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15/07/2020 | FRANCE | N°423333

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 15 juillet 2020, 423333


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 17 août 2018 et 26 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national Solidaires Finances publiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 18 juin 2018 du directeur général des finances publiques mettant en place un suivi des compétences pour les cadres supérieurs et inspecteurs des finances publiques affectés dans les services centraux et structures assimilées et, à titre expérimental, pour les chefs de br

igade et pour les vérificateurs affectés au contrôle fiscal dans treize dire...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 17 août 2018 et 26 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national Solidaires Finances publiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 18 juin 2018 du directeur général des finances publiques mettant en place un suivi des compétences pour les cadres supérieurs et inspecteurs des finances publiques affectés dans les services centraux et structures assimilées et, à titre expérimental, pour les chefs de brigade et pour les vérificateurs affectés au contrôle fiscal dans treize directions régionales ou départementales des finances publiques ainsi que dans une direction spécialisée du contrôle fiscal (DIRCOFI), ainsi que par voie de conséquence, les notes d'information du directeur général adjoint des finances publiques du 18 juin 2018 respectivement à l'attention des cadres A+ et A affectés en administration centrale et relative à la mise en place du dispositif de suivi des compétences au sein de l'administration centrale, ainsi qu'à l'attention des chefs de brigade et des vérificateurs des directions de la Corse du Sud, de la Loire-Atlantique, du Morbihan, de la Moselle, de Vaucluse, de la Vendée, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la DIRCOFI Est et relative à l'expérimentation du dispositif de suivi des compétences au sein de la direction générale des finances publiques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°2011-184 du 15 février 2011 ;

- l'arrêté du 24 avril 2018 portant création et organisation générale des comités techniques des ministères économiques et financiers ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Grosset, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une circulaire et deux notes d'information du 18 juin 2018, qui en font une présentation synthétique, le directeur général des finances publiques a mis en place un dispositif de suivi de compétences à destination des administrateurs des finances publiques adjoints, des inspecteurs principaux des finances publiques, des inspecteurs divisionnaires des finances publiques et des inspecteurs des finances publiques, affectés dans les services centraux et structures assimilées et, à titre expérimental, à destination des chefs de brigade et des vérificateurs affectés au contrôle fiscal dans treize directions régionales ou départementales des finances publiques expérimentatrices ainsi que dans une des directions spécialisées du contrôle fiscal, la DIRCOFI Est. L'objectif de ce dispositif de suivi de compétences est " d'offrir (...) un temps de dialogue " pour " s'assurer du maintien d'un haut niveau de compétences ", " reconnaître et valoriser l'expérience et les acquis " professionnels des cadres concernés, " identifier les besoins en compétences nouvelles à développer ou acquérir " en vue de faire face aux nouvelles exigences des métiers ainsi que pour, le cas échéant, " chercher des solutions adaptées notamment avec la mise en place d'actions de formations complémentaires " et " parfois, permettre d'engager une réflexion préparatoire à une mobilité ".

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics :

2. Les fonctionnaires et les associations ou syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n'ont pas qualité pour attaquer les dispositions se rapportant à l'organisation ou à l'exécution du service sauf dans la mesure où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affecteraient leurs conditions d'emploi ou de travail.

