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28/12/2018 | FRANCE | N°417015

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 28 décembre 2018, 417015


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 janvier et 19 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat de la magistrature demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° SJ-17-366-RHM3 du 31 octobre 2017 de la garde des sceaux, ministre de la justice, relative au décret n° 2017-713 du 2 mai 2017 relatif à la déclaration d'intérêts des magistrats de l'ordre judiciaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 janvier et 19 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat de la magistrature demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° SJ-17-366-RHM3 du 31 octobre 2017 de la garde des sceaux, ministre de la justice, relative au décret n° 2017-713 du 2 mai 2017 relatif à la déclaration d'intérêts des magistrats de l'ordre judiciaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

- le décret n° 2017-713 du 2 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du syndicat de la magistrature.

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 7-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature issu de l'article 26 de la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats : " Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts. / Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. ". L'article 7-2, issu de la même loi organique, impose aux magistrats de remettre au chef de la juridiction ou du parquet dont ils relèvent, dans les deux mois qui suivent l'installation dans leurs fonctions, une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts, en fixant les conditions de mise en oeuvre de cette obligation. Ses modalités d'application ont été précisées par les articles 11-1 à 11-8 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958, issus du décret du 2 mai 2017 relatif à la déclaration d'intérêts des magistrats de l'ordre judiciaire. Enfin, par la circulaire attaquée du 31 octobre 2017, qui est adressée notamment aux chefs de juridiction et aux procureurs, la garde des sceaux, ministre de la justice a explicité les modalités selon lesquelles doit être remplie cette obligation.

2. En premier lieu, aux termes du III de l'article 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " La déclaration d'intérêts ne comporte aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques du magistrat, sauf lorsque leur révélation résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement. / Elle porte sur les éléments suivants : / 1° Les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de l'installation ; / 2° Les activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées aux cours des cinq années précédant la date de l'installation ; / 3° Les activités de consultant exercées à la date de l'installation et au cours des cinq années précédentes ; / 4° Les participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société à la date de l'installation ou lors des cinq années précédentes ; / 5° Les participations financières directes dans le capital d'une société à la date de l'installation ; / 6° Les activités professionnelles exercées à la date de l'installation par le conjoint, le partenaire lié à l'intéressé par un pacte civil de solidarité ou le concubin ; / 7° Les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ; / 8° Les fonctions et mandats électifs exercés à la date de l'installation. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que si la déclaration d'intérêts des magistrats ne doit, en principe, comporter aucune mention des activités syndicales, il en va différemment lorsque la révélation de ces activités résulte de mandats exercés publiquement. Par suite, l'exercice par un magistrat de fonctions au sein des bureaux nationaux des organisations syndicales peut être mentionné dans la déclaration d'intérêts dès lors que la composition de ces organes est rendue publique. Les moyens tirés de ce que la circulaire attaquée serait, en tant qu'elle prévoit une obligation de déclaration sur ce point, entachée d'incompétence et méconnaîtrait les dispositions citées au point précédent ainsi que celles de l'article 10-1 de la même ordonnance garantissant la liberté syndicale des magistrats ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

4. En second lieu, aux termes du III de l'article 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée : " (...) La remise de la déclaration d'intérêts donne lieu à un entretien déontologique entre le magistrat et l'autorité à laquelle la déclaration a été remise, ayant pour objet de prévenir tout éventuel conflit d'intérêts et d'inviter, s'il y a lieu, à mettre fin à une situation de conflit d'intérêts. A l'issue de l'entretien, la déclaration peut être modifiée par le magistrat. L'entretien peut être renouvelé à tout moment à la demande du magistrat ou de l'autorité. / Toute modification substantielle des intérêts détenus fait l'objet, dans un délai de deux mois, d'une déclaration complémentaire dans les mêmes formes et peut donner lieu à un entretien déontologique. La déclaration d'intérêts est annexée au dossier du magistrat selon des modalités garantissant sa confidentialité, sous réserve de sa consultation par les personnes autorisées à y accéder. / Lorsqu'une procédure disciplinaire est engagée, le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des sceaux, ministre de la justice, peuvent obtenir communication de la déclaration. Cette déclaration d'intérêts peut également être communiquée à l'inspection générale de la justice dans le cadre de l'enquête dont elle peut être saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice, en application des articles 50-2 et 63. (...) ". Le IV du même article prévoit que : " (...) Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines mentionnées à l'article 226-1 du code pénal. " Aux termes de l'article 11-6 du décret du 7 janvier 1993 mentionné ci-dessus : " Afin de garantir la confidentialité et l'intégrité des éléments contenus dans ces déclarations, la direction des services judiciaires du ministère de la justice prend les mesures nécessaires pour restreindre l'accès aux seules personnes autorisées que sont l'intéressé et l'autorité à laquelle elles ont été remises en application du I de l'article 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée. / La confidentialité de ces déclarations ne fait pas obstacle à leur communication, dans les limites du besoin d'en connaître, au Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice, lorsqu'une procédure disciplinaire est engagée, et à l'inspection générale de la justice lorsqu'elle est saisie d'une enquête par le garde des sceaux, ministre de la justice. "

