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12/07/2017 | FRANCE | N°401461

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 12 juillet 2017, 401461


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté du 26 novembre 2012 par lequel le maire d'Ajaccio (Corse-du-Sud) a délivré à la SCI Fleurs et Jardins un permis de construire un immeuble situé avenue de la Grande Armée, parcelle cadastrée n° 186, sur le territoire de la commune, d'autre part, l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le maire a délivré un permis de construire modificatif en vue de la surélévation de cet immeuble, enfin, la décision implici

te de rejet de son recours gracieux du 10 avril 2014. Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté du 26 novembre 2012 par lequel le maire d'Ajaccio (Corse-du-Sud) a délivré à la SCI Fleurs et Jardins un permis de construire un immeuble situé avenue de la Grande Armée, parcelle cadastrée n° 186, sur le territoire de la commune, d'autre part, l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le maire a délivré un permis de construire modificatif en vue de la surélévation de cet immeuble, enfin, la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 10 avril 2014. Par un jugement n° 1400628 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 26 novembre 2012 mais rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en défense au pourvoi incident, enregistrés le 12 juillet 2016, le 12 octobre 2016 et le 20 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Ajaccio demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé le permis de construire initial délivré le 26 novembre 2012 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter dans cette mesure la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence la Pietrina ;

3°) de rejeter le pourvoi incident formé par le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina ;

4°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la commune d'Ajaccio, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 26 novembre 2012, le maire d'Ajaccio a délivré à la SCI Fleurs et Jardins un permis, portant le n° 02A00412A0052, l'autorisant à construire un immeuble sur une parcelle cadastrée n° 186 située avenue de la Grande Armée sur le territoire de la commune ; que, par un arrêté du 6 novembre 2013, le maire a délivré un permis de construire modificatif, portant le n° 02A00412A005201, en vue de l'ajout d'un étage à cette construction ; que, par une requête introduite le 23 juillet 2014, le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler les deux arrêtés ; que, par un jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif a annulé le permis de construire initial du 26 novembre 2012 et rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre le permis modificatif ; que la commune se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il a annulé le permis de construire initial ; que le syndicat des copropriétaires, par la voie du pourvoi incident, demande pour sa part l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre le permis modificatif ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : "En cas de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'à défaut de l'accomplissement des formalités de notification qu'elles prévoient, un recours administratif dirigé contre un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol ne proroge pas le délai du recours contentieux ; qu'il ne peut être remédié à l'omission des formalités de notification du recours administratif que dans le délai de quinze jours qu'elles prévoient ; que, dans ce cas, la date à laquelle a été formé le recours administratif initial constitue le point de départ de la prorogation du délai de recours contentieux résultant de la formation, dans les formes requises, de ce recours administratif ; qu'en revanche, la présentation d'un nouveau recours administratif assorti des formalités de notification après l'expiration du délai de quinze jours ne pallie pas le défaut de notification du premier recours et ne permet donc pas la prorogation du délai de recours contentieux ; que cette situation ne fait toutefois pas obstacle à ce que la personne intéressée forme, en respectant les formalités de notification propres à ce recours, un recours contentieux dans le délai de recours de droit commun de deux mois qui lui est imparti ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que le permis de construire initial du 26 novembre 2012 et le permis de construire modificatif du 6 novembre 2013 ont fait l'objet d'un affichage le 10 février 2014 à l'entrée du parking de la résidence La Pietrina, voisine de la parcelle 186 devant accueillir l'immeuble projeté ; que, par une lettre du 24 février 2014, le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina a formé un recours administratif auprès du maire sans procéder aux notifications requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que le syndicat a ultérieurement, par une lettre du 10 avril 2014, adressé au maire un nouveau recours administratif cette fois assorti des notifications requises ;

5. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu que le premier recours administratif, formé le 24 février 2014, ne tendait à l'annulation que du seul permis modificatif du 6 novembre 2013 ; qu'il en a déduit que le recours contentieux formé par le syndicat des copropriétaires était irrecevable en ce qu'il était dirigé contre ce permis modificatif, dès lors que le recours administratif formé le 24 février 2014 n'avait pu proroger le délai de recours du fait de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que le tribunal, en revanche, a jugé le recours contentieux recevable en tant qu'il était dirigé contre le permis initial du 26 novembre 2012, avant de prononcer l'annulation de ce permis ;

Sur les conclusions du pourvoi incident dirigé contre le jugement en tant qu'il a statué sur le permis modificatif du 6 novembre 2013 :

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, que la présentation d'un nouveau recours administratif assorti des formalités de notification après l'expiration du délai de quinze jours ne pallie pas le défaut de notification d'un premier recours administratif non assorti de ces formalités et ne permet pas la prorogation du délai de recours contentieux ; que, par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que le premier recours administratif du 24 février 2014 formé par le syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina n'avait pas fait l'objet des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, que la présentation, le 10 avril 2014, après l'expiration du délai de quinze jours, d'un nouveau recours administratif, assorti des formalités de notification, ne palliait pas le défaut de notification du premier recours et ne permettait pas la prorogation du délai de recours contentieux ; que, dès lors, le pourvoi incident formé par le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions du pourvoi principal dirigé contre le jugement en tant qu'il a statué sur le permis initial du 26 novembre 2012 :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que le recours administratif adressé le 24 février 2014 au maire d'Ajaccio par le syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina mettait en cause des illégalités relatives à l'emprise et la desserte de la construction, lesquelles affectaient le permis de construire initial ; que ce recours administratif n'a pas utilisé le terme " modificatif " et n'a pas circonscrit explicitement la contestation au seul permis modificatif ; qu'il a été adressé au lendemain de l'affichage des deux permis sur le terrain, lequel a été simultané ; que si ce recours mentionnait le numéro du permis de construire modificatif, qui au demeurant est composé des mêmes chiffres que le numéro du permis initial suivis d'un suffixe " 01 ", cette seule circonstance ne permettait pas de regarder la lettre du 24 février 2014 comme ne mettant en cause que le seul permis de construire modificatif ; que, par suite, en jugeant que ce premier recours administratif ne saurait être regardé comme dirigé également contre le permis initial, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée de ce recours ; que, dès lors, la commune d'Ajaccio est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé le permis de construire initial délivré le 26 novembre 2012 ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours administratif formé le 24 février 2014 était dirigé, ainsi qu'il vient d'être dit, tant contre le permis principal du 26 novembre 2012 que contre le permis modificatif du 6 novembre 2013 ; que ce recours n'a pas fait l'objet des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; qu'il en résulte que la présentation, le 10 avril 2014, après l'expiration du délai de quinze jours, d'un nouveau recours administratif, assorti des formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, n'a pu pallier le défaut de notification du premier recours et ne permettait pas la prorogation du délai de recours contentieux ; qu'ainsi, les conclusions du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina dirigées contre le permis de construire délivré le 26 novembre 2012 sont irrecevables ; que, par suite, elles ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina la somme de 3 000 euros à verser à la commune d'Ajaccio au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a annulé le permis de construire délivré le 26 novembre 2012.

Article 2 : Le pourvoi incident du syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par le syndicat des copropriétaires de la résidence la Pietrina devant le tribunal administratif de Bastia tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 26 novembre 2012 sont rejetées.

Article 4 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina versera à la commune d'Ajaccio une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Ajaccio, au syndicat des copropriétaires de la résidence La Pietrina et à la SCI Fleurs et jardins.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 401461
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2017, n° 401461
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Weil
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:401461.20170712
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