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21/12/2020 | FRANCE | N°433555

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 21 décembre 2020, 433555


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2019 au secrétariat du contentieux, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le Système d'information Schengen (N-SIS II), en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à l'effacement des données la concernant figurant illégalement dans ce fichier ;

3°) de mettre

à la charge de l'Etat le versement à la SCP Thouin-Palat et Boucard, son avocat, d'une somme ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2019 au secrétariat du contentieux, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le Système d'information Schengen (N-SIS II), en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à l'effacement des données la concernant figurant illégalement dans ce fichier ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Thouin-Palat et Boucard, son avocat, d'une somme de 2 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, Mme A... et la SCP Thouin-Palat et Boucard, son avocat, et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Philippe Josse, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions des articles 70-18 et suivants de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, issus de la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018, applicables à la procédure en cause et désormais reprises aux articles 104 et suivants de la même loi, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018, lorsqu'un traitement de données à caractère personnel est mis en oeuvre aux fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique ou la prévention de telles menaces, la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, le droit d'accéder à ces données ainsi qu'à certaines informations, de demander la rectification, le complément, l'effacement de ces données ou d'en limiter le traitement. Le responsable du traitement peut toutefois retarder ou limiter la communication de ces données, ou en refuser l'accès, dans les conditions prévues à l'article 70-21 de la loi, applicable à la procédure en cause et désormais repris à l'article 107 de la même loi.

2. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

3. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense qui sont contenues dans traitements mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure notamment au nombre de ces traitements le fichier dénommé N-SIS II prévu par le 1° de l'article R. 231-3 du code de la sécurité intérieure, pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat mentionnées au 3° de l'article R. 231-8 de ce code ;

4. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre de l'article 41 devenu l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a saisi le ministre de l'intérieur, en application des articles 70-19 et 70-20 de la loi du 6 janvier 1978, alors applicables et repris désormais aux articles 105 et 106 de la loi du 6 janvier 1978, d'une demande d'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le fichier N-SIS II et intéressant la sûreté de l'Etat. Par décision du 25 mars 2019 le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les données demandées. Mme A... demande l'annulation de ce refus, d'enjoindre au ministre de procéder à l'effacement des données en question et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

6. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressée.

7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre, au vu des observations de la CNIL. Cet examen s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui ne méconnaissent pas les dispositions des articles 15 et 23 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 susvisé, contrairement à ce qui est soutenu, et n'a révélé aucune illégalité. Il suit de là que les conclusions de Mme A..., qui ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision qu'elle attaque serait insuffisamment motivée, doivent être rejetées, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 433555
Date de la décision : 21/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2020, n° 433555
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Josse
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet-fs
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433555.20201221
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