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27/06/2018 | FRANCE | N°405776

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 27 juin 2018, 405776


Vu la procédure suivante :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Yvelines à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et des mesures discriminatoires dont elle estime avoir été victime. Par un jugement n° 1307841 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE00323 du 6 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...con

tre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, en...

Vu la procédure suivante :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Yvelines à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et des mesures discriminatoires dont elle estime avoir été victime. Par un jugement n° 1307841 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE00323 du 6 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2016 et 7 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du SDIS des Yvelines la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de Mme A...et à la SCP Foussard, Froger, avocat du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux arrêtés du 19 octobre 2009, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Yvelines a classé MmeA..., ressortissante italienne, dans le cadre d'emploi des adjoints administratifs territoriaux avec une reprise d'ancienneté de travail égale à la moitié de la durée des services qu'elle avait antérieurement accomplis en Italie, en application de l'article 6-2 du décret du 30 décembre 1987 portant organisation des carrières des fonctionnaires territoriaux de catégorie C. Mme A...a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le SDIS des Yvelines à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et de mesures discriminatoires qui résulteraient d'une prise en compte insuffisante de ses années de service en Italie. Par un jugement du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires relatives au harcèlement moral :

En ce qui concerne la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le second mémoire du SDIS des Yvelines enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 16 septembre 2016, avant la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué à cette dernière. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que Mme A...n'était pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Versailles avait rejeté à tort sa demande tendant à la réparation d'un préjudice résultant du harcèlement moral, la cour a relevé qu'aucun des éléments de fait produits par la requérante n'apparaissait susceptible de faire présumer l'existence d'agissement constitutifs d'un tel harcèlement. En statuant ainsi, la cour ne s'est pas fondée sur des éléments que le SDIS aurait produits en cours d'instance et qui n'auraient pas été préalablement communiqués à MmeA.... Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour rejeter la requête de MmeA..., la cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que cette dernière ne produisait aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part du SDIS des Yvelines et notamment qu'elle ne justifiait pas d'une dégradation de ses conditions de travail et de sa carrière ou d'une volonté d'intimidation de sa hiérarchie. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve. Mme A... n'est ainsi pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions indemnitaires relatives au harcèlement moral.

Sur les conclusions indemnitaires relatives à la prise en compte des années de service en Italie :

6. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour a écarté le moyen tiré de ce que le SDIS des Yvelines aurait adopté à l'égard de Mme A...un comportement discriminatoire au regard de ses années de service en Italie au motif que, par son arrêt n° 15VE00311 du 6 octobre 2016, elle avait rejeté la requête de l'intéressée portant sur les arrêtés du 19 octobre 2009 relatif aux modalités de son classement dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux. Toutefois, par une décision n° 405783 du même jour que la présente décision, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt. La requérante est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions indemnitaires relatives à la prise en compte des années de service en Italie.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS des Yvelines le versement à Mme A...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 15VE00323 de la cour administrative de Versailles du 6 octobre 2016 est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions indemnitaires relatives à la prise en compte des années de service accomplies par Mme A...en Italie.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Le SDIS des Yvelines versera à Mme A...une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du SDIS des Yvelines présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B...et au service départemental d'incendie et de secours des Yvelines.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405776
Date de la décision : 27/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2018, n° 405776
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:405776.20180627
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