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06/11/2019 | FRANCE | N°423084

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 06 novembre 2019, 423084


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 août 2018, 8 octobre 2018 et 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) de vérifier si des techniques de renseignement ont été mises en oeuvre à son égard et, dans l'affirmative, de condamner l'Etat à réparer son préjudice ;

2°) d'annuler l'autorisation de procéder à des techniques de renseignement à son égard ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui indique

r les raisons pour lesquelles il est suivi et surveillé par les services de renseignement ;

4°...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 août 2018, 8 octobre 2018 et 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) de vérifier si des techniques de renseignement ont été mises en oeuvre à son égard et, dans l'affirmative, de condamner l'Etat à réparer son préjudice ;

2°) d'annuler l'autorisation de procéder à des techniques de renseignement à son égard ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui indiquer les raisons pour lesquelles il est suivi et surveillé par les services de renseignement ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui fournir une copie de l'intégralité des renseignements collectés sur lui-même et ses proches et d'en ordonner la destruction ;

5°) d'enjoindre au ministre de divulguer les techniques de renseignement utilisées à l'encontre de lui-même et des ses proches, l'identité de ses proches surveillés, ainsi que les motifs, la finalité et des dates d'utilisation de ces techniques de renseignement ;

6°) de réparer son préjudice matériel, son préjudice d'angoisse et son préjudice moral ;

7°) de déclarer que les membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ont été illégalement nommés et d'annuler leur nomination ;

8°) d'annuler la nomination du vice-président du Conseil d'Etat ;

9°) de dissoudre le " cabinet noir " dans un délai de huit jours sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

10°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code civil ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi du 29 juillet 1881 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. C... et Maître A..., son avocat, et d'autre part, le Premier ministre et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

Sur les conclusions de M. C... relatives à la mise en oeuvre de techniques de renseignement à son égard :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-1 du code de la sécurité intérieure : " La mise en oeuvre sur le territoire national des techniques de recueil de renseignement mentionnées au titre V du présent livre est soumise à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ". Aux termes de l'article L. 833-1 du même code : " La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille à ce que les techniques de recueil de renseignement soient mises en oeuvre sur le territoire national conformément au présent livre ". L'article L. 833-4 du même code précise que : " De sa propre initiative ou lorsqu'elle est saisie d'une réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à son égard, la commission procède au contrôle de la ou des techniques invoquées en vue de vérifier qu'elles ont été ou sont mises en oeuvre dans le respect du présent livre. Elle notifie à l'auteur de la réclamation qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer leur mise en oeuvre ".

2. L'article L. 841-1 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Sous réserve des dispositions particulières prévues à l'article L. 854-9 du présent code, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du présent livre./ Il peut être saisi par : /1° Toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à son égard et justifiant de la mise en oeuvre préalable de la procédure prévue à l'article L. 833-4 ; /2° La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues à l'article L. 833-8. /Lorsqu'une juridiction administrative ou une autorité judiciaire est saisie d'une procédure ou d'un litige dont la solution dépend de l'examen de la régularité d'une ou de plusieurs techniques de recueil de renseignement, elle peut, d'office ou sur demande de l'une des parties, saisir le Conseil d'Etat à titre préjudiciel. Il statue dans le délai d'un mois à compter de sa saisine ".

3. L'article L. 773-6 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque la formation de jugement constate l'absence d'illégalité dans la mise en oeuvre d'une technique de recueil de renseignement, la décision indique au requérant ou à la juridiction de renvoi qu'aucune illégalité n'a été commise, sans confirmer ni infirmer la mise en oeuvre d'une technique ". Aux termes de l'article L. 773-7 de ce code : " Lorsque la formation de jugement constate qu'une technique de recueil de renseignement est ou a été mise en oeuvre illégalement ou qu'un renseignement a été conservé illégalement, elle peut annuler l'autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés./ Sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale, elle informe la personne concernée ou la juridiction de renvoi qu'une illégalité a été commise. Saisie de conclusions en ce sens lors d'une requête concernant la mise en oeuvre d'une technique de renseignement ou ultérieurement, elle peut condamner l'Etat à indemniser le préjudice subi (...) ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a saisi la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) afin de vérifier qu'aucune technique de renseignement n'était irrégulièrement mise en oeuvre à son égard. Par lettre du 8 août 2018, le président de la Commission a informé M. C... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications requises et que la procédure était terminée, sans apporter à l'intéressé d'autre information. M. C... demande au Conseil d'Etat de vérifier si des techniques de renseignement ont été mises en oeuvre pour surveiller ses communications téléphoniques et, le cas échéant, de constater qu'elles l'ont été illégalement. Il présente également des conclusions à fin d'injonction ainsi que des conclusions indemnitaires.

5. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative, saisie de conclusions tendant à ce qu'elle s'assure qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à l'égard du requérant, de vérifier, au vu des éléments qui lui sont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant fait ou non l'objet d'une telle technique. Lorsqu'il apparaît soit qu'aucune technique de renseignement n'est mise en oeuvre à l'égard du requérant, soit que cette mise en oeuvre n'est entachée d'aucune illégalité, la formation de jugement informe le requérant de l'accomplissement de ces vérifications, sans indiquer si une technique de recueil de renseignement a été mise en oeuvre à son égard. Dans le cas où une technique de renseignement est mise en oeuvre dans des conditions entachées d'illégalité, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut, par ailleurs, annuler l'autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.

6. La formation spécialisée a examiné, selon les modalités décrites au point précédent, les éléments fournis par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui a précisé l'ensemble des vérifications auxquelles elle avait procédé, et par le Premier ministre. A l'issue de cet examen, il y a lieu de répondre à M. C... que la vérification qu'il a sollicitée a été effectuée et n'appelle aucune mesure de la part du Conseil d'Etat. Ses conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation ne peuvent par suite, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les autres conclusions de M. C... :

7. Sont manifestement irrecevables, car elles n'entrent pas dans l'office du juge administratif, les conclusions par lesquelles M. C... demande au Conseil d'Etat de dissoudre le " cabinet noir ".

8. Sont manifestement irrecevables, en raison de leur tardiveté, les conclusions par lesquelles M. C... demande au Conseil d'Etat d'annuler la nomination des membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et la nomination du vice-président du Conseil d'Etat.

Sur les conclusions du Premier ministre tendant à la suppression de passages injurieux ou diffamatoires :

9. Considérant que les termes du mémoire présenté par M. C..., pour regrettables que soient certains d'entre eux, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il a été procédé à la vérification demandée par M. C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du Premier ministre tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 423084
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2019, n° 423084
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti-fs
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423084.20191106
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