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07/12/2018 | FRANCE | N°411909

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 07 décembre 2018, 411909


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2017 et le 12 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat viticole Piwi France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 19 avril 2017 modifiant l'arrêté du 7 juillet 2015 établissant la liste des variétés classées de vigne à raisins de cuve et, à tout le moins, d'annuler l'arrêté en ta

nt qu'il interdit l'étiquetage des variétés " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cor...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2017 et le 12 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat viticole Piwi France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 19 avril 2017 modifiant l'arrêté du 7 juillet 2015 établissant la liste des variétés classées de vigne à raisins de cuve et, à tout le moins, d'annuler l'arrêté en tant qu'il interdit l'étiquetage des variétés " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cortis N " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Janicot, auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du syndicat viticole Piwi France ;

Considérant ce qui suit :

1. En application de l'article D. 665-14 du code rural et de la pêche maritime, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a modifié par un arrêté du 19 avril 2017 un arrêté du 7 juillet 2015 établissant la liste des variétés classées de cépages. Le 1 de l'article 1er de cet arrêté du 19 avril 2017 modifie l'annexe de l'arrêté du 7 juillet 2015 en y insérant notamment les cépages " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cortis N " dans le classement des variétés classées de vigne à raisins de cuve et le premier alinéa du 2 de son article 1er interdit les mentions " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cortis N " sur les étiquettes des bouteilles de vin utilisant ces deux cépages.

2. Les conclusions du syndicat viticole Piwi France doivent être regardées comme tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte sur cette interdiction d'étiquetage.

3. Aux termes de l'article 3 du décret du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques oenologiques, qui a pour base légale l'article 118 septivicies du règlement du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur, dont la rédaction est reprise par l'article 120 du règlement du 17 décembre 2013 susvisé qui l'a remplacé à compter du 1er janvier 2014 : " L'étiquetage d'un vin ne bénéficiant pas d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée peut être complété par un ou plusieurs noms de cépages, à l'exception des noms de cépage suivants : Aligoté, Altesse, Clairette, Gewurztraminer, Gringet, Jacquère, Mondeuse, Persan, Poulsard, Riesling, Savagnin, Sylvaner et Trousseau ".

4. Ces dispositions, issues d'un décret pris après avis du Conseil d'Etat, dressent la liste limitative des noms de cépages qui ne peuvent figurer sur l'étiquetage d'un vin ne bénéficiant pas d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée. Il en découle qu'une mesure interdisant l'étiquetage d'un cépage pour ce type de vin doit être prévue par un décret pris selon les mêmes modalités. Par suite, en interdisant l'étiquetage des cépages " Cabernet Cortis N " et " Cabernet blanc B " , l'arrêté attaqué, qui aurait dû se fonder sur les dispositions de l'article 120 du règlement du 17 décembre 2013 précité, a eu pour effet d'étendre la liste limitative des interdictions d'étiquetage fixée par l'article 3 du décret du 4 mai 2012 et a donc été pris par une autorité incompétente.

5. Au surplus, aux termes de l'article 103, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil, qui relève de la section 2 du chapitre I du titre II, intitulée " Appellations d'origine, indications géographiques et mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole " : " Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée; ou ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d'une appellation d'origine ou indication géographique; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", "goût", "manière " ou d'une expression similaire ; c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l'origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un contenant de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit; d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ". Aux termes de l'article 120 de ce règlement, qui relève de la section 3 du même chapitre, intitulée " Etiquetage et présentation dans le secteur vitivinicole " : " 1. L'étiquetage et la présentation des produits visés à l'annexe VII, partie II, points 1 à 11, 13, 15 et 16, commercialisés dans l'Union ou destinés à l'exportation, comportent les indications obligatoires suivantes : a) la dénomination de la catégorie de produit de la vigne conformément à l'annexe VII, partie II ; (....). 2. Sans préjudice de l'article 100, paragraphe 3, en ce qui concerne l'utilisation des indications visées au paragraphe 1, points a) et b), du présent article, pour des vins ne bénéficiant pas d'une appellation d'origine protégée ni d'une indication géographique protégée : (...) b) les États membres peuvent, pour les vins élaborés sur leur territoire à partir des variétés à raisins de cuve, sur la base de critères non discriminatoires et objectifs, et sans préjudice des conditions d'une concurrence équitable, établir des listes de variétés à raisins de cuve à exclure, notamment: i) s'il existe pour le consommateur un risque de confusion quant à l'origine réelle du vin parce que la variété à raisins de cuve fait partie intégrante d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée existante (...) ".

6. Si l'arrêté du 19 avril 2017 s'est fondé sur les dispositions de l'article 103, paragraphe 2, précitées pour interdire l'étiquetage des cépages " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cortis N ", celles-ci ne régissent pas les règles relatives à l'étiquetage et à la présentation dans le secteur vitivinicole, au contraire de l'article 120 du même règlement, mais régissent la protection des appellations d'origine, indications géographiques et mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole. Dès lors, l'arrêté attaqué ne pouvait être fondé sur les dispositions de l'article 103, paragraphe 2, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le syndicat viticole Piwi France est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant seulement qu'il interdit l'étiquetage des cépages " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cortis N ".

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au syndicat viticole Piwi France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le premier alinéa du 2 de l'article 1er de l'arrêté du 19 avril 2017 modifiant l'arrêté du 7 juillet 2015 établissant des variétés classées de vigne à raisins de cuve est annulé en tant qu'il interdit l'étiquetage des cépages " Cabernet blanc B " et " Cabernet Cortis N ".

Article 2 : L'Etat versera au syndicat viticole Piwi France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat viticole Piwi France et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411909
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2018, n° 411909
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Janicot
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411909.20181207
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