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12/03/2021 | FRANCE | N°442871

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 12 mars 2021, 442871


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiées (SAS) Janssen Cilag a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée versée au titre des mois d'avril 2013, juin 2014, juin et août 2015, pour un montant de 2 226 429 euros. Par un jugement n° 1600156 du 8 mars 2018, ce tribunal a accordé à la société la restitution de taxe sur la valeur ajoutée sollicitée.

Par un arrêt n° 18VE02345 du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'act

ion et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le ...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiées (SAS) Janssen Cilag a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée versée au titre des mois d'avril 2013, juin 2014, juin et août 2015, pour un montant de 2 226 429 euros. Par un jugement n° 1600156 du 8 mars 2018, ce tribunal a accordé à la société la restitution de taxe sur la valeur ajoutée sollicitée.

Par un arrêt n° 18VE02345 du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 17 août 2020, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Janssen Cilag ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Janssen Cilag, qui exerce une activité de production et de vente de spécialités pharmaceutiques, a obtenu, par un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 mars 2018, la restitution de taxe sur la valeur ajoutée versée au titre des mois d'avril 2013, juin 2014, juin 2015 et août 2015 pour un montant total de 2 226 429 euros, motif pris de ce que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée devait être diminuée des remises versées par cette société en application de conventions conclues avec le Comité économique des produits de santé en application des articles L. 162-18 et L. 138-19-4 du code de la sécurité sociale. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 juin 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes du 1 de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ". Aux termes de l'article 267 du même code : " I. Sont à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvement de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même (...) / II. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients ; (...) ".

3. Aux termes de l'article 90 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. / 2. En cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1. ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-462/16 du 20 décembre 2017, que les remises accordées par une entreprise pharmaceutique à un organisme d'assurance-maladie entraînent une réduction de la base d'imposition en faveur de cette entreprise pharmaceutique lorsque cet organisme rembourse à ses assurés le prix d'achat des produits pharmaceutiques.

4. Aux termes de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale, alors applicable : " Les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux peuvent s'engager collectivement par une convention nationale à faire bénéficier la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés des professions non agricoles et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole d'une remise sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. / Elles peuvent s'engager individuellement par des conventions ayant le même objet. / Ces conventions, individuelles ou collectives, déterminent le taux de ces remises et les conditions auxquelles se trouve subordonné leur versement qui présente un caractère exceptionnel et temporaire. Elles peuvent notamment contribuer au respect d'objectifs relatifs aux dépenses de promotion des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités. / Ces conventions sont conclues entre, d'une part, le comité visé à l'article L. 162-17-3, et, d'autre part, soit une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de la profession, soit une entreprise. Les remises sont recouvrées par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 138-19-4 du même code, alors applicable : " Les entreprises redevables de la contribution qui, en application des articles L. 162-16-4 à L. 162-16-5 et L. 162-16-6, ont conclu avec le Comité économique des produits de santé, pour l'ensemble des médicaments de la liste mentionnée au second alinéa de l'article L. 138-19-1 qu'elles exploitent, une convention en cours de validité au 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle la contribution est due et conforme aux modalités définies par un accord conclu, le cas échéant, en application du premier alinéa de l'article L. 162-17-4 peuvent signer avec le comité, avant le 31 janvier de l'année suivant l'année civile au titre de laquelle la contribution est due, un accord prévoyant le versement sous forme de remise, à un des organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désigné par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, de tout ou partie du montant dû au titre de la contribution. Les entreprises exploitant les médicaments de la liste précitée bénéficiant d'une autorisation prévue à l'article L. 5121-12 du code de la santé publique ou pris en charge en application de l'article L. 162-16-5-2 du présent code, dont le syndicat représentatif est signataire de l'accord mentionné au premier alinéa de l'article L. 162-17-4, peuvent également signer avec le comité un accord prévoyant le versement de remises. / Une entreprise signataire d'un accord mentionné au premier alinéa du présent article est exonérée de la contribution si les remises qu'elle verse sont supérieures ou égales à 90 % du montant dont elle est redevable au titre de la contribution. "

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les remises prévues aux articles L. 162-18 et L. 138-9-4 du code de la sécurité sociale, consenties à l'assurance-maladie, et qui, postérieurement aux opérations de vente des spécialités pharmaceutiques par les entreprises qui les produisent, viennent réduire la contrepartie perçue par ces entreprises, ne doivent pas être comprises dans leur base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles n'a ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ni commis d'erreur de droit en jugeant que, en dépit de la circonstance que les remises en litige, versées aux caisses d'assurances maladies sur le fondement d'une convention conclue avec le Comité économique des produits de santé en application de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale ou d'un accord conclu sur le fondement de l'article L. 138-19-4 du même code, s'inscrivaient dans le cadre de la participation au financement de la sécurité sociale dans une perspective de régulation des dépenses de santé, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Janssen Cilag devait être réduite du montant correspondant à ces remises.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Janssen Cilag au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Janssen Cilag au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiées Janssen Cilag.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 442871
Date de la décision : 12/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. BASE D'IMPOSITION. - EXCLUSION - REMISE ACCORDÉE PAR UNE ENTREPRISE PHARMACEUTIQUE À UN ORGANISME D'ASSURANCE-MALADIE VENANT RÉDUIRE LA CONTREPARTIE PERÇUE PAR CETTE ENTREPRISE [RJ1].

19-06-02-08-01 Il résulte de l'article 90 de la directive 2006/112/CE, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans son arrêt C-462/16 du 20 décembre 2017, que les remises accordées par une entreprise pharmaceutique à un organisme d'assurance-maladie entraînent une réduction de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en faveur de cette entreprise pharmaceutique lorsque cet organisme rembourse à ses assurés le prix d'achat des produits pharmaceutiques.,,,Il s'ensuit que, pour l'application des articles 256, 266 et 267 du code général des impôts (CGI), les remises prévues aux articles L. 162-18 et L. 138-9-4 du code de la sécurité sociale (CSS), consenties à l'assurance-maladie, et qui, postérieurement aux opérations de vente des spécialités pharmaceutiques par les entreprises qui les produisent, viennent réduire la contrepartie perçue par ces entreprises, ne doivent pas être comprises dans leur base d'imposition à la TVA.


Références :

[RJ1]

Comp., s'agissant de la cotisation minimale de taxe professionnelle, CE, 14 octobre 2019, SAS Laboratoires MSD Chibret Schering Plough, n° 418455, T. p. 678.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2021, n° 442871
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:442871.20210312
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