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28/12/2018 | FRANCE | N°418889

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 28 décembre 2018, 418889


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mars et 27 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Etat d'Ukraine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation des articles 1009-1, 1009-2 et 1009-3 du code de procédure civile, en tant que ces dispositions, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, prévoient que l'exécution d'une co

ndamnation résultant d'une sentence arbitrale rendue en matière internationa...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 mars et 27 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Etat d'Ukraine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation des articles 1009-1, 1009-2 et 1009-3 du code de procédure civile, en tant que ces dispositions, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, prévoient que l'exécution d'une condamnation résultant d'une sentence arbitrale rendue en matière internationale peut faire l'objet d'une procédure de radiation du pourvoi à l'encontre d'un Etat étranger en dépit de l'immunité d'exécution dont bénéficie cet Etat étranger ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ces dispositions dans cette mesure.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Etat d'Ukraine.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1009-1 du code de procédure civile : " Hors les matières où le pourvoi empêche l'exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l'avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d'une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu'il ne lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. / La demande du défendeur doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 982 et 991. / La demande de radiation interrompt les délais impartis au défendeur par les articles 982, 991 et 1010. / La décision de radiation n'emporte pas suspension des délais impartis au demandeur au pourvoi par les articles 978 et 989. / Elle interdit l'examen des pourvois principaux et incidents. " Les articles 1009-2 et 1009-3 du même code prévoient que le délai de péremption court à compter de la décision ordonnant la radiation et que la réinscription de l'affaire au rôle de la Cour de cassation est soumise à la justification de l'exécution de la décision attaquée. L'Etat d'Ukraine demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation de ces dispositions en tant qu'elles permettent que le pourvoi d'un Etat étranger contre un arrêt ayant rendu exécutoire une sentence arbitrale fasse l'objet d'une procédure de radiation.

2. Les dispositions rappelées au point précédent ouvrent la faculté au premier président de la Cour de cassation ou à son délégué, sur demande du défendeur, de subordonner l'exercice du recours en cassation à la justification de l'exécution de la décision juridictionnelle contestée. Une telle mesure ne constitue ni ne permet, par elle-même, une exécution forcée de cette décision juridictionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses méconnaîtraient les règles coutumières du droit public international relatives à l'immunité d'exécution, dont s'inspirent notamment les stipulations des articles 18 et 24 de la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens signée à New-York le 2 décembre 2004 et qui prémunissent les Etats d'une telle exécution forcée à leur encontre, ne peut qu'être écarté.

3. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'abrogation attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il soumettrait la République française au risque de se voir, par réciprocité, appliquer une procédure similaire devant une juridiction étrangère et en tant qu'il nuirait à l'attractivité de la France en matière d'arbitrage.

4. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat d'Ukraine n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Etat d'Ukraine est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Etat d'Ukraine et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418889
Date de la décision : 28/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICATION PAR LE JUGE FRANÇAIS - RÈGLES COUTUMIÈRES DU DROIT PUBLIC INTERNATIONAL RELATIVES À L'IMMUNITÉ D'EXÉCUTION [RJ1] - DONT S'INSPIRE LA CONVENTION DE NEW YORK DU 2 DÉCEMBRE 2004 - FACULTÉ OUVERTE AU PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DE CASSATION OU À SON DÉLÉGUÉ - SUR DEMANDE DU DÉFENDEUR - DE SUBORDONNER L'EXERCICE DU RECOURS EN CASSATION À LA JUSTIFICATION DE L'EXÉCUTION DE LA DÉCISION JURIDICTIONNELLE CONTESTÉE (ART - 1009-1 DU CPC) - MÉCONNAISSANCE DE CES RÈGLES - ABSENCE - DÈS LORS QUE CETTE FACULTÉ NE CONSTITUE NI NE PERMET - PAR ELLE-MÊME - UNE EXÉCUTION FORCÉE DE CETTE DÉCISION [RJ2].

01-01-02-02 Les articles 1009-1, 1009-2 et 1009-3 du code de procédure civile (CPC) ouvrent la faculté au premier président de la Cour de cassation ou à son délégué, sur demande du défendeur, de subordonner l'exercice du recours en cassation à la justification de l'exécution de la décision juridictionnelle contestée. Une telle mesure ne constitue ni ne permet, par elle-même, une exécution forcée de cette décision juridictionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que ces articles méconnaîtraient les règles coutumières du droit public international relatives à l'immunité d'exécution, dont s'inspirent notamment les articles 18 et 24 de la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens signée à New-York le 2 décembre 2004 et qui prémunissent les Etats d'une telle exécution forcée à leur encontre, ne peut qu'être écarté.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - RÈGLES GÉNÉRALES DE PROCÉDURE - POUVOIRS DES JURIDICTIONS - FACULTÉ OUVERTE AU PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DE CASSATION OU À SON DÉLÉGUÉ - SUR DEMANDE DU DÉFENDEUR - DE SUBORDONNER L'EXERCICE DU RECOURS EN CASSATION À LA JUSTIFICATION DE L'EXÉCUTION DE LA DÉCISION JURIDICTIONNELLE CONTESTÉE (ART - 1009-1 DU CPC) - MÉCONNAISSANCE DES RÈGLES COUTUMIÈRES DU DROIT PUBLIC INTERNATIONAL RELATIVES À L'IMMUNITÉ D'EXÉCUTION [RJ1] - DONT S'INSPIRE LA CONVENTION DE NEW YORK DU 2 DÉCEMBRE 2004 - ABSENCE - DÈS LORS QUE CETTE FACULTÉ NE CONSTITUE NI NE PERMET - PAR ELLE-MÊME - UNE EXÉCUTION FORCÉE DE CETTE DÉCISION [RJ2].

37-03-07 Les articles 1009-1, 1009-2 et 1009-3 du code de procédure civile (CPC) ouvrent la faculté au premier président de la Cour de cassation ou à son délégué, sur demande du défendeur, de subordonner l'exercice du recours en cassation à la justification de l'exécution de la décision juridictionnelle contestée. Une telle mesure ne constitue ni ne permet, par elle-même, une exécution forcée de cette décision juridictionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que ces articles méconnaîtraient les règles coutumières du droit public international relatives à l'immunité d'exécution, dont s'inspirent notamment les articles 18 et 24 de la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens signée à New-York le 2 décembre 2004 et qui prémunissent les Etats d'une telle exécution forcée à leur encontre, ne peut qu'être écarté.


Références :

[RJ1]

Cf., sur l'application de ces règles dans l'ordre juridique interne, CE, Section, 14 octobre 2011, Mme,et autres, n° 329788 329789 329790 329791, p. 473.,,

[RJ2]

Rappr. Cass. ord., 14 mars 1995, n° 94-14.924, Bull. 1995 ORD n° 11 ;

Cass. ord., 9 novembre 2017, n° 17-15.076, inédite au Bull.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2018, n° 418889
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:418889.20181228
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