3. Pour la mise en oeuvre du dispositif de suivi de compétences, la circulaire et les notes attaquées prévoient que les chefs de bureau et les membres de l'équipe de direction, selon les structures concernées, proposent un entretien de suivi de compétences aux cadres supérieurs affectés au sein des services centraux et structures assimilées ainsi qu'aux vérificateurs et aux chefs de brigade affectés dans les directions régionales ou départementales des finances publiques expérimentatrices et au sein de la DIRCOFI Est, s'ils y sont affectés depuis une période assez longue, en privilégiant les cadres affectés à un même poste depuis le 1er septembre 2013. Si chaque agent ainsi sollicité accepte le principe de l'entretien de suivi de compétences, la circulaire et les notes attaquées prévoient que cet entretien a lieu entre l'agent concerné et un cadre, autre que le supérieur hiérarchique direct, appartenant à la même entité, qu'il ne donne pas lieu à la rédaction d'un compte-rendu et qu'aucune information n'est transmise au service des ressources humaines. Le point 2.3.2 de la circulaire prévoit que ces entretiens ont pour objet " de mettre en exergue les acquis de l'expérience professionnelle de l'agent en valorisant les axes forts de son parcours en fonction de ses compétences professionnelles et des postes occupés au sein de la structure ", " de reconnaître son expertise, de détecter des savoir-faire autres, d'identifier des besoins en formation ou d'envisager une nouvelle orientation " en l'invitant, en tant que de besoin, à participer au mouvement de mutation et que " si à l'occasion de l'entretien il s'avère qu'un besoin en formation est souhaitable afin de consolider les compétences professionnelles du cadre sur ses fonctions actuelles ou de favoriser une diversification de son activité, un plan de formation formalisé sera élaboré ". Il prévoit également que " dans tous les cas, l'entretien de suivi de compétences vient en appui mais ne se substitue pas à l'évaluation professionnelle annuelle, réalisée par le supérieur hiérarchique direct, laquelle doit refléter la manière de servir de l'agent ". Eu égard à leur objet, la circulaire et les notes attaquées doivent être regardées comme des mesures d'organisation du service affectant les conditions d'emploi ou de travail des agents entrant dans leur champ d'application, qui sont au nombre de ceux dont le syndicat requérant assure, en vertu de son objet statutaire, la défense des intérêts matériels et moraux. Le syndicat Solidaires Finances publiques justifie dès lors d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la circulaire et les notes qu'il attaque. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics doit être écartée.

Sur la légalité de la circulaire attaquée:

4. Aux termes de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II.- Les comités techniques connaissent des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi que des questions prévues par un décret en Conseil d'Etat. (...) IV.- Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Les comités techniques sont consultés, (...) sur les questions et projets de textes relatifs : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; / (...) ;/ 3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l'échelonnement indiciaire ; / (...) 6° A la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ; (...) ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Il ressort des pièces du dossier que la circulaire attaquée, qui, ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 3, se borne à ouvrir la possibilité, pour chaque agent de la DGFIP entrant dans son champ d'application, de participer à un entretien avec un cadre de son service autre que son supérieur hiérarchique direct de façon à faire le bilan des acquis de son expérience professionnelle et d'identifier les compétences à développer ainsi que les formations adéquates compte tenu des possibilités d'évolution de son parcours professionnel, n'entre pas dans le champ des questions et projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ni aux règles statutaires au sens et pour l'application de l'article 34 du décret du 15 février 2011.

7. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que cette circulaire prévoit qu'un plan de formation formalisé sera élaboré pour l'agent concerné s'il s'avère, à l'occasion de l'entretien de suivi de compétences, qu'un besoin en formation est souhaitable en vue de consolider ou de diversifier ses compétences professionnelles. Dès lors, elle doit être regardée comme traitant une question relative à la formation et au développement des compétences et des qualifications professionnelles au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions. Or, le dispositif de suivi de compétences prévu par la circulaire a donné lieu à une simple information du seul comité technique de service central de réseau de la DGFIP, compétent, en vertu de l'arrêté du 24 avril 2018 portant création et organisation générale des comités techniques des ministères économiques et financiers, pour les services centraux de la DGFIP, certaines directions locales outre-mer, les délégations interrégionales et le service à compétence nationale Cap numérique et n'a pas été soumis pour avis au comité technique de réseau, dont le périmètre couvre les services centraux, les services déconcentrés et les autres services à compétence nationale relevant de la DGFIP ou rattachés à elle et qui, partant, était compétent pour en connaître. Par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que l'absence de consultation du comité technique de réseau de la DGFIP, qui a privé les fonctionnaires ainsi que leurs représentants de la garantie instituée par l'article 34 du décret du 15 février 2011, entache d'irrégularité la circulaire contestée.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que le syndicat national Solidaires Finances publiques est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 18 juin 2018 et, par voie de conséquence, des deux notes de service qui en découlent et qu'il attaque également. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La circulaire RH-1C/2018/01/3867 du 18 juin 2018 du directeur général des finances publiques, la note d'information du directeur général adjoint des finances publiques du 18 juin 2018 à l'attention des cadres A+ et A affectés en administration centrale relative à la mise en place du dispositif de suivi des compétence au sein de l'administration centrale et la note d'information du directeur général adjoint des finances publiques du 18 juin 2018 à l'attention des chefs de brigade et des vérificateurs des directions de la Corse du Sud, de Loire-Atlantique, du Morbihan, de la Moselle, du Vaucluse, de la Vendée, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la DIRCOFI Est relative à l'expérimentation du dispositif de suivi de compétences au sein de la Direction générale des finances publiques sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera au syndicat national Solidaires Finances publiques la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat national Solidaires Finances publiques, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la ministre de la transformation et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423333
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION OBLIGATOIRE - CIRCULAIRE METTANT EN PLACE POUR CERTAINS AGENTS DE LA DGFIP UN DISPOSITIF DE SUIVI DES COMPÉTENCES - CIRCULAIRE RELATIVE À LA FORMATION ET AU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES ET DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES (6° DE L'ART - 34 DU DÉCRET DU 15 FÉVRIER 2011) - CONSULTATION OBLIGATOIRE DU COMITÉ TECHNIQUE DE RÉSEAU DE LA DGFIP.

