La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2017 | FRANCE | N°402315

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 juin 2017, 402315


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 4 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme I... F..., Mme B...E..., M. D...G..., Mme C... G..., Mme J... G..., M. H... G...et M. A... G... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-814 du 17 juin 2016 relatif au regroupement du contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique lié à la réalisation du réseau de transport du Grand Paris.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la

Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 4 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme I... F..., Mme B...E..., M. D...G..., Mme C... G..., Mme J... G..., M. H... G...et M. A... G... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-814 du 17 juin 2016 relatif au regroupement du contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique lié à la réalisation du réseau de transport du Grand Paris.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 ;

- le décret n° 2014-1635 du 26 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant que le décret du 17 juin 2016 relatif au regroupement du contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique lié à la réalisation du réseau de transport du Grand Paris, dont l'annulation pour excès de pouvoir est demandée par Mme F... et autres, a pour objet d'attribuer l'ensemble du contentieux lié à l'indemnisation des occupants de logements et de propriétaires expropriés, ou dont les biens sont grevés d'une servitude en tréfonds, dans le cadre de la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris et des infrastructures de transport dont la maîtrise d'ouvrage est confiée à la Société du Grand Paris, à la juridiction de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Paris ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, que si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer " les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction ", la détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre défini par la loi relève du pouvoir réglementaire ; que le décret attaqué se borne à déroger aux règles relatives au ressort territorial des juridictions de l'expropriation fixées par le pouvoir réglementaire aux articles R. 211-1, R. 221-1 et R. 311-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique afin d'attribuer à la juridiction de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Paris compétence pour les contentieux liés à la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article 34 de la Constitution ;

3. Considérant, en second lieu, que les dispositions des articles R. 211-1, R. 221-1 et R. 311-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, auxquelles les dispositions du décret attaqué dérogent, sont issues du décret, pris en Conseil d'Etat, du 26 décembre 2014 relatif à la partie réglementaire du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui n'a pas été délibéré en Conseil des ministres ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'incompétence, au motif qu'il aurait dû être délibéré en Conseil des ministres, ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Dans chaque département, il est désigné au moins un juge de l'expropriation parmi les magistrats du siège d'un tribunal de grande instance de ce département. / Ce juge et les magistrats habilités à le suppléer en cas d'empêchement sont désignés par ordonnance du premier président de la cour d'appel, après avis de l'assemblée des magistrats du siège de ce tribunal, pour une durée de trois années renouvelables. / Si le nombre des juges dans le département est insuffisant pour permettre le règlement des affaires en cours, le premier président de la cour d'appel peut déléguer temporairement dans ces fonctions d'autres magistrats du tribunal de grande instance mentionné au premier alinéa ou des magistrats d'un autre tribunal de grande instance du ressort de la cour d'appel " ; que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions du décret attaqué, qui ne concernent pas les modalités de désignation des juges de l'expropriation fixées à cet article, seraient contraires à ses dispositions ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-8 du code de l'organisation judiciaire : " En matière civile, le renvoi à une autre juridiction de même nature et de même degré peut être ordonné pour cause de suspicion légitime, de sûreté publique ou s'il existe des causes de récusation contre plusieurs juges " ; que le décret attaqué ne crée pas une nouvelle modalité de renvoi à une autre juridiction que seul le législateur aurait pu instituer ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 212-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le directeur des finances publiques du département dans lequel la juridiction de l'expropriation a son siège exerce les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès de cette juridiction " ; que le décret est contesté en tant qu'il prévoit, à son article 3, que, par dérogation à ces dispositions, les fonctions de commissaire du Gouvernement sont, pour les procédures attribuées à la juridiction de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Paris en application de ses dispositions, assurées par le directeur des finances publiques du département du lieu où sont situés les biens concernés par la procédure ; que cette disposition a pour objet de permettre que les fonctions de commissaire du Gouvernement soient exercées par le directeur des finances publiques le mieux à même de se prononcer sur la valeur des biens concernés par la procédure d'expropriation ; que, dès lors, le décret a pu légalement, par cette disposition, qui ne contrevient à aucun texte ou principe, déroger aux dispositions de l'article R. 212-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que si, en prévoyant le regroupement du contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique lié à la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris, le décret attaqué a institué une règle particulière pour le contentieux lié à la réalisation de ce réseau de transport, la différence de traitement qu'il a ainsi prévu entre les justiciables répond à un objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice, qui est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit, sans être manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient ; que cette mesure n'a ni pour objet ni pour effet de favoriser l'une des parties à ce contentieux ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité ;

8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, le décret attaqué a pour objet d'adapter des dispositions procédurales en matière d'expropriation afin de permettre un traitement uniforme de contentieux liés à une même opération et susceptibles de soulever des questions similaires ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait le droit de propriété et les stipulations du premier alinéa de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme F...et autres doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme F... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Madame F..., représentante désignée, pour l'ensemble des requérants, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 402315
Date de la décision : 28/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2017, n° 402315
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Mochon
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:402315.20170628
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award