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30/11/2018 | FRANCE | N°411418

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 30 novembre 2018, 411418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1305041 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par un arrêt n° 15MA02226 du 11 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel que M. et Mme B

...ont formé contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1305041 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par un arrêt n° 15MA02226 du 11 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel que M. et Mme B...ont formé contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 juin et 12 septembre 2017 et le 27 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. et Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 11 avril 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre le jugement du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ". L'administration fiscale, qui est tenue à un devoir de loyauté, ne saurait induire en erreur les contribuables auxquels elle adresse des demandes en application de ces dispositions.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a adressé à M. B..., par lettre du 30 octobre 2012, une demande de renseignements tendant à ce que lui soit communiquée une déclaration spécifique des plus ou moins-values réalisées à l'occasion de la cession des parts détenues dans la SARL " Jack Al ". Cette lettre, qui avait pour objet d'inviter le contribuable à régulariser sa situation en souscrivant la déclaration des plus ou moins-values, indiquait expressément que la demande qu'elle contenait était établie conformément aux dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, qu'elle était dépourvue de tout caractère contraignant et qu'une réponse de l'intéressé était attendue " si possible avant le 30/11/2012 ". La cour administrative d'appel a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimer, qu'eu égard aux termes dans lesquels elle était rédigée, cette lettre n'avait pu induire en erreur M. B...sur la portée de la demande qui lui avait été adressée et relever que l'administration n'avait tiré aucune conséquence de l'absence de transmission par M. B...des éléments demandés sur la procédure d'imposition mise en oeuvre. Par suite, en jugeant que M. et Mme B... n'étaient pas fondés à soutenir que l'administration avait commis un détournement de procédure, ni que celle-ci avait manqué à son devoir de loyauté, la cour administrative d'appel n'a commis aucune erreur de droit.

4. En deuxième lieu, un contribuable ne peut se prévaloir des dispositions de la Charte du contribuable établie et mise en ligne par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le 2 septembre 2005 dès lors, d'une part, que ni l'article L. 10 du livre des procédures fiscales cité au point 2, ni aucune autre disposition du livre des procédures fiscales ne rendent opposable à l'administration ce document, lequel ne contient que de simples recommandations et, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 80 A du même livre ne peuvent utilement être invoquées à l'appui de la contestation de la régularité de la procédure d'imposition. Par ailleurs, la circonstance que, tant dans les propos liminaires de cette Charte que par un communiqué de presse du 17 octobre 2005, le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat ait indiqué que les contribuables pourraient se prévaloir de la Charte auprès de l'ensemble des agents de l'administration fiscale et que son contenu engageait l'administration, ne saurait avoir pour effet, en l'absence de toute disposition donnant compétence au ministre pour édicter de telles dispositions, de rendre la Charte légalement opposable à l'administration fiscale. Par suite, la cour administrative d'appel a pu juger, sans commettre d'erreur de droit ni entacher son arrêt, qui est suffisamment motivé, de dénaturation, que la Charte du contribuable, notamment ses énonciations selon lesquelles le contribuable reçoit une réponse à ses observations dans un délai de trente jours et les agents saisis d'un recours doivent statuer dans les plus brefs délais, n'était pas opposable à l'administration et ainsi écarter le moyen de M. et Mme B...tiré de ce qu'aurait été méconnu le principe de loyauté et de sécurité juridique en raison du caractère non opposable de cette Charte.

5. En troisième lieu, aux termes du 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts : " Lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plus-value réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers ". Il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient ne bénéficie qu'aux cessions de droits sociaux consenties par le cédant à son conjoint ainsi qu'aux ascendants et descendants de ces deux personnes et, par conséquent, ne s'applique pas aux cessions consenties à des personnes morales.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que M. B... a cédé, par acte sous seing privé du 23 février 2009, les cent quatre-vingt-huit parts sociales qu'il détenait dans la SARL " Jack Al " à la SAS Pag Invest pour le prix de 160 552 euros et, d'autre part, que les autres associés de la SARL " Jack Al ", membres d'une même famille, ont procédé à la même opération afin d'assurer, à travers la création d'une société holding dont ils détenaient ainsi l'ensemble du capital, le développement de leur activité de commerce de vêtements. L'opération réalisée par M. B..., qui a eu pour effet de le dessaisir de ces titres contre un prix et de faire entrer ces derniers dans le patrimoine d'une personne juridiquement distincte, constitue une cession à titre onéreux au sens des dispositions précitées du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, passible de l'imposition sur les plus-values mobilières. Cette cession a été consentie non pas à l'une des personnes physiques limitativement énumérées par les dispositions du 3 du I de l'article 150-0 A du même code mais au profit de la SAS Pag Invest, personne morale qui possède une personnalité juridique différente de celle de ses actionnaires. Par suite, en jugeant qu'alors même que l'ensemble de l'opération s'était déroulée au sein d'un même groupe familial et que la condition de conservation des droits sociaux était remplie, M. et Mme B...ne pouvaient bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 411418
Date de la décision : 30/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2018, n° 411418
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411418.20181130
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