01-03-02-02 Circulaire mettant en place un dispositif facultatif de suivi de compétences à destination de certains agents de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et prévoyant notamment qu'un plan de formation formalisé sera élaboré pour l'agent concerné s'il s'avère, à l'occasion de l'entretien de suivi des compétences, qu'un besoin en formation est souhaitable en vue de consolider ou de diversifier ses compétences professionnelles.,,,Dès lors, cette circulaire doit être regardée comme traitant une question relative à la formation et au développement des compétences et des qualifications professionnelles au sens et pour l'application du 6° de l'article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011. Par suite, l'absence de consultation du comité technique de réseau de la DGFIP, dont le périmètre couvre les services de la DGFIP concernés par le dispositif mis en place par la circulaire et qui était donc compétent pour en connaître, a privé les fonctionnaires ainsi que leurs représentants de la garantie instituée par l'article 34 du décret du 15 février 2011 et entache d'irrégularité la circulaire contestée.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - COMITÉS TECHNIQUES PARITAIRES - CONSULTATION OBLIGATOIRE - CIRCULAIRE METTANT EN PLACE POUR CERTAINS AGENTS DE LA DGFIP UN DISPOSITIF DE SUIVI DES COMPÉTENCES - CIRCULAIRE RELATIVE À LA FORMATION ET AU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES ET DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES (6° DE L'ART - 34 DU DÉCRET DU 15 FÉVRIER 2011) - CONSULTATION OBLIGATOIRE DU COMITÉ TECHNIQUE DE RÉSEAU DE LA DGFIP.

36-07-06-03 Circulaire mettant en place un dispositif facultatif de suivi de compétences à destination de certains agents de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et prévoyant notamment qu'un plan de formation formalisé sera élaboré pour l'agent concerné s'il s'avère, à l'occasion de l'entretien de suivi des compétences, qu'un besoin en formation est souhaitable en vue de consolider ou de diversifier ses compétences professionnelles.,,,Dès lors, cette circulaire doit être regardée comme traitant une question relative à la formation et au développement des compétences et des qualifications professionnelles au sens et pour l'application du 6° de l'article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011. Par suite, l'absence de consultation du comité technique de réseau de la DGFIP, dont le périmètre couvre les services de la DGFIP concernés par le dispositif mis en place par la circulaire et qui était donc compétent pour en connaître, a privé les fonctionnaires ainsi que leurs représentants de la garantie instituée par l'article 34 du décret du 15 février 2011 et entache d'irrégularité la circulaire contestée.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - SYNDICATS - GROUPEMENTS ET ASSOCIATIONS - SYNDICAT DE FONCTIONNAIRES - CIRCULAIRE METTANT EN PLACE UN DISPOSITIF DE SUIVI DES COMPÉTENCES À DESTINATION DE CERTAINS AGENTS PUBLICS - AFFECTATION DES CONDITIONS D'EMPLOI ET DE TRAVAIL [RJ1].

54-01-04-02-02 Circulaire et notes de service mettant en place un dispositif facultatif de suivi de compétences à destination de certains agents de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), et prévoyant notamment la tenue d'un entretien ainsi que ses objectifs et ses modalités.,,,Eu égard à leur objet, la circulaire et les notes attaquées doivent être regardées comme des mesures d'organisation du service affectant les conditions d'emploi ou de travail des agents entrant dans leur champ d'application, qui sont au nombre de ceux dont le syndicat requérant assure, en vertu de son objet statutaire, la défense des intérêts matériels et moraux. Le syndicat requérant justifie dès lors d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la circulaire et les notes qu'il attaque.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 27 juillet 2003, Syndicat Sud Travail, n° 251148, p. 342.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2020, n° 423333
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Grosset
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:423333.20200715
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