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13/02/2019 | FRANCE | N°414522

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 13 février 2019, 414522


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 septembre 2017 et le 7 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société civile professionnelle (SCP) " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés " demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 23 juillet 2017 du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur leur demande tendant à l'abrogation des dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 du décret n° 71-942

du 26 novembre 1971, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 septembre 2017 et le 7 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société civile professionnelle (SCP) " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés " demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 23 juillet 2017 du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur leur demande tendant à l'abrogation des dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger le deuxième alinéa de l'article 10 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, dans les deux mois suivant la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, notamment son article 52 ;

- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la SCP " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés ".

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 10 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire, à la compétence d'instrumentation et à la résidence des notaires, à la garde et à la transmission des minutes et registres professionnels des notaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des alinéas 2 et 3 ci-après, il est interdit aux notaires de recevoir eux-mêmes ou de faire recevoir par une personne à leur service leurs clients à titre habituel dans un local autre que leur étude. (...) ". Le deuxième alinéa du même article dispose que " le garde des sceaux, ministre de la justice peut, à la demande du titulaire de l'office, prendre un arrêté autorisant l'ouverture d'un ou plusieurs bureaux annexes soit à l'intérieur du département, soit à l'extérieur du département dans un canton ou une commune limitrophe du canton où est établi l'office. Le ou les bureaux annexes ainsi ouverts restent attachés à l'office sans qu'il soit besoin, lors de la nomination d'un nouveau titulaire, de renouveler l'autorisation accordée. " La SCP " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés " demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de refus née du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande tendant à l'abrogation du deuxième alinéa de l'article 10 qui vient d'être cité.

2. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

3. Si l'ouverture, par un notaire, d'un bureau annexe dans le même département que l'office dont il est titulaire, dont l'activité pourra s'adresser pour l'essentiel à la même clientèle tout en permettant à celle-ci un accès plus aisé à ses services, est susceptible de renforcer le maillage territorial de services notariaux, en revanche, l'ouverture d'un bureau annexe dans une zone plus éloignée serait susceptible de nuire à l'activité des offices existants ou au développement des offices à créer dans cette zone, sans nécessairement assurer une meilleure adéquation entre la localisation des offices et la demande de services notariaux. Par suite, les notaires souhaitant ouvrir un bureau annexe dans le même département que l'office dont ils sont titulaires ou dans une commune limitrophe d'un département voisin ne sont pas placés dans la même situation, au regard des objectifs poursuivis par le législateur tendant à renforcer la proximité et l'offre de services notariaux tout en veillant à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants, que ceux qui souhaitent ouvrir un bureau annexe plus éloigné. Dès lors, et en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la société requérante, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées, qui ne permettent aux notaires d'ouvrir un bureau annexe que dans le département où est situé leur office ou dans une commune limitrophe d'un département voisin, repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de la loi. Le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité ne peut, par suite, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, en limitant la possibilité pour les notaires d'ouvrir un bureau annexe dans une zone géographique proche de l'office dont ils sont titulaires, le pouvoir réglementaire ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte illégale à leur liberté d'entreprendre.

5. En dernier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 52 de la loi du 16 août 2015 relatives à la liberté d'installation et aux créations d'offices, qui ne sont pas applicables à la création de bureaux annexes.

6. Il résulte de ce qui précède que la SCP " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés " n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions à fins d'injonction et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SCP " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés " est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCP " Charles Flobert et Laurent Brisse, notaires associés ", et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 414522
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2019, n° 414522
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414522.20190213
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