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22/06/2017 | FRANCE | N°398167

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 22 juin 2017, 398167


Vu la procédure suivante :

Par ordonnance n° 1601939 du 15 mars 2016, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 mars 2016, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association sportive Souffelweyersheim Escrime Club.

Par cette requête, enregistrée le 14 mars 2016 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, et un mémoire en réplique, enregistré au secrétariat du Conseil d'Etat le 15 se

ptembre 2016, l'association sportive Souffelweyersheim Escrime Club demand...

Vu la procédure suivante :

Par ordonnance n° 1601939 du 15 mars 2016, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 mars 2016, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association sportive Souffelweyersheim Escrime Club.

Par cette requête, enregistrée le 14 mars 2016 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, et un mémoire en réplique, enregistré au secrétariat du Conseil d'Etat le 15 septembre 2016, l'association sportive Souffelweyersheim Escrime Club demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 février 2016 par laquelle la fédération française d'escrime a refusé de modifier les dispositions de l'article 10.1.1 et les dispositions du 3ème alinéa de l'article 10.1.2. du règlement intérieur de la fédération et les dispositions du règlement sportif 2015-2016 prévoyant, pour les épreuves par équipes aux catégories cadets, juniors, séniors et vétérans, qu'une équipe ne puisse présenter qu'un tireur n'ayant pas réglementairement la possibilité d'être sélectionné en équipe de France ;

2°) d'enjoindre à la fédération française d'escrime de supprimer de ses règlements l'exigence d'une justification de résidence effective un lieu d'habitation durable mais pas nécessairement continu et des attaches personnelles et professionnelles ou parentales s'agissant des mineurs dans un délai de trois mois, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre à la fédération française d'escrime de supprimer de ses règlements toute limitation de la composition des équipes participant aux épreuves fédérales relative au nombre de tireurs non sélectionnables en équipe de France dans un délai de trois mois, sous astreinte de 10 euros par jour de retard.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code pénal ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la fédération française d'escrime ;

1. Considérant que l'association sportive Souffelweyersheim Escrime Club demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 5 février 2016 par laquelle la fédération française d'escrime a rejeté sa demande tendant à l'abrogation, d'une part, du troisième alinéa de l'article 10.1.2 du règlement intérieur de la fédération et, d'autre part, des dispositions de l'article 10.1.1. du règlement intérieur et des dispositions du règlement sportif 2015-2016 de cette fédération limitant la participation des tireurs de nationalité étrangère aux épreuves par équipes des championnats de France dans les catégories cadets et juniors, seniors et vétérans ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2016 en tant qu'elle refuse de modifier les dispositions du troisième alinéa de l'article 10.1.2. du règlement intérieur de la fédération française d'escrime :

2. Considérant que l'assemblée générale extraordinaire de la fédération française d'escrime du 8 octobre 2016 a abrogé le troisième alinéa de l'article 10.1.2 du règlement intérieur de la fédération ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2016 en tant qu'elle a rejeté la demande de l'association tendant à la modification de ces dispositions ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2016 en tant qu'elle refuse de modifier les dispositions de l'article 10.1.1. du règlement intérieur et du règlement sportif de la fédération française d'escrime :

3. Considérant que l'article 10.1.1. du règlement intérieur de la fédération française d'escrime prévoit que, pour participer aux épreuves fédérales par équipes, chaque équipe doit être composée d'au moins trois tireurs ayant réglementairement la possibilité d'être sélectionnés en équipe de France ; que le règlement sportif 2015-2016 prévoit que, pour les épreuves des championnats de France dans les catégories cadets et juniors, séniors et vétérans, une équipe peut comporter quatre tireurs, dont un seul tireur n'ayant pas réglementairement la possibilité d'être sélectionné en équipe de France ; que les statuts de la fédération internationale d'escrime prévoient que, pour participer aux épreuves officielles de cette fédération, les concurrents doivent être de la nationalité du pays qu'ils représentent ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une équipe participant aux championnats de France ne peut comporter qu'un tireur de nationalité étrangère en son sein sur quatre tireurs ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité " ; qu'aux termes de l'article 165 du même traité : " L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. / 2. L'action de l'Union vise: / (...) - à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu'en protégeant l'intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d'entre eux. (...) / 4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article : / - le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire (...) adoptent des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres " ; qu'enfin, aux termes de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'article 10.1.2. du règlement intérieur de la fédération et du règlement sportif en litige que la participation aux épreuves fédérales individuelles d'escrime, laquelle est un sport amateur, est ouverte à toute personne licenciée dans un club français ; que ces mêmes règlements ne prévoient une restriction de participation des tireurs de nationalité étrangère que pour les championnats de France en prévoyant que les épreuves individuelles des championnats de France ne sont ouvertes qu'aux personnes sélectionnables en équipe de France et en prévoyant que les équipes qui participent aux championnats de France dans les catégories cadets, juniors, séniors et vétérans ne peuvent comporter au maximum qu'un tireur qui ne soit pas sélectionnable en équipe de France ; que les dispositions contestées sont justifiées par le caractère et le cadre spécifiques des rencontres du championnat de France, qui sont un élément essentiel de l'organisation de l'activité sportive en cause, en ce qu'elles permettent de distinguer les meilleurs tireurs nationaux ; que les restrictions prévues par les dispositions contestées ne concernent que ces rencontres, qui se tiennent sur une ou deux journées dans l'année, alors que, comme il a été dit, les tireurs de nationalité étrangère sont autorisés à participer aux autres épreuves organisées par la fédération française d'escrime ; que, dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, en tout état de cause, l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

6. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux ne peut être utilement invoqué à l'encontre des actes contestés, qui ne mettent pas en oeuvre le droit de l'Union ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 131-16 du code du sport : " Les fédérations délégataires édictent : / 1° Les règles techniques propres à leur discipline : / 2° Les règlements relatifs à l'organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés ; / 3° Les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu'elles organisent. Ils peuvent contenir des dispositions relatives au nombre minimal de sportifs formés localement dans les équipes participant à ces compétitions et au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportive " ;

8. Considérant que si les dispositions du 3° de l'article L. 131-16 du code du sport prévoient explicitement que les fédérations peuvent contenir des dispositions relatives au nombre minimal de sportifs formés localement dans les équipes participant à ces compétitions, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire à une fédération sportive de réserver la participation à des championnats de France organisés sur une ou deux journées aux sportifs de nationalité française alors que d'autres épreuves organisées par ces fédérations sont ouvertes à l'ensemble des personnes licenciées dans les clubs concernés tout au long de l'année ;

9. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme des discriminations prohibées par les articles 225-1 et 225-2 du code pénal ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association sportive Souffelweyerheim Escrime club n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle rejette sa demande tendant à la modification de l'article 10.1.1 du règlement intérieur de la fédération française d'escrime et des dispositions du règlement sportif de cette fédération ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par suite, également être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'association sportive Souffelweyersheim Escrime club tendant à l'annulation de la décision de la fédération française d'escrime du 5 février 2016 en tant qu'elle rejette sa demande tendant à la modification du troisième alinéa de l'article 10.1.2 de son règlement intérieur.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Souffelweyersheim Escrime Club et à la fédération française d'escrime. Copie en sera adressée au ministre des sports.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398167
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2017, n° 398167
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:398167.20170622
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