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07/11/2018 | FRANCE | N°424479

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 novembre 2018, 424479


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national de l'édition (SNE) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision, non datée, par laquelle l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) a prévu que les activités des directeurs de collection de livres ne sont pas au nombre de celles qui r

elèvent du régime de sécurité sociale des artistes auteurs, d'autre part, d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national de l'édition (SNE) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision, non datée, par laquelle l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) a prévu que les activités des directeurs de collection de livres ne sont pas au nombre de celles qui relèvent du régime de sécurité sociale des artistes auteurs, d'autre part, de la " lettre ", en date du 19 avril 2018, adressée au directeur de l'AGESSA et de la Maison des artistes (MdA), par laquelle la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre de la culture ont clarifié les conditions de mise en oeuvre de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'AGESSA et de l'Etat la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SNE soutient que :

- le juge des référés est compétent pour connaître de la décision de l'AGESSA, qui peut s'analyser comme une circulaire ou une instruction de portée générale prise au titre de la mission de service public qui lui est confiée ;

- son recours au fond, en tant qu'il est dirigé contre la décision de l'AGESSA, est recevable, dès lors que cette décision énonce une règle nouvelle quant à l'assujettissement à la sécurité sociale des directeurs de collection de livres, laquelle fait grief ;

- la condition d'urgence est remplie, l'exécution des décisions litigieuses impliquant, d'une part, la modification des contrats de tous les directeurs de collection de livres dans un délai qui est impossible à tenir et, d'autre part, un accroissement des contributions sociales mises à la charge des maisons d'édition dans des proportions telles que leur pérennité s'en trouve menacée ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- les décisions contestées sont entachées d'incompétence, ni l'AGESSA, ni les ministres chargés de la sécurité sociale et de la culture n'étant habilités à déterminer le périmètre du régime de sécurité sociale des artistes auteurs, lequel résulte des dispositions législatives et réglementaires du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par la jurisprudence ;

- les décisions litigieuses portent atteinte au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, dès lors qu'elles imposent de remettre en cause des contrats passés ;

- les décisions litigieuses portent atteinte au principe de sécurité juridique, faute de laisser aux maisons d'édition un délai susceptible de leur permettre de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions.

Par une intervention, enregistrée le 1er octobre 2018, la Société des gens de lettres (SGDL) demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête du Syndicat national de l'édition. Elle se réfère aux moyens exposés par la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des artistes auteurs (AGESSA) conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le Syndicat national de l'édition ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2018, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête est irrecevable, en raison de ce que, d'une part, le SNE ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les deux actes qu'il conteste, d'autre part, la décision de l'AGESSA et la " lettre " interministérielle ne constituent pas des actes susceptibles d'être contestés par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, et partant, par la voie d'un référé-suspension. Elle soutient, en outre, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le SNE ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de la culture qui n'ont pas produit de mémoire.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la décision du juge des référés du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, pour tardiveté, des conclusions, présentées dans le recours au fond de la SNE, tendant à l'annulation de la décision de l'AGESSA, laquelle a été publiée au mois de mai 2017.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Syndicat national de l'édition (SNE) et la Société des gens de lettres et, d'autre part, la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'action et des comptes publics, le ministre de la culture et l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des artistes auteurs (AGESSA) ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 23 octobre 2018 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SNE ;

- les représentants du SNE ;

- les représentants de la Société des gens de lettres ;

- les représentants de la ministre des solidarités et de la santé ;

- le représentant du ministre de la culture ;

- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'AGESSA ;

- les représentants de l'AGESSA ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 26 octobre 2018 à 17 heures, puis au 30 octobre 2018 à 16 heures ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 26 et 30 octobre 2018, par lesquels le SNE persiste dans ses écritures et soutient, en outre, que les modalités de publication de la décision de l'AGESSA sur son site internet (durée, rubrique, etc.) n'étant pas connues, le délai de recours contre la décision en litige ne peut, dans de telles conditions, être regardé comme ayant couru à compter de cette mise en ligne ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 octobre 2018, par lequel l'AGESSA persiste dans ses écritures et soutient, en outre, que la décision en litige a été publiée sur son site internet le 5 mai 2017 à 14h01 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Sur le cadre juridique :

