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03/07/2020 | FRANCE | N°420346

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 03 juillet 2020, 420346


Vu la procédure suivante :

La société Rodrigue a demandé à la cour administrative d'appel de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Forcalquier a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la réalisation d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 2 891 m² sur le territoire de la commune, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable émis le 12 novembre 2015 par la Commission nationale d'aménagement

commercial relatif au même ensemble commercial et enfin, d'autorise...

Vu la procédure suivante :

La société Rodrigue a demandé à la cour administrative d'appel de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Forcalquier a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la réalisation d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 2 891 m² sur le territoire de la commune, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable émis le 12 novembre 2015 par la Commission nationale d'aménagement commercial relatif au même ensemble commercial et enfin, d'autoriser la création de cet ensemble commercial.

Par un arrêt n° 16MA0354 du 5 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 27 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Rodrigue demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Forcalquier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la société Rodrigue , à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société LB Le Plan et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Forcalquier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 30 mai 2016, le maire de Forcalquier a refusé à la société Rodrigue la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de réaliser un ensemble commercial de 2 835 m2, au motif que le terrain d'assise du projet était situé dans une zone inconstructible et que la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie par la société LB Le Plan et l'association " Union des commerçants et artisans de Forcalquier " avait rendu un avis défavorable au projet. La société Rodrigue se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête contre cette décision.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que lorsqu'une partie se borne à produire des observations sur des moyens relevés d'office, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant l'audience publique et de les viser dans sa décision, sans être tenu de les analyser. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'irrégularité, faute d'avoir analysé les observations produites par la requérante en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la cour administrative d'appel de Marseille ne peut qu'être écarté. En outre, la société Rodrigue ne peut utilement soutenir que la cour administrative d'appel de Marseille aurait dû communiquer à la commune de Forcalquier ces observations, dès lors qu'un éventuel défaut de contradictoire à l'égard d'autres parties ne saurait, en tout état de cause, l'affecter.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne le certificat d'urbanisme :

4. D'une part, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable "Lorsqu'une demande d'autorisation (...) déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ". Les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Toutefois, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de justifier légalement la délivrance d'un permis de construire fondé sur ces dispositions dans le cas où celles-ci sont illégales.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " l'annulation (...) d'un plan local d'urbanisme (...) a pour effet de remettre en vigueur (...) le plan local d'urbanisme (...) immédiatement antérieur ". Ainsi, lorsque le plan local d'urbanisme a été annulé, l'autorité chargée de délivrer des autorisations d'utilisation des sols doit se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le certificat d'urbanisme délivré par le maire de Forcalquier à la société Rodrigue le 19 décembre 2014 mentionnait les dispositions du plan local d'urbanisme approuvé le 23 octobre 2007 et révisé le 25 octobre 2013. Toutefois, la délibération du 25 octobre 2013 approuvant la révision de ce plan local d'urbanisme a été annulée pour excès de pouvoir par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 novembre 2015, devenu définitif à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 juin 2016. Dès lors, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas entaché l'arrêt attaqué d'erreur de droit en jugeant que les dispositions du plan local d'urbanisme approuvées par cette délibération ne pouvaient servir de fondement à la délivrance de l'autorisation d'urbanisme sollicitée par la société Rodrigue, alors même qu'elles avaient été mentionnées dans le certificat d'urbanisme qui lui avait délivré.

Sur le dernier moyen du pourvoi :

7. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué, non contestés en cassation, que la cour a jugé que le maire de Forcalquier était en situation de compétence liée pour rejeter la demande dont il était saisi dès lors que les dispositions du plan local d'urbanisme du 23 octobre 2007 ne permettaient aucune construction nouvelle dans la zone naturelle Nap où se trouvait classé le terrain d'assiette du projet. Dès lors, elle a pu en déduire, sans erreur de droit, que tous les autres moyens invoqués par la société, y compris ceux par lesquels était mise en cause la légalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, étaient inopérants et ne pouvaient, par suite, qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Rodrigue n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'elle attaque. Son pourvoi doit donc être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Rodrigue la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Forcalquier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En outre, la société LB Le Plan ayant saisi la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours administratif préalable obligatoire par lequel elle contestait l'avis favorable délivré par la commission départementale sur le projet de la société Rodrigue, elle avait la qualité de partie en défense à l'instance qui s'est déroulée devant la cour administrative d'appel, en ce qu'elle concernait la décision du maire de Forcalquier en tant qu'elle refusait l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée par la société Rodrigue. Elle a également, dans cette même mesure, la qualité de partie en défense devant le Conseil d'Etat. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Rodrigue la somme de 1 500 euros à verser à la société Rodrigue au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Rodrigue est rejeté.

Article 2 : La société Rodrigue versera à la commune de Forcalquier et à la société LB Le Plan une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: La présente décision sera notifiée à société Rodrigue, à la commune de Forcalquier, à la société LB Le Plan et à l'association " Union des commerçants et artisans de Forcalquier.

Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420346
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - PROCÉDURE - PERSONNE EXERÇANT UN RAPO DEVANT LA CNAC CONTRE L'AVIS FAVORABLE DE LA CDAC (ART - L - 752-17 DU CODE DE COMMERCE) - QUALITÉ DE PARTIE EN DÉFENSE DEVANT LA CAA ET LE CONSEIL D'ETAT - EXISTENCE - EN TANT QUE L'INSTANCE PORTE SUR LE REFUS D'AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE.

14-02-01-05-02 La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) contestant l'avis favorable délivré par la commission départementale (CDAC) sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel (CAA) en ce qu'elle concerne la décision du maire en tant qu'elle refuse l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. Elle a également, dans cette même mesure, la qualité de partie en défense devant le Conseil d'Etat.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DÉPENS - DÉPENS - PERSONNE EXERÇANT UN RAPO DEVANT LA CNAC CONTRE L'AVIS FAVORABLE DE LA CDAC (ART - L - 752-17 DU CODE DE COMMERCE) - QUALITÉ DE PARTIE EN DÉFENSE DEVANT LA CAA ET LE CONSEIL D'ETAT - EXISTENCE - EN TANT QUE L'INSTANCE PORTE SUR L'AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE - CONSÉQUENCE - APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE L - 761-1 DU CJA.

54-06-05-01 La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) contestant l'avis favorable délivré par la commission départementale (CDAC) sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel (CAA) en ce qu'elle concerne la décision du maire en tant qu'elle refuse l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. Elle a également, dans cette même mesure, la qualité de partie en défense devant le Conseil d'Etat. Par suite, l'article L. 761-1 du code de justice administrative (CJA) lui est applicable.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2020, n° 420346
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT ; LE PRADO ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:420346.20200703
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