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21/11/2018 | FRANCE | N°410741

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 21 novembre 2018, 410741


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1300360 du 20 novembre 2014, modifié par une ordonnance rectificative du 26 novembre 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15BX00266 du 21 février 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M.

et MmeB..., annulé ce jugement et rejeté leur demande présenté devant le tr...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1300360 du 20 novembre 2014, modifié par une ordonnance rectificative du 26 novembre 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15BX00266 du 21 février 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M. et MmeB..., annulé ce jugement et rejeté leur demande présenté devant le tribunal administratif de la Guyane ainsi que leurs conclusions d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mai et 18 août 2017 et le 25 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., médecin généraliste exerçant à Cayenne (Guyane), a fait l'objet, en 2010, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. A l'issue de ce contrôle, M. B...a été informé, par une proposition de rectification du 26 novembre 2010, du rehaussement de ses bénéfices non commerciaux au titre des années 2007 à 2009. Ce dernier n'ayant pas accepté les rehaussements envisagés, l'administration, après avis favorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a mis en recouvrement les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes. Par un jugement du 20 novembre 2014, rectifié par une ordonnance du 26 novembre 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge de ces impositions. Ils demandent l'annulation de l'arrêt du 21 février 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il porte sur les rémunérations perçues au titre de la permanence de soins :

2. Aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " I.-La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; (...) II.-Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui avait été saisie sur le montant des bénéfices non commerciaux de M.B..., s'est prononcée sur la réalité des permanences effectuées par ce dernier, qui est une question de fait. En jugeant que la mention de l'avis de la commission selon laquelle ne devaient bénéficier de l'exonération prévue par l'article 151 ter du code général des impôts que les rémunérations spécifiques perçues au titre de la permanence de soins revêtait un caractère surabondant et n'était pas de nature à établir que la commission aurait été conduite à trancher une question de droit, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ni commis d'erreur de droit et n'a pas entaché son arrêt de contradiction.

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que " la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.

5. En jugeant que l'erreur commise par l'administration dans la proposition de rectification sur la version applicable de l'article 151 ter du code général des impôts n'était pas de nature à induire en erreur le contribuable sur le fondement des rehaussements envisagés, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni entaché son arrêt de contradiction de motifs.

6. Toutefois, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation faite à l'administration fiscale, qui découle de la première phrase de cet article, d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. La méconnaissance par l'administration de ces dispositions, qui constituent une garantie pour l'intéressé, demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. En revanche, lorsqu'en application de la deuxième phrase du même article, le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents en sa possession qu'elle a obtenus auprès de tiers et qu'elle a utilisés pour établir les redressements, même si le contribuable a pu avoir par ailleurs connaissance de ces renseignements.

7. Il résulte de ce qui précède que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales au motif que l'administration n'avait pas répondu à la demande que lui avait faite M. B...le 27 avril 2012 afin d'avoir communication des relevés de prestations qu'elle avait obtenus de la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane, la cour a commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance que le contribuable avait nécessairement connaissance de ceux-ci, dès lors qu'ils consistaient en des relevés de ses propres prestations. Les requérants sont, dès lors, fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il statue sur les rémunérations perçues au titre de la permanence de soins.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il porte sur les autres rectifications :

8. En premier lieu, en jugeant, par une motivation suffisante, que la circonstance que le décalage constaté entre la déclaration de revenus et les sommes figurant sur les comptes bancaires de M. et Mme B...était inférieur à 5 % et provenait d'une simple erreur d'écriture comptable était sans incidence sur le bien-fondé du rehaussement d'impôt sur ce point, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

9. En second lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a estimé, pour la détermination des frais de véhicules, d'une part, que le kilométrage du véhicule Hyundai n'avait pu être apprécié de façon précise et que l'administration avait donc pu retenir le kilométrage moyen parcouru depuis sa mise en service et, d'autre part, qu'il n'était pas démontré que l'autre véhicule était affecté à un usage professionnel. Les moyens d'erreur de droit, de contradiction de motifs et d'insuffisance de motivation ne sont pas assortis des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les pénalités correspondant aux charges réintégrées :

10. La cour a déduit de la circonstance que des irrégularités en matière de frais kilométriques avaient déjà été constatées au cours d'un précédent contrôle et du montant des rehaussements d'imposition justifiés que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve qui lui incombait du caractère délibéré du manquement des requérants à leurs obligations déclaratives justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en ce qui concerne les frais kilométriques. Les requérants ne peuvent pas utilement soutenir qu'aucun rehaussement d'imposition ne serait justifié, le moyen de cassation relatif au bien-fondé de la réintégration des charges ayant été écarté au point 9 de la présente décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les faits et pièces du dossier, commis une erreur de qualification juridique des faits, commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son arrêt s'agissant de ces pénalités ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant que la cour a statué sur les rémunérations perçues au titre de la permanence de soins.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'Etat le versement à M. et Mme B...d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt n° 15BX00266 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 février 2017 est annulé en tant qu'il statue sur les impositions et pénalités résultant de la réintégration dans la base imposable des rémunérations qui auraient été perçues au titre de la permanence de soins au titre des années 2007 à 2009.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 410741
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2018, n° 410741
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410741.20181121
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