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30/06/2017 | FRANCE | N°393583

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 30 juin 2017, 393583


Vu la procédure suivante :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia, en premier lieu, d'annuler les tableaux de gardes des urgences du centre hospitalier de Bonifacio à compter de janvier 2012 ainsi que la nomination du docteur A...sur le poste qu'il occupait précédemment, en deuxième lieu, d'enjoindre au centre hospitalier d'Ajaccio de le réinscrire sur ces tableaux, de procéder à la régularisation de ses droits à pension, de lui remettre ses bulletins de salaire et, enfin, de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser ses rémunérations depuis

janvier 2012 ainsi qu'une somme de 5 000 euros en réparation des pr...

Vu la procédure suivante :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia, en premier lieu, d'annuler les tableaux de gardes des urgences du centre hospitalier de Bonifacio à compter de janvier 2012 ainsi que la nomination du docteur A...sur le poste qu'il occupait précédemment, en deuxième lieu, d'enjoindre au centre hospitalier d'Ajaccio de le réinscrire sur ces tableaux, de procéder à la régularisation de ses droits à pension, de lui remettre ses bulletins de salaire et, enfin, de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser ses rémunérations depuis janvier 2012 ainsi qu'une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis. Par une requête distincte il a déposé devant le tribunal administratif de Bastia une question prioritaire de constitutionnalité. Par une ordonnance n° 1200260-QPC en date du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Bastia a refusé de transmettre cette question au Conseil d'Etat. Par un jugement n° 1200260 du 14 août 2013, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M.C....

Par un arrêt n°13MA04173 du 16 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de M. C...et l'appel incident du centre hospitalier d'Ajaccio contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette son appel ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 17 janvier 1995 relatif aux missions spécifiques nécessitant une technicité et une responsabilité particulières mentionnées au 6° de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique ;

- l'arrêté du 25 octobre 2011 relatif aux missions spécifiques nécessitant une technicité et une responsabilité particulières mentionnées à l'article R. 6152-403 du code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. C...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du centre hospitalier d'Ajaccio.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C...a été employé dans le cadre de contrats successifs du mois d'août 2003 au mois de janvier 2012 par le centre hospitalier d'Ajaccio pour occuper les fonctions de médecin urgentiste au centre hospitalier de Bonifacio ; qu'à compter du 4 janvier 2012, à la suite du recrutement d'un praticien hospitalier, M.A..., pour exercer les mêmes fonctions, l'établissement a cessé d'employer M.C... ; que celui-ci a demandé au tribunal administratif de Bastia, en premier lieu, d'annuler les tableaux de gardes des urgences du centre hospitalier de Bonifacio à compter de janvier 2012, en tant qu'il n'y figurait pas, ainsi que la nomination de M.A..., en deuxième lieu, d'enjoindre au centre hospitalier d'Ajaccio de le réinscrire sur ces tableaux, de lui verser les rémunérations qu'il estimait lui être dues depuis janvier 2012 et de procéder à la régularisation de ses droits à pension, enfin de condamner l'établissement à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis ; que sa demande a été rejetée par un jugement du 14 août 2013, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 juin 2015 contre lequel il se pourvoit en cassation en tant qu'il a rejeté son appel ;

2. Considérant qu'un agent public qui a dû quitter ses fonctions après une décision de l'autorité administrative nommant un autre agent public pour exercer ses fonctions a intérêt à contester cette nomination, lorsqu'il existe un lien indivisible entre cette décision et la décision mettant fin à ses fonctions; que sa qualité de contractuel ou de titulaire est dépourvue d'incidence sur l'appréciation de son intérêt à agir ; qu'il suit de là qu'en jugeant que M. C..., du fait de son statut de contractuel, n'était pas recevable à contester la décision de nomination de M. A...dans les fonctions qu'il occupait avant la décision de ne pas renouveler son contrat, sans rechercher s'il existait un lien indivisible entre ces deux décisions, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions d'excès de pouvoir et les demandes d'injonction dont l'avait saisie M.C... ;

3. Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article R. 6152-401 du code de la santé publique : " Les établissements publics de santé, en application des dispositions du 2° de l'article L. 6152-1 et les établissements publics mentionnés au I de l'article L. 313-12 de l'action sociale et des familles peuvent recruter des médecins, des pharmaciens et des odontologistes en qualité de praticiens contractuels à temps plein ou de praticiens contractuels à temps partiel. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-403 du même code, dans sa rédaction applicable à compter du 1er octobre 2010 : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 peuvent (...) être recrutés pour assurer certaines missions spécifiques, temporaires ou non, nécessitant une technicité et une responsabilité particulières et dont la liste est définie par arrêté des ministres chargés du budget de la santé. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de trois ans, renouvelable par reconduction expresse. La durée des contrats conclus successivement ne peut excéder six ans. Si, à l'issue de la période de reconduction, le contrat de praticien est renouvelé sur le même emploi dans le même établissement, il ne peut l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée " ; que les fonctions de médecine d'urgence figurent sur la liste définie, en application de ces dispositions, successivement par les arrêtés des 17 janvier 1995 et du 25 octobre 2011 visés ci-dessus ;

