est par ailleurs soutenu en défense, et non contesté par les requérantes, que cette activité de " convoyeurs solos " ne concerne qu'environ deux cents salariés.

4. S'agissant de l'avenant du 4 juillet 2014, les fédérations requérantes produisent au titre de l'urgence, d'une part, des données chiffrées faisant état de la hausse de masse salariale intervenue dans trois sociétés en conséquence de l'arrêté litigieux, mais sans étayer ces données par aucun document ou attestation, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme ayant un caractère probant. D'autre part, les fédérations requérantes font état de ce que l'une des deux principales sociétés de transports de fonds aurait connu en 2016, en conséquence de l'extension de l'arrêté du 4 juillet 2014, une hausse de coûts salariaux d'un montant de 1,2 millions d'euros. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette augmentation, dont la réalité est étayée par une attestation émanant de ladite société, représente moins de 0,4% de son chiffre d'affaires. Quant à son impact sur l'excédent brut d'exploitation de la société, qui n'est allégué par les fédérations requérantes qu'à travers un calcul probabiliste reprenant le taux de marge de la profession au niveau national, il n'est pas évalué d'une façon suffisamment probante qui permettrait de conclure à l'existence d'un risque pour la situation financière de ladite société. Enfin, si les fédérations requérantes font état de difficultés structurelles que traverserait la branche du transport de fonds, elles se limitent sur ce point à des développements généraux sur l'évolution des moyens de paiement sans faire état de données économiques et financières précises sur la situation de ce secteur d'activité.

5. Compte tenu de tout ce qui précède, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'arrêté litigieux porterait une atteinte grave et immédiate à la situation financière des entreprises du secteur des transports de fonds et de valeurs. Il en résulte que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, la requête des fédérations requérantes doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de la Fédération nationale des transports de voyageurs et de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire le versement, au titre de ces mêmes dispositions, de la somme de 2 000 euros à l'O.T.R.E. et de la somme de 2 000 euros collectivement à la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDTet la Fédération générale CFTC des transports.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire et de la Fédération nationale des transports de voyageurs est rejetée.

Article 2 : La Fédération nationale des transports de voyageurs et de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire verseront solidairement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à l'O.T.R.E. et la somme de 2 000 euros collectivement à la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT et la Fédération générale CFTC des transports.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire, à la Fédération nationale des transports de voyageurs, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à l'Organisation des transporteurs routiers européens, à la Fédération nationale des transports et logistic FO-UNCP, à la Fédération générale des transports de l'équipement FGTE-CFDT et à la Fédération générale CFTC des transports.

Copie en sera adressée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 408366
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2017, n° 408366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:408366.20170317
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