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02/12/2019 | FRANCE | N°405548

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 02 décembre 2019, 405548


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Alsace a rejeté sa demande de transfert de l'équivalent actuariel de ses droits à pension acquis auprès du régime des pensions des fonctionnaires de l'Union européenne, ainsi que la décision du 17 septembre 2014 par laquelle le directeur régional adjoint de la DREAL a rejeté son recours gracieux contre cette décision. Par un

jugement n° 1406420 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif a r...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Alsace a rejeté sa demande de transfert de l'équivalent actuariel de ses droits à pension acquis auprès du régime des pensions des fonctionnaires de l'Union européenne, ainsi que la décision du 17 septembre 2014 par laquelle le directeur régional adjoint de la DREAL a rejeté son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1406420 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 30 novembre 2016, 29 juin 2017 et 24 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel la question de savoir si, au sens du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du Statut des fonctionnaires de l'Union Européenne, établi par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004, le droit de faire transférer l'équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, des droits à pension d'ancienneté acquis auprès de l'Union européenne à la caisse de pension d'une administration nationale bénéficie aux seuls fonctionnaires, agents contractuels et temporaires qui sont affectés pour la première fois au sein d'une telle administration ou s'applique également à ceux qui entrent à nouveau au service d'une administration nationale à l'issue notamment d'une période de disponibilité pour convenances personnelles ;

3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande d'annulation de la décision du 10 juillet 2014 et la décision du 17 septembre 2014, et d'enjoindre au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Alsace d'accorder le transfert de l'équivalent actuariel des droits à pension acquis auprès du régime des pensions de l'Union européenne, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

- le règlement n° 31 (CEE), n° 11 CEEA des Conseils du 18 décembre 1961 fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, tel que modifié notamment par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968 et le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bénaben, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., agent titulaire de la fonction publique de l'Etat depuis le 1er septembre 2006, technicien supérieur du développement durable à la direction départementale des territoires du Bas-Rhin, a été placé en disponibilité pour convenances personnelles du 1er avril 2011 au 31 août 2013, période pendant laquelle il a occupé un emploi d'agent contractuel auprès de la Commission européenne. Après avoir réintégré son administration d'origine à l'issue de cette période de disponibilité, il a demandé le transfert, vers le régime des retraites des fonctionnaires de l'Etat, de l'équivalent actuariel de ses droits à pension acquis dans le régime de pension des fonctionnaires de l'Union européenne, en se prévalant des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du statut des fonctionnaires de l'Union européenne fixé par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968, modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004. Sa demande a été rejetée par deux décisions des 10 juillet et 17 septembre 2014. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué n'est pas signée manque en fait.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 161-19-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont prises en compte, pour la détermination de la durée d'assurance visée au deuxième alinéa de l'article L. 351-1, du I des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du présent code, au premier alinéa du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et à l'article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime, les périodes durant lesquelles l'assuré a été affilié à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale à laquelle la France est partie, dès lors qu'il est affilié à ce seul régime de retraite obligatoire ". Aux termes de l'article R. 161-16-1 du même code : " Les périodes d'affiliation mentionnées par l'article L. 161-19-1 à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale à laquelle la France est partie sont prises en compte pour autant que l'assuré n'ait pas été simultanément affilié à un autre régime légalement obligatoire de retraite, français ou étranger, ou à l'assurance volontaire prévue par le titre IV du livre VII, dans des conditions emportant validation de périodes d'assurance. / Les périodes ainsi retenues sont décomptées, de date à date, pour autant de trimestres qu'elles comportent de fois 90 jours. / La totalisation de ces périodes avec les périodes d'assurance validées auprès de l'un des régimes mentionnés au premier alinéa ne peut avoir pour effet de porter à plus de quatre le nombre de trimestres susceptibles d'être validés par année civile ". M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation faute de se prononcer sur le moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de ce que l'administration était tenue de faire droit à sa demande en application des dispositions des articles L. 161-19-1 et R. 161-16-1 du code de la sécurité sociale. Toutefois, ces dispositions, qui sont relatives à la prise en compte des périodes d'affiliation à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne pour la détermination de la durée d'assurance visée au premier alinéa du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'étaient pas applicables à la demande de transfert actuariel de ses droits à pension dont M. B... a saisi l'administration. Dès lors, le moyen soulevé par M. B... était inopérant. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'incompétence dont seraient entachées les décisions en litige :

