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15/02/2019 | FRANCE | N°415988

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 15 février 2019, 415988


Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers à lui verser la somme de 127 201,98 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie dans cet établissement le 9 novembre 2004. Par un jugement nos 1110067-1408314 du 23 septembre 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande à hauteur de 2 149,90 euros.

Par un arrêt n° 15NT03537 du 29 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a porté à 36 198,10 euros la

somme que le CHU d'Angers a été condamné à verser à M.A....

Par un pou...

Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers à lui verser la somme de 127 201,98 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie dans cet établissement le 9 novembre 2004. Par un jugement nos 1110067-1408314 du 23 septembre 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande à hauteur de 2 149,90 euros.

Par un arrêt n° 15NT03537 du 29 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a porté à 36 198,10 euros la somme que le CHU d'Angers a été condamné à verser à M.A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 novembre 2017 et le 26 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Cadin, auditrice,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M.A..., à Me Le Prado, avocat de la société hospitalière d'assurances mutuelles et du centre hospitalier universitaire d'Angers, et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qui exerçait les fonctions d'assistant ingénieur à l'Institut universitaire de technologie de Saint-Nazaire, a subi le 9 novembre 2004 au CHU d'Angers une opération chirurgicale consistant à prélever son rein gauche en vue d'une greffe au bénéfice de son frère, atteint d'une insuffisance rénale. Depuis cette opération, M. A...présente des douleurs abdominales et thoraco-lombaires, accompagnées de crises de type neurologique, ainsi qu'une symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle. L'intéressé, qui avait, dans la nuit précédant cette intervention, marqué son intention de quitter l'établissement hospitalier et de renoncer à ce don d'organe, a saisi le 20 août 2007 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) des Pays de la Loire afin d'obtenir une indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis. Par un avis du 10 juin 2009, la commission a conclu à la responsabilité du CHU d'Angers. La SHAM, assureur de cet établissement hospitalier, ayant refusé de l'indemniser, M. A...a conclu avec l'ONIAM, le 3 octobre 2010, un protocole d'indemnisation transactionnelle pour un montant de 68 070,88 euros, portant sur certains postes de préjudice. Il a ensuite saisi le tribunal administratif de Nantes afin d'obtenir du centre hospitalier une indemnisation au titre des autres postes. L'ONIAM a, parallèlement, saisi ce tribunal d'une demande tendant à ce que le CHU d'Angers et la SHAM lui remboursent la somme versée à M. A...au titre du protocole d'indemnisation transactionnelle. Après avoir joint ces deux requêtes, le tribunal administratif, par un jugement du 23 septembre 2015, a fait partiellement droit à la demande de M. A...en condamnant le CHU d'Angers à lui verser la somme de 2 149,90 euros et fait entièrement droit aux conclusions présentées par l'ONIAM. M. A...a formé un appel contre ce jugement en tant qu'il ne faisait pas droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires. Par un arrêt du 29 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a porté à 36 198,10 euros l'indemnité dont le versement à M. A...était mis à la charge du CHU d'Angers. M. A...se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.

2. En premier lieu, il ressort des écritures de M. A...devant la cour administrative d'appel que le requérant mettait en cause, à propos des préjudices relatifs aux frais de déplacement et de repas, le caractère insuffisant des sommes allouées par le tribunal administratif, sans soulever un moyen tiré d'une insuffisante motivation du jugement. Par suite, en s'abstenant de répondre à un tel moyen, la cour n'a elle-même pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.

3. En deuxième lieu, il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de l'expertise du Dr B...réalisée le 19 janvier 2009 à la demande de la CRCI et de celle du professeur Agard, réalisée pour la commission de réforme le 27 mai 2015 préalablement à la mise à la retraite de l'intéressé pour invalidité à l'âge de 50 ans, d'une part, que M.A..., qui n'avait pas d'antécédents médicaux sérieux avant l'intervention litigieuse, a connu à la suite de celle-ci des douleurs abdominales intenses lesquelles, au lieu de régresser comme l'équipe médicale l'avait prévu, sont devenues chroniques et, d'autre part, que ces douleurs ont provoqué une dépression réactionnelle sévère. Si le Dr B...a indiqué qu'à elles seules les douleurs éprouvées n'étaient pas incompatibles avec l'exercice de toute activité professionnelle, la cour ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier, nier que leur combinaison avec les troubles dépressifs était à l'origine des arrêts de travail répétés, du placement en disponibilité d'office sans traitement puis de la mise à la retraite pour invalidité. L'hypothèse, également mentionnée par le DrB..., selon laquelle un terrain dépressif pouvait avoir contribué à la pérennisation des phénomènes douloureux et à la dépression réactionnelle, n'était pas de nature à exclure l'existence d'un lien direct entre ces troubles, à l'origine de l'incapacité professionnelle, et l'intervention du 9 novembre 2004, le droit à réparation de la victime ne pouvant être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection dont elle est atteinte n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable. En niant que l'intervention était en lien direct avec l'incapacité professionnelle et ses conséquences pécuniaires, alors qu'aucun élément ne permettait d'affirmer qu'en l'absence de cette intervention M. A...aurait présenté les troubles mentionnés ci-dessus, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. En troisième lieu, en estimant qu'il n'était pas établi que le préjudice sexuel dont M. A...faisait état était en lien avec les séquelles de l'intervention, la cour administrative d'appel a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

5. En dernier lieu, en jugeant, au point 2 de son arrêt, que le centre hospitalier avait commis une faute en s'abstenant de vérifier le consentement de M. A...après que celui-ci eut, la veille de l'intervention, exprimé sa volonté de se rétracter, tout en écartant, au point 13 de cet arrêt, le préjudice moral, présenté comme " préjudice permanent exceptionnel ", que l'intéressé soutenait avoir subi de ce fait, au motif que " les circonstances de sa rétractation ne sont pas clairement établies ", la cour a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 29 septembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il statue sur ses conclusions tendant à la réparation de pertes de gains professionnels pour la période postérieure au 9 novembre 2006, d'une incidence professionnelle, de pertes de droits à pension de retraite et d'un préjudice moral tenant au fait d'avoir été opéré sans vérification de son consentement.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers le versement à M. A...de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 29 septembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A...tendant à la réparation de pertes de gains professionnels pour la période postérieure au 9 novembre 2006, d'une incidence professionnelle, de pertes de droits à pension de retraite et d'un préjudice moral tenant au fait d'avoir été opéré sans vérification de son consentement.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C...A..., au centre hospitalier universitaire d'Angers et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 415988
Date de la décision : 15/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2019, n° 415988
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Cadin
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; LE PRADO ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:415988.20190215
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