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale : " Les artistes auteurs d'oeuvres littéraires et dramatiques (...), sous réserve des dispositions suivantes, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés. (...)/L'affiliation est prononcée par les organismes de sécurité sociale, s'il y a lieu après consultation, à l'initiative de l'organisme compétent ou de l'intéressé, de commissions qui, instituées par branches professionnelles et composées en majorité de représentants des organisations syndicales et professionnelles des artistes, tiennent compte notamment de ses titres " ; qu'aux termes de l'article R. 382-2 du même code : " Entrent dans le champ d'application du présent chapitre les personnes dont l'activité, relevant des articles L. 112-2 ou L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, se rattache à l'une des branches professionnelles suivantes : /1°) Branche des écrivains :-auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques ;/-auteurs de traductions, adaptations et illustrations des oeuvres précitées ;/-auteurs d'oeuvres dramatiques ;/-auteurs d'oeuvres de même nature enregistrées sur un support matériel autre que l'écrit ou le livre (...) " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 382-4 du code de la sécurité sociale, le financement des charges incombant aux employeurs au titre des assurances sociales et des prestations familiales des artistes auteurs mentionnés à l'article L. 382-1 est assuré par le versement d'une contribution par toute personne qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l'exploitation commerciale d'oeuvres littéraires et dramatiques originales et recouvrée, comme en matière de sécurité sociale, par l'intermédiaire d'un organisme agréé par l'autorité administrative qui assume, en matière d'affiliation, les obligations de l'employeur à l'égard de la sécurité sociale, lequel est, pour la branche des écrivains, l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) ;

Sur le litige :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

4. Considérant qu'au mois de mai 2017, l'AGESSA a modifié la fiche pratique relative à la " branche des écrivains ", qui figure, notamment, sur son site internet, par laquelle elle explicite les personnes et les activités relevant, au titre de cette branche, du régime de sécurité sociale des artistes auteurs ; qu'alors que cette fiche prévoyait, dans une version antérieure, que " sous réserve d'une appréciation individuelle des situations par l'AGESSA, et notamment des contrats, peuvent être affiliables les (...) directeurs de collection dont le niveau de participation intellectuelle à la création des oeuvres est suffisamment établi ", elle mentionne désormais que les activités des directeurs de collection figurent parmi les " activités qui ne relèvent pas du régime des artistes auteurs " ;

5. Considérant que par une " lettre " datée 19 avril 2018 et adressée au directeur de l'AGESSA et de la Maison des artistes (MdA), la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre de la culture ont clarifié les conditions de cette exclusion des directeurs de collection de livres du champ du régime de sécurité sociale des artistes auteurs ; qu'à ce titre, les ministres, tout en confirmant l'analyse figurant sur la fiche pratique de l'AGESSA, ont indiqué " qu'un délai suffisant doit être laissé aux maisons d'édition concernées pour se mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions. Aussi, nous vous demandons de différer l'entrée en vigueur de l'exclusion du champ du régime mentionné ci-dessus afin de permettre aux intéressés de modifier les contrats en cours et de prévoir de nouveaux contrats pour l'avenir à l'échéance de la première déclaration du 15 janvier 2019 " ; que cette " lettre " a été communiquée aux organisations représentatives des éditeurs et des auteurs du secteur du livre par un courriel du ministère de la culture du 6 juin 2018 ;

6. Considérant que le Syndicat national de l'édition (SNE) a saisi le tribunal administratif de Paris de deux requêtes, respectivement enregistrées les 23 juin et 3 septembre 2018, tendant, pour la première, à l'annulation pour excès de pouvoir des deux décisions mentionnées aux points précédents, pour la seconde, à la suspension, en application des dispositions citées au point 3, de leur exécution dans l'attente du jugement de la première ; que, toutefois, par une ordonnance du 24 septembre 2018, prise en application de l'article R. 522-8-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a décliné sa compétence, au motif que la " lettre " du 19 avril 2018 devait être regardée comme révélant une décision à caractère réglementaire dont la contestation relève directement du Conseil d'Etat en application de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ; que, partant, le Syndicat national de l'édition a, par la présente requête, saisi dès le lendemain le juge des référés du Conseil d'Etat d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de ces deux mêmes décisions sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'en outre, par une ordonnance du 8 octobre 2018, le président du tribunal administratif de Paris a, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis au Conseil d'Etat la requête au fond du Syndicat national de l'édition présentée devant son tribunal ;

Sur l'intervention de la Société des gens de lettres :

7. Considérant que la Société des gens de lettres, qui intervient au soutien des conclusions de la requête justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présence instance ; que, par suite, son intervention est recevable ;

Sur la recevabilité du recours au fond :

