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04/11/2020 | FRANCE | N°436322

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 04 novembre 2020, 436322


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1803703 du 29 novembre 2019, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le même jour, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, la requête par laquelle M. A... C... demande :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 15 décembre 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concer

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Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1803703 du 29 novembre 2019, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le même jour, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, la requête par laquelle M. A... C... demande :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 15 décembre 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Système d'information Schengen (N-SIS II) ;

2°) d'enjoindre au ministre de procéder à l'effacement de ces données.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. C... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Philippe Josse, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme B... D... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 octobre 2020, présentée par le ministre de l'intérieur ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure notamment au nombre de ces traitements le fichier N-SIS II pour les seules données mentionnées au 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans le N-SIS II. La Commission a désigné, en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, alors applicable, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par une lettre du 15 décembre 2017, la présidente de la Commission a informé M. C... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que la procédure était terminée, sans lui apporter d'autres informations. M. C... a, alors, saisi le tribunal administratif de Paris et lui a demandé d'annuler le refus du ministre de l'intérieur, révélé par le courrier de la présidente de la CNIL, de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier litigieux et d'enjoindre au ministre de procéder à leur effacement. Il ressort des énonciations du jugement du 29 novembre 2019 du tribunal administratif que le ministre de l'intérieur, d'une part, a indiqué, dans ses écritures en défense, que M. C... figure dans le N-SIS II en application du 2° de l'article R. 231-6 du code de la sécurité intérieure pour avoir fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission par un partenaire étranger au motif qu'il était susceptible de commettre un attentat suicide en 2005 et d'un autre signalement pour ses relations avec des réseaux criminels impliqués dans le trafic de stupéfiants et la contrefaçon de documents, d'autre part, n'a communiqué aucune information quant à son éventuelle inscription dans ce même fichier au titre du 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure. Le tribunal, par l'article 1er de son jugement, a transmis au Conseil d'Etat les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du refus du ministre de lui donner accès aux données le concernant figurant, le cas échéant, dans le fichier en question à ce titre.

5. Le ministre de l'intérieur et la CNIL ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre et par la CNIL, laquelle a effectué les diligences qui lui incombent dans le respect des règles de compétence et de procédure applicables. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent et n'a révélé ni méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni aucune autre illégalité, que les conclusions de M. C..., y compris celles à fin d'injonction, doivent être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 436322
Date de la décision : 04/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2020, n° 436322
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Josse
Rapporteur public ?: Mme C Barrois de Sarigny-fs

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:436322.20201104
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