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18/06/2021 | FRANCE | N°422616

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 18 juin 2021, 422616


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet et 25 octobre 2018 et le 25 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Enedis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2018 portant sanction pécuniaire à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice a

dministrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet et 25 octobre 2018 et le 25 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Enedis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2018 portant sanction pécuniaire à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Société Enedis ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 25 novembre 2015, devenue définitive, le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (" CoRDiS "), saisi en application des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie d'un différend opposant la société Parc Eolien de Lislet 2 à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif à l'exécution du contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité liant ces deux sociétés, a retenu que la société ERDF avait méconnu ses obligations contractuelles. Par cette décision, qui a été notifiée à la société ERDF le 12 janvier 2016, le CoRDiS lui a imposé de " transmettre à la société Parc Eolien de Lislet 2 un nouveau contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, permettant d'assurer une totale transparence dans l'application des régimes de responsabilité en cas d'interruption du réseau " et de lui communiquer " dans le même délai (...) le nouveau projet de contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA ", ce contrat ayant vocation à s'appliquer à l'ensemble des opérateurs.

2. En application de cette décision, et après avoir mené une concertation avec les producteurs d'électricité concernés, la société Enedis, nouvelle dénomination d'ERDF, a communiqué au CoRDiS et à la société Parc Eolien de Lislet 2 un projet de nouvelles conditions générales du contrat d'accès au réseau public de distribution pour une installation de production raccordée en haute tension A - HTA (CARD-I) le 12 juillet 2016. Par une décision du 11 juin 2018, le CoRDiS a estimé que la société Enedis ne s'était pas pleinement conformée à sa décision du 25 novembre 2015 et a prononcé, sur le fondement de l'article L. 134-28 du code de l'énergie, une sanction pécuniaire de 3 millions d'euros à l'encontre de la société Enedis et ordonné la publication de sa décision. La société Enedis demande l'annulation de cette décision.

Sur la régularité de la saisine du Comité :

3. Aux termes de l'article L. 134-25 du code de l'énergie : " Le comité de règlement des différends et des sanctions peut soit d'office, soit à la demande du ministre chargé de l'énergie, de l'environnement, du président de la Commission de régulation de l'énergie, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou de toute autre personne concernée, sanctionner les manquements mentionnés aux titres Ier et II du présent livre et aux livres III et IV qu'il constate de la part des gestionnaires de réseaux publics (...) de distribution d'électricité (...) dans les conditions fixées aux articles suivants ". L'article L. 134-27 de ce code prévoit que le Comité peut prononcer l'une des sanctions qu'il énumère à l'encontre de l'auteur d'un tel manquement après l'envoi d'une notification des griefs à l'intéressé. L'article L. 134-28 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit par ailleurs que : " Les sanctions énumérées à l'article L. 134-27 sont également encourues lorsque le gestionnaire (...) d'un réseau (...) d'électricité (...) ne s'est pas conformé dans les délais requis à une décision prise par le comité en application des articles L. 134-20 et L. 134-22, sans qu'il y ait lieu de le mettre préalablement en demeure ". Ces dispositions permettent au Comité de prononcer une sanction à l'encontre d'un opérateur qui ne s'est pas conformé dans les délais requis à une décision de règlement des différends prise en application de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, notamment lorsqu'un tel manquement est porté à sa connaissance par l'autre partie au différend.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 26 juillet 2016, la société Parc Eolien Lislet 2 a saisi le Comité d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis d'exécuter la décision de règlement des différends prise le 25 novembre 2015. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en ouvrant une procédure d'instruction en vue d'une sanction sur le fondement de cette demande, le Comité ne s'est pas irrégulièrement saisi des manquements en litige.

Sur le respect du délai imparti par la décision du 25 novembre 2015 :

5. La décision du 25 novembre 2015 imposait seulement à la société Enedis de proposer un nouveau contrat d'accès au réseau à la société Parc Eolien de Lislet 2 dans un délai de six mois à compter de sa notification, soit au plus tard le 12 juillet 2016, et de communiquer un projet de contrat au CoRDiS dans le même délai. Cette décision n'imposait pas que les nouvelles stipulations contractuelles soient applicables à cette date, alors que leur mise en oeuvre était subordonnée à l'accord de la société Parc Eolien de Lislet 2. Elle n'interdisait pas, par ailleurs, à la société Enedis de prévoir un délai raisonnable avant l'entrée en vigueur des nouvelles conditions générales du contrat CARD-I, applicables à l'ensemble des producteurs injectant de l'électricité sur le réseau HTA.

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en fixant au 1er août 2016 la date d'application des nouvelles conditions générales du contrat CARD-I, transmises à la société Parc Eolien de Lislet 2 et au CoRDiS le 12 juillet 2016, soit dans le délai imparti par la décision du 25 novembre 2015, la société Enedis n'a, contrairement à ce qu'a estimé le CoRDiS, pas méconnu les obligations qui lui étaient imposées par cette décision.

7. En deuxième lieu, l'annexe aux nouvelles conditions générales du contrat CARD-I fixe, à titre d'obligations de résultat, des durées maximales d'indisponibilité du réseau que la société Enedis s'engage à ne pas dépasser selon la nature des travaux concernés, définies par périodes débutant le 1er janvier 2017. S'il résulte de ces stipulations que les engagements ainsi consentis n'étaient applicables qu'à compter du 1er janvier 2017, ce court report, justifié par la volonté d'aligner la date d'entrée en vigueur de ces engagements sur celle des engagements triennaux pris par la société Réseau de transport d'électricité (RTE) relatifs aux indisponibilités consécutives à des interventions sur le réseau de transport d'électricité, ne constitue pas un manquement à l'obligation mise à la charge de la société Enedis de transmettre un nouveau projet de contrat CARD-I dans le délai de six mois qui lui était imparti.

8. En revanche, cet objectif d'alignement sur les engagements triennaux pris par la société RTE ne faisait pas obstacle à ce que soient comptabilisées, dès l'entrée en vigueur des nouvelles stipulations contractuelles, soit au 1er août 2016, les indisponibilités figurant dans le bilan à communiquer aux producteurs. En reportant cette comptabilisation au 1er janvier 2017, la société Enedis ne s'est pas conformée dans le délai requis à une obligation prescrite par la décision du 25 novembre 2015.

9. En troisième lieu, la circonstance que les modalités d'estimation du préjudice subi par un producteur du fait d'une indisponibilité du réseau aient été définies dans une note de la documentation technique de référence de la société Enedis qui n'a été publiée qu'au cours de l'année 2017 ne permet pas de caractériser un