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06/04/2018 | FRANCE | N°414912

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 06 avril 2018, 414912


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 8 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le centre hospitalier universitaire de Strasbourg demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1405323 du 31 juillet 2017 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 16 octobre 2014 de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités l

ocales (CNRACL) relative au versement de la contribution de l'établi...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 8 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le centre hospitalier universitaire de Strasbourg demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1405323 du 31 juillet 2017 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 16 octobre 2014 de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) relative au versement de la contribution de l'établissement au titre de la validation des années d'études de Mme B...A..., infirmière, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 47 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, notamment son article 47 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 2007-13 du 7 février 2007 ;

- le décret n° 2016-1101 du 11 août 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier universitaire de Strasbourg et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Strasbourg conteste, à l'appui de son pourvoi dirigé contre l'ordonnance du 31 juillet 2017 du président du tribunal administratif de Bordeaux, la constitutionnalité des dispositions de l'article 47 de la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, aux termes desquelles : " Sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont validés, en tant que leur régularité serait contestée par le moyen tiré de ce que la délibération du 31 mars 2004 du conseil d'administration de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales n'a pas pu leur donner de fondement légal : / 1° Les décisions, notifiées au plus tard le 13 août 2016, validant les années d'études d'infirmier, de sage-femme ou d'assistant social comme période de service en application du 2° de l'article 8 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dans sa rédaction applicable avant le 14 août 2016 ; / 2° Les avis de mise en recouvrement des retenues et contributions afférentes aux périodes d'études mentionnées au 1° du présent article notifiés aux employeurs concernés par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dans sa rédaction résultant du décret du 11 août 2016 relatif à la validation des années d'études d'infirmier, de sage-femme et d'assistant social des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), que les services pris en compte dans la constitution du droit à pension peuvent comporter, pour les fonctionnaires titularisés au plus tard le 1er janvier 2013 et à la condition qu'il en fassent la demande au plus tard, selon leur statut, dans les deux ou quatre années suivant leur titularisation, les périodes d'études ayant conduit à l'obtention d'un diplôme d'Etat d'infirmier, de sage-femme ou d'assistant social ou d'un diplôme reconnu équivalent ; qu'avant l'intervention de ce décret du 11 août 2016, ce droit à la validation des années d'études d'infirmier, de sage-femme ou d'assistant social avait été reconnu par plusieurs délibérations successives du conseil d'administration de la CNRACL et, en dernier lieu, par une délibération du 31 mars 2004 ; que, toutefois, cette dernière délibération a été déclarée illégale dans les motifs d'une décision n° 382074 du 12 février 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

4. Considérant que les demandes de validation des années d'études ayant conduit à l'obtention d'un diplôme d'Etat d'infirmier, de sage-femme ou d'assistant social formées par des fonctionnaires occupant un emploi à temps complet devaient être présentées à la CNRACL au plus tard le 1er janvier 2015 ; que si les dispositions du décret du 11 août 2016 mentionné ci-dessus confèrent une base légale aux décisions par lesquelles la CNRACL, saisie d'une telle demande, s'est prononcée après le 13 août 2016, l'article 47 de la loi du 23 décembre 2016, dont la constitutionnalité est contestée, a pour objet de conférer rétroactivement une base légale aux décisions prises par la CNRACL avant cette date, ainsi que, consécutivement, de conférer une base légale à la mise en recouvrement, par la CNRACL, des contributions des employeurs publics afférentes à la constitution des droits à pension correspondants ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

6. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article 47 de la loi du 23 décembre 2016 cité ci-dessus, qui réservent expressément l'effet des décisions de justice passées en force de chose jugée et dont la portée est strictement limitée aux agents dont la demande avait, à la date du 13 août 2016, déjà fait l'objet d'une décision notifiée par la CNRACL, vise, par la validation des décisions prises au titre des années d'études, ainsi que la validation, consécutive, des décisions de mise en recouvrement des contributions correspondantes, à garantir, s'agissant de droits à la retraite issus d'une pratique ancienne et constante, l'égalité de traitement entre les quelque quarante sept mille agents dont la demande restait à traiter sur le fondement du décret du 11 août 2016 et les quelque quinze mille agents, concernés par les dispositions contestées, dont la demande de validation avait déjà été traitée à cette date et ne pouvaient ainsi se voir appliquer les dispositions de ce décret ; que, d'autre part, la protection du droit de propriété, qui résulte des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, ne s'oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un objectif d'intérêt général, autorise sans contrepartie le transfert de biens entre personnes publiques ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée aux intérêts des personnes publiques soumises à contribution par l'effet de cette validation doit être regardée comme justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par le centre hospitalier universitaire de Strasbourg ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 47 de la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le centre hospitalier universitaire de Strasbourg.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Strasbourg et à la Caisse des dépôts et consignations.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 414912
Date de la décision : 06/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2018, n° 414912
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Roux
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:414912.20180406
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