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27/02/2019 | FRANCE | N°426856

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 27 février 2019, 426856


Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés le 7 janvier 2019 et présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...B...demande, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR) et intéressant la sûreté de l'Etat et à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire droit à sa demande d'accès au fichier, de renvoyer au Cons

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Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés le 7 janvier 2019 et présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...B...demande, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées (FPR) et intéressant la sûreté de l'Etat et à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire droit à sa demande d'accès au fichier, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 773-2 et L. 773-8 du code de justice administrative, pour la première, et de l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure, pour la seconde.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 ;

- la décision n° 2015-713 DC du Conseil constitutionnel du 23 juillet 2015;

- le code de justice administrative, notamment son article R.* 771-5 ;

Après avoir convoqué à une séance publique M. B...;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 773-2 du code de justice administrative : " Sous réserve de l'inscription à un rôle de l'assemblée du contentieux ou de la section du contentieux qui siègent alors dans une formation restreinte, les affaires relevant du présent chapitre sont portées devant une formation spécialisée. La composition de ces formations est fixée par décret en Conseil d'Etat./ Préalablement au jugement d'une affaire, l'inscription à un rôle de l'assemblée du contentieux ou de la section du contentieux de l'examen d'une question de droit posée par cette affaire peut être demandée. L'assemblée du contentieux ou la section du contentieux siègent dans leur formation de droit commun./ Les membres des formations mentionnées au premier alinéa et leur rapporteur public sont habilités ès qualités au secret de la défense nationale. Les agents qui les assistent doivent être habilités au secret de la défense nationale aux fins d'accéder aux informations et aux documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Les membres de ces formations et leur rapporteur public sont astreints, comme les agents qui les assistent, au respect des secrets protégés aux articles 413-10 et 226-13 du code pénal pour les faits, les actes et les renseignements dont ils peuvent avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions./ Dans le cadre de l'instruction de la requête, les membres de la formation de jugement et le rapporteur public sont autorisés à connaître de l'ensemble des pièces en possession de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ou des services mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure et ceux désignés par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 811-4 du même code et utiles à l'exercice de leur office, y compris celles protégées au titre de l'article 413-9 du code pénal ".

2. L'article L. 773-8 du même code dispose, quant à lui, que : " Lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ".

3. Enfin, aux termes de l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ".

Sur les dispositions de l'article L. 773-2 du code de justice administrative :

4. Le Conseil constitutionnel a, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, déclaré conformes à la Constitution les dispositions des articles L. 773-2 à L. 773-7 du code de justice administrative. Aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité des dispositions de l'article L. 773-2 à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel.

Sur les dispositions de l'article L. 773-8 du code de justice administrative :

5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 : " Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, sous réserve de l'application des dispositions du chapitre XIII, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications./ Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant./ Lorsque le traitement est susceptible de comprendre des informations dont la communication ne mettrait pas en cause les fins qui lui sont assignées, l'acte réglementaire portant création du fichier peut prévoir que ces informations peuvent être communiquées au requérant par le gestionnaire du fichier directement saisi ". Aux termes de l'article 42 de la même loi : " Les dispositions de l'article 41 sont applicables aux traitements mis en oeuvre par les administrations publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public qui ont pour mission de contrôler ou recouvrer des impositions, si un tel droit a été prévu par l'autorisation mentionnée aux articles 26 ou 27 ".

6. Les dispositions des articles 41 et 42 de la loi du 6 janvier 1978 organisent, par dérogation aux articles 39 et 40 de la même loi, un droit d'accès indirect aux données à caractère personnel contenues dans l'un des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique et permettent à l'autorité gestionnaire du fichier de s'opposer à la communication des informations concernant une personne à celle-ci lorsque cette communication risquerait de porter atteinte à la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, sous le contrôle du Conseil d'Etat. Dans les conditions précisées aux articles L. 773-1 et suivants du code de justice administrative, il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat et figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par le fichier, adéquates et proportionnées. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité, soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, soit que leur collecte ou leur utilisation, leur communication ou leur conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données litigieuses. En pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou une telle rectification.

7. Les conditions, prévues par les dispositions législatives en cause et décrites aux points précédents, dans lesquelles s'exerce l'accès indirect aux données des fichiers figurant à l'article R. 841-2 du code de justice administrative et dans lesquelles la formation spécialisée remplit son office juridictionnel ne portent pas, par elles-mêmes, atteinte au respect des droits de la défense, contrairement à ce qui est soutenu. Les restrictions que ces mêmes dispositions apportent au caractère contradictoire de la procédure, notamment juridictionnelle, et à la protection du secret de la vie privée et familiale sont justifiées par la nécessité d'assurer la sauvegarde de la sécurité publique, de la sûreté de l'Etat et de la défense et, par voie de conséquence, de l'ordre public également garanti par la Constitution. Les pouvoirs dont la formation spécialisée est investie pour instruire les requêtes, relever d'office toutes les illégalités qu'elle constate et enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de remédier aux illégalités constatées ainsi que l'obligation dans laquelle l'autorité gestionnaire du fichier se trouve, lorsqu'il a été constaté que des données figurent illégalement dans un fichier, de les effacer ou de les rectifier, dans la mesure du nécessaire garantissent l'effectivité du contrôle juridictionnel de l'exercice du droit d'accès indirect aux données personnelles figurant dans des traitements intéressant la sûreté de l'Etat et ainsi le respect du droit à un recours effectif. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 773-8 du code de justice administrative porterait atteinte au principe du respect des droits de la défense, faute de comporter une procédure contradictoire, ne présente pas un caractère sérieux.

Sur les dispositions de l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure :

8. Contrairement à ce qui est également soutenu, les dispositions de l'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure, qui déterminent les cas dans lesquels le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des requêtes concernant la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, ne méconnaissent pas par elles-mêmes, en tout état de cause, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Le requérant ne saurait utilement invoquer, à ce titre, les incertitudes qui découleraient des textes réglementaires pris pour leur application.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B...

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B....

Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 426856
Date de la décision : 27/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2019, n° 426856
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:426856.20190227
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