4. Considérant qu'un praticien contractuel dont le contrat est renouvelé implicitement après l'expiration de la période de six ans mentionnée à l'article R. 6152-403 du code de la santé publique ne peut, en l'absence de décision expresse en ce sens, être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il tient en revanche des dispositions de cet article, en cas d'interruption ultérieure de la relation d'emploi, un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; que ce préjudice doit être évalué en fonction des modalités de rémunération qui auraient été légalement applicables à un tel contrat ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C...a été recruté par le centre hospitalier d'Ajaccio au mois d'août 2003 en qualité de médecin urgentiste pour effectuer des gardes à l'hôpital de Bonifacio dans le cadre d'une convention passée entre ces deux établissements ; qu'à compter du mois de février 2005 et jusqu'au 4 janvier 2012, il a bénéficié chaque mois d'un renouvellement implicite de son contrat et a exercé une activité mensuelle à temps complet au service des urgences de l'hôpital de Bonifacio ; qu'en jugeant que, pendant cette dernière période, M. C... n'avait " pas été recruté de manière ininterrompue du 1er au dernier jour de chaque mois mais pour des gardes précisément déterminées correspondant aux besoins du service ", pour en déduire qu'il ne pouvait se prévaloir d'une relation contractuelle régie par les dispositions de l'article R. 6152-403 citées ci-dessus, la cour a dénaturé les faits qui lui étaient soumis;

6. Considérant, en outre, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus qu'en jugeant, après avoir estimé que M. C...n'était pas titulaire d'un contrat à durée indéterminée, qu'il n'avait pas droit à la réparation du préjudice subi lors de l'interruption ultérieure de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé conforme aux dispositions applicables, la cour a commis une erreur de droit ;

7. Considérant, par suite, que l'arrêt doit aussi être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M.C... ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur l'appel de M.C... ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 4 500 euros que M. C...demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le centre hospitalier d'Ajaccio demande à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 juin 2015 est annulé en tant qu'il statue sur l'appel de M. C....

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Ajaccio versera à M. C...la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Ajaccio au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...C...et au centre hospitalier d'Ajaccio.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393583
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - FIN DU CONTRAT - REFUS DE RENOUVELLEMENT - RUPTURE DE LA RELATION D'EMPLOI D'UN PRATICIEN CONTRACTUEL RENOUVELÉ AU-DELÀ DE LA PÉRIODE DE SIX ANS MENTIONNÉE À L'ARTICLE R - 6152-403 DU CSP - 1) PRATICIEN POUVANT ÊTRE REGARDÉ COMME TITULAIRE D'UN CDI - ABSENCE - EN L'ABSENCE DE DÉCISION EXPRESSE EN CE SENS - 2) DROIT À INDEMNISATION DU PRÉJUDICE SUBI - EXISTENCE - MODALITÉS D'ÉVALUATION [RJ1].

36-12-03-02 1) Un praticien contractuel dont le contrat est renouvelé implicitement après l'expiration de la période de six ans mentionnée à l'article R. 6152-403 du code de la santé publique (CSP) ne peut, en l'absence de décision expresse en ce sens, être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée (CDI). ......2) Il tient en revanche des dispositions de cet article, en cas d'interruption ultérieure de la relation d'emploi, un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un CDI. Ce préjudice doit être évalué en fonction des modalités de rémunération qui auraient été légalement applicables à un tel contrat.

SANTÉ PUBLIQUE - PROFESSIONS MÉDICALES ET AUXILIAIRES MÉDICAUX - RUPTURE DE LA RELATION D'EMPLOI D'UN PRATICIEN CONTRACTUEL RENOUVELÉ AU-DELÀ DE LA PÉRIODE DE SIX ANS MENTIONNÉE À L'ARTICLE R - 6152-403 DU CSP - 1) PRATICIEN POUVANT ÊTRE REGARDÉ COMME TITULAIRE D'UN CDI - ABSENCE - EN L'ABSENCE DE DÉCISION EXPRESSE EN CE SENS - 2) DROIT À INDEMNISATION DU PRÉJUDICE SUBI - EXISTENCE - MODALITÉS D'ÉVALUATION [RJ1].

61-035 1) Un praticien contractuel dont le contrat est renouvelé implicitement après l'expiration de la période de six ans mentionnée à l'article R. 6152-403 du code de la santé publique (CSP) ne peut, en l'absence de décision expresse en ce sens, être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée. ......2) Il tient en revanche des dispositions de cet article, en cas d'interruption ultérieure de la relation d'emploi, un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Ce préjudice doit être évalué en fonction des modalités de rémunération qui auraient été légalement applicables à un tel contrat.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 20 mars 2017, Mme Benmessahel, n° 392792, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2017, n° 393583
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393583.20170630
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