4. En vertu du décret du 26 août 2009 portant création du service des retraites de l'Etat, ce service, rattaché au directeur général des finances publiques, est " chargé de la mise en oeuvre de la gestion administrative et financière du régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ". Il est " responsable du processus de gestion des pensions de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. A ce titre : / 1° Il tient les comptes individuels de retraite, y enregistre et contrôle les droits à pension ". Dès lors, il appartient au ministre chargé des comptes publics, auquel est rattaché le service des retraites de l'Etat, de se prononcer sur les demandes de transfert de l'équivalent actuariel des droits à pension des fonctionnaires de l'Etat qui ont travaillé dans une institution de l'Union européenne. Après que le service des retraites de l'Etat, saisi par l'autorité administrative gestionnaire de l'agent, a instruit et traité une telle demande, la décision d'y faire droit ou non n'est pas entachée d'incompétence au seul motif qu'elle est portée à la connaissance du demandeur par un acte de l'autorité administrative gestionnaire. Dès lors, les décisions dont M. B... a été informé par les actes du 10 juillet et du 17 septembre 2014 n'étaient pas entachées d'incompétence.

Ce motif de pur droit, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par le jugement attaqué, dont il justifie le dispositif.

En ce qui concerne le champ des bénéficiaires du droit à un transfert de l'équivalent actuariel des droits à pension :

5. M. B... soutient que le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'erreur de droit et a méconnu le principe d'égalité en jugeant qu'au sens des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du statut des fonctionnaires de l'Union européenne fixé par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259168 du Conseil du 29 février 1968, rendues applicables aux agents contractuels par le 1. de l'article 109 du régime applicable aux agents contractuels des Communautés européennes introduit par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 modifiant le règlement du 29 février 1968, " l'entrée au service " doit s'entendre uniquement de l'affectation initiale de l'agent au sein d'une administration nationale, à l'exclusion de son retour à l'issue d'une disponibilité pour convenances personnelles. En vertu de ces dispositions : " 1. Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour: / - entrer au service d'une administration, d'une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec l'Union, (...) a le droit de faire transférer l'équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d'ancienneté, qu'il a acquis auprès de l'Union, à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d'ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée ". La réponse au moyen soulevé dépend de la question de savoir si le bénéfice des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du règlement fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le statut applicable aux autres agents, tel que modifié par le règlement du 22 mars 2004, est réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels affectés pour la première fois au sein d'une administration nationale après avoir été employés en qualité de fonctionnaire, agent contractuel ou agent temporaire dans une institution de l'Union européenne, ou si les fonctionnaires et agents contractuels retournant au service d'une administration nationale après avoir exercé des fonctions dans une institution de l'Union européenne et avoir été, pendant cette période, placés en disponibilité ou congé pour convenances personnelles, peuvent également en bénéficier.

6. L'interprétation des dispositions invoquées du règlement de l'Union européenne, déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat, présente une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi de M. B....

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. B... jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante :

Le bénéfice des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du règlement fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le statut applicable aux autres agents, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004, est-il réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels affectés pour la première fois au sein d'une administration nationale après avoir été employé en qualité de fonctionnaire, agent contractuel ou agent temporaire dans une institution de l'Union européenne, ou est-il ouvert également aux fonctionnaires et agents contractuels retournant au service d'une administration nationale après avoir exercé des fonctions dans une institution de l'Union européenne et avoir été, pendant cette période, placé en disponibilité ou congé pour convenances personnelles '

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'action et des comptes publics et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405548
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2019, n° 405548
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Tiphaine Pinault
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP BENABENT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:405548.20191202
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