8. Considérant que si la requête tendant à l'annulation du ou des actes administratifs dont la suspension est demandée est irrecevable, aucun des moyens présentés au soutien d'une requête formée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité du ou des actes administratifs contestés ; que, lorsqu'elle ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, l'irrecevabilité de la requête à fin d'annulation doit être relevée, le cas échéant d'office par le juge des référés, pour constater que la requête à fin de suspension ne peut qu'être rejetée ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés que la décision contestée de l'AGESSA a été mise en ligne sur son site internet le 5 mai 2017 ; qu'eu égard à l'objet et à la nature de ce site et à ses conditions d'utilisation par les personnes redevables de la contribution prévue à l'article L. 382-4 du code de la sécurité - que le Syndicat national de l'édition a, notamment, vocation à représenter - cette publication doit être regardée comme ayant fait courir les délais de recours à son égard ; que, par suite, les conclusions du SNE tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, présentées par une requête enregistrée le 23 juin 2018, sont tardives et donc irrecevables ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la ministre des solidarités et de la santé, les conclusions de la requête en référé du SNE tendant à la suspension de l'exécution de cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant, en second lieu, que la " lettre " interministérielle du 19 avril 2018, qui décide, notamment, les conditions de mise en oeuvre de l'exclusion des directeurs de collection du régime de sécurité sociale des artistes auteurs, revêt le caractère d'un acte faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'en outre, le SNE, qui est un syndicat professionnel représentant les éditeurs, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet acte ; que, par suite, la ministre de la santé et des solidarités n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de la requête du SNE tendant à l'annulation de cet acte seraient, pour ces deux motifs, irrecevables et que, dès lors, les conclusions de sa requête, présentée au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à sa suspension devraient être rejetées ;

Sur la condition d'urgence :

11. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 3 que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

12. Considérant que, pour démontrer que la condition d'urgence est satisfaite, le SNE soutient que la décision révélée par la " lettre " du 19 avril 2018 d'exclure l'ensemble des directeurs de collection de livres du régime de sécurité sociale des artistes auteurs à compter des déclarations opérées le 15 janvier 2019, sauf à ce qu'ils aient une activité annexe d'écrivain, implique, d'une part, la modification des contrats de tous les directeurs de collection de livres dans un délai qui est impossible à tenir et, d'autre part, un accroissement des contributions sociales mises à la charge des maisons d'édition dans des proportions telles que leur pérennité s'en trouve menacée ; que ses dires, notamment sur le premier point, sont étayés par nombreux témoignages d'éditeurs et d'autres documents ; que la ministre des solidarités et de la santé et l'AGESSA objectent à cette argumentation qu'avant même l'intervention de cet acte, seuls les directeurs de collection ayant une activité assimilable à celle d'un auteur, en raison, notamment, de leur indépendance et de leur participation intellectuelle à la création de l'oeuvre, pouvaient régulièrement, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, être affiliés au régime de sécurité sociale des artistes auteurs ;

13. Considérant, toutefois, que l'acte contesté pose la règle nouvelle d'une exclusion de principe de tous les directeurs de collection de livres de ce régime de sécurité sociale, à la seule exception des directeurs de collection par ailleurs auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques, qui, pour ce seul pan de leurs activités, peuvent continuer à en relever ; que, partant, cet acte a pour effet d'imposer, par lui-même, la révision de l'ensemble des contrats conclus par les éditeurs avec les directeurs de collection de livres et est de nature à entraîner d'importantes difficultés administratives, juridiques et financières, notamment pour les éditeurs ; qu'en outre, eu égard à la date fixée pour son entrée en vigueur, il est susceptible d'avoir des effets immédiats, si ce n'est rétroactifs, compte tenu du décalage qui existe, en pratique, entre, d'une part, la conclusion des contrats de directeurs de collection, puis la diffusion ou la commercialisation des oeuvres, et, d'autre part, le versement de droits d'auteurs et les déclarations effectuées auprès de l'AGESSA, qui ont lieu, en règle générale, au moins une année plus tard ; qu'enfin, ni la ministre des solidarités et de la santé, ni l'AGESSA ne se prévalent, dans leurs écritures, d'un intérêt public auquel la suspension de l'exécution de l'acte litigieux serait de nature à porter atteinte ; qu'il s'ensuit que la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ;

Sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'acte litigieux :

14. Considérant que le moyen invoqué par le SNE et tiré de ce que la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre de la culture n'étaient pas compétents pour prendre l'acte litigieux est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la " lettre " du 19 avril 2018 ; que la condition tenant à l'existence d'un moyen sérieux est, par suite, satisfaite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

15. Considérant qu'il en résulte que les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour que le juge des référés puisse prononcer la suspension d'une décision contestée, étant remplies en l'espèce, il y a lieu de suspendre l'exécution de la " lettre " du 19 avril 2018 de la ministre des solidarités et de la santé, du ministre de l'action et des comptes publics et de la ministre de la culture ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au SNE d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la Société des gens de lettres est admise.

Article 2 : L'exécution de la " lettre " du 19 avril 2018 de la ministre des solidarités et de la santé, du ministre de l'action et des comptes publics et de la ministre de la culture est suspendue.

Article 3 : L'Etat versera au SNE la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du SNE est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat national des éditeurs, à la Société des gens de lettres, à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, à la ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de la culture.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 424479
Date de la décision : 07/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2018, n° 424479
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:424479.20181107
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