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26/06/2017 | FRANCE | N°406878

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 26 juin 2017, 406878


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Carré Lumière a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Collonges-sous-Salève a refusé de lui délivrer un permis de construire des bâtiments d'habitation et, d'autre part, de condamner la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser une somme de 2 392 792,68 euros, augmentée des intérêts capitalisés. Par un jugement n°s 1105197, 1200706 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenobl

e a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 14LY04004 du 15 novembre 2016, l...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Carré Lumière a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Collonges-sous-Salève a refusé de lui délivrer un permis de construire des bâtiments d'habitation et, d'autre part, de condamner la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser une somme de 2 392 792,68 euros, augmentée des intérêts capitalisés. Par un jugement n°s 1105197, 1200706 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 14LY04004 du 15 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la SCI Carré Lumière contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 janvier, 18 avril et 29 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Carré Lumière demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Collonges-sous-Salève la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la SCI Carré Lumière.

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur ".

3. La SCI Carré Lumière soutient que ces dispositions, aujourd'hui reprises à l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, méconnaissent le principe d'égalité, découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et remettent en cause les effets légitimement attendus de situations légalement acquises.

4. Toutefois, en premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Les dispositions critiquées conduisent à régler de façon différente la situation de porteurs de projet placés dans une situation différente selon que la commune d'implantation de leur projet dispose ou non d'un document d'urbanisme légal antérieur à celui qui est annulé ou déclaré illégal. La différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Ainsi, les dispositions critiquées ne méconnaissent pas le principe d'égalité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. Les dispositions critiquées désignent les documents d'urbanisme remis en vigueur à la suite de l'annulation ou de la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. La société requérante, dont la demande de permis de construire, à laquelle ces dispositions ont été appliquées, a été rejetée le 13 septembre 2011 et qui en invoque les effets sur des situations nées postérieurement à leur adoption, ne les critique pas utilement au regard du principe qu'elle invoque.

6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI Carré Lumière, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, sans qu'il soit besoin de la renvoyer au Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce que l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'elle attaque, la SCI Carré Lumière soutient que :

- la cour a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en ne recherchant pas concrètement si le maire disposait du même pouvoir d'appréciation sur le fondement des dispositions substituées et sur celles qui avaient fondé le refus du maire ;

- la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le maire disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer les articles UC 10 et UC 14 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur par l'effet de l'annulation du plan local d'urbanisme, relatives à la hauteur et à la densité des constructions, que pour appliquer les dispositions du plan local d'urbanisme annulé qui avaient fondé la décision de refus, relatives au respect d'objectifs de mixité sociale ;

- le rejet par la cour de ses conclusions indemnitaires doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du rejet de ses conclusions d'annulation ;

- la cour a inexactement qualifié les faits, insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en écartant toute responsabilité de la commune en dépit du caractère fautif de sa décision de refus ;

- la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce et omis de répondre au moyen tiré de la faute commise par la commune en adoptant un plan local d'urbanisme illégal ;

- la cour a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en se fondant, pour rejeter ses conclusions indemnitaires, sur les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, alors qu'elle demandait réparation de préjudices causés par l'attitude de la commune et non par les servitudes d'urbanisme prévues par le plan d'occupation des sols remis en vigueur.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI Carré Lumière.

Article 2 : Le pourvoi de la SCI Carré Lumière n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Carré Lumière.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de la cohésion des territoires et à la commune de Collonges-sous-Salève.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 406878
Date de la décision : 26/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2017, n° 406878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406878.20170626
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