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16/03/2020 | FRANCE | N°439135

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 mars 2020, 439135


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 février et 11 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 janvier 2020 par laquelle le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins a refusé son inscription au tableau de l'ordre des médecins de ce département ;

2°) d'enjoindre au consei

l départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins, à titre principal, ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 février et 11 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 janvier 2020 par laquelle le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins a refusé son inscription au tableau de l'ordre des médecins de ce département ;

2°) d'enjoindre au conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins, à titre principal, de procéder à son inscription provisoire sur le tableau de l'ordre jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur ses recours administratifs, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande d'inscription, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse a pour effet de le priver des revenus qu'il tire de son activité libérale et, par conséquent, d'une part substantielle de ses moyens de subsistance alors qu'il se trouve dans une situation financière très préoccupante ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

- la décision litigieuse est entachée d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle ne comporte aucune considération de droit sur laquelle elle serait fondée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en raison de la participation à la séance du conseil départemental de l'ordre qui l'a adoptée d'un médecin, le docteur Le Brun, qui, en tant que président de la commission médicale d'établissement d'une clinique concurrente de celle où il devait exercer, était dans une situation de conflit d'intérêts au sens de l'article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui lui interdisait de siéger ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle retient un défaut de moralité et caractérise une inexactitude dans la réponse au questionnaire comme une " déclaration mensongère délibérée " justifiant le refus d'inscription ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur cette seule circonstance pour retenir un défaut de moralité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2020, le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 12 mars 2020 à 14 heures 30 :

- Me Gury, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- M. A... ;

- Me Mégret, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. (...) Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence. (...) ". Aux termes de l'article L. 4112-5 du même code : " En cas de transfert de la résidence professionnelle hors du département ou de la collectivité territoriale où il est inscrit, l'intéressé doit, au moment de ce transfert, demander son inscription au tableau de l'ordre du département ou de la collectivité territoriale de la nouvelle résidence ". Aux termes de l'article R. 4112-2 : " Le conseil (...) refuse l'inscription si le demandeur ne remplit pas les conditions nécessaires de moralité et d'indépendance (...). Aucune décision de refus d'inscription ne peut être prise sans que l'intéressé ait été invité quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à comparaître devant le conseil pour y présenter ses explications. La décision de refus est motivée ". Aux termes de l'article R. 4112-3: " En cas de transfert de sa résidence professionnelle hors du département, le praticien est tenu de demander (...) sa radiation du tableau de l'ordre du département où il exerçait. / Lorsqu'il demande son inscription au tableau de l'ordre de sa nouvelle résidence professionnelle, le conseil de l'ordre de ce département statue dans les conditions prévues à l'article R. 4112-2 et dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., médecin spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, a, après avoir obtenu sa radiation du tableau de l'ordre des médecins du Tarn-et-Garonne, demandé son inscription au tableau de l'ordre de la Charente-Maritime au titre d'un transfert. Par une décision du 10 janvier 2020, le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Charente-Maritime a refusé son inscription au tableau pour défaut de moralité. Après avoir formé contre cette décision un recours administratif devant le conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine de l'ordre des médecins, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de cette décision.

4. A l'appui de sa demande de suspension, le requérant soutient que la décision contestée du conseil départemental de l'ordre n'est pas suffisamment motivée. Il ressort cependant des termes mêmes de la décision contestée qu'elle renvoie à un extrait du procès-verbal de la séance du conseil de l'ordre du 9 janvier 2020 au cours de laquelle elle a été adoptée et dont elle joint copie. Elle comporte ainsi les motifs de droit et de fait qui la justifient.

5. M. A... soutient également que la décision contestée serait entachée d'irrégularité en raison de la participation à la séance du conseil départemental de l'ordre qui l'a adoptée d'un médecin, le docteur Le Brun, qui, aurait été dans une situation de conflit d'intérêts, au sens de l'article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il indique que ce médecin est président de la commission médicale d'établissement d'une clinique située dans la même communauté d'agglomération et, à ce titre, concurrente de la polyclinique où il entendait exercer. Il n'est cependant pas contesté que le médecin en cause, radiologue, relève d'une spécialité différente de celle de M. A.... Il n'est pas davantage allégué ni qu'un autre motif soit de nature à faire douter de son impartialité, ni qu'il ait joué un rôle particulier dans l'adoption de la décision contestée. Le moyen tiré du vice qui entacherait la décision contestée en raison de la participation de ce médecin à son adoption n'est, dès lors, pas de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité.

6. Enfin, M. A... soutient que le conseil départemental aurait fait une inexacte application de la condition moralité prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique et qu'il les aurait méconnues en se fondant, pour refuser son inscription, sur la seule circonstance qu'il aurait commis une erreur dans la réponse au questionnaire qui lui avait été adressé. Il ressort cependant des termes même de la décision contestée qu'elle se fonde sur une fausse déclaration du requérant, dont la matérialité n'est pas contestée et que le conseil départemental a pu sans inexactitude qualifier de déclaration mensongère délibérée, consistant à dissimuler, lors de sa demande d'inscription au tableau, une sanction d'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de deux mois, dont un mois et demi avec sursis, dont il a fait l'objet le 27 octobre 2017 pour erreur de diagnostic, erreur décisionnelle, erreur de cotation et de facturation. La décision relève également, outre les agissements ayant donné lieu à cette sanction, plusieurs doléances formulées par d'anciens patients de M. A... à son encontre. Eu égard à ces motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées qu'aurait commise le conseil départemental de l'ordre en se fondant sur la seule fausse réponse au questionnaire n'est pas de nature à jeter un doute sérieux sur la légalité de sa décision. En l'absence d'éléments, en l'état de l'instruction, de nature à contredire l'appréciation du conseil départemental sur la multiplicité des faits relevés et la gravité des faits sanctionnés, il en est de même, du moyen tiré de l'inexacte appréciation de la condition de moralité imposée par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête présentée par M. A... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et par le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... et au conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins.

Copie en sera adressée au conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine de l'ordre des médecins et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 439135
Date de la décision : 16/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2020, n° 439135
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:439135.20200316
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