5. Le syndicat requérant critique la circulaire attaquée en ce qu'elle prévoit, d'une part, qu'" en cas de doute sur l'existence d'une situation susceptible de faire naître un conflit d'intérêts, l'autorité à laquelle la déclaration a été remise peut inviter le magistrat concerné à s'entretenir de sa situation avec son chef de cour " et, d'autre part, que cette autorité " peut également en informer le chef de cour, avec l'accord préalable du magistrat déclarant ". Ces dispositions se bornent toutefois, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice comme dans celui des magistrats, en cas de doute sur l'existence d'une situation susceptible de faire naître un conflit d'intérêts, à ouvrir la faculté d'une information du chef de cour et d'un échange entre celui-ci et le magistrat intéressé. Par suite, eu égard à l'objet et à la portée de ces dispositions, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée méconnaîtrait les dispositions des articles 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et 11-16 du décret du 7 janvier 1993 ainsi que l'obligation de confidentialité s'attachant à la procédure de déclaration d'intérêts doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat de la magistrature n'est pas fondé à demander l'annulation de la circulaire qu'il attaque. Sa requête ne peut donc qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat de la magistrature est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat de la magistrature et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417015
Date de la décision : 28/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE - STATUT - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - DROIT SYNDICAL - MENTION DES ACTIVITÉS SYNDICALES AU SEIN DE LA DÉCLARATION D'INTÉRÊTS (ART - 7-2 DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 1958) - PRINCIPE - ABSENCE DE MENTION - EXCEPTION - MENTION DE FONCTIONS AU SEIN DES BUREAUX NATIONAUX DES ORGANISATIONS SYNDICALES - DÈS LORS QUE LA COMPOSITION DE CES ORGANES EST RENDUE PUBLIQUE.

37-04-02-01-01 Il résulte du III de l'article 7-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 que si la déclaration d'intérêts des magistrats ne doit, en principe, comporter aucune mention des activités syndicales, il en va différemment lorsque la révélation de ces activités résulte de mandats exercés publiquement. Par suite, l'exercice par un magistrat de fonctions au sein des bureaux nationaux des organisations syndicales peut être mentionné dans la déclaration d'intérêts dès lors que la composition de ces organes est rendue publique.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE - STATUT - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - OBLIGATIONS DES MAGISTRATS - DÉCLARATION D'INTÉRÊTS (ART - 7-2 DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 1958) - PRINCIPE - ABSENCE DE MENTION DES ACTIVITÉS SYNDICALES - EXCEPTION - MENTION DE FONCTIONS AU SEIN DES BUREAUX NATIONAUX DES ORGANISATIONS SYNDICALES - DÈS LORS QUE LA COMPOSITION DE CES ORGANES EST RENDUE PUBLIQUE.

37-04-02-01-02 Il résulte du III de l'article 7-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 que si la déclaration d'intérêts des magistrats ne doit, en principe, comporter aucune mention des activités syndicales, il en va différemment lorsque la révélation de ces activités résulte de mandats exercés publiquement. Par suite, l'exercice par un magistrat de fonctions au sein des bureaux nationaux des organisations syndicales peut être mentionné dans la déclaration d'intérêts dès lors que la composition de ces organes est rendue publique.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2018, n° 417015
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417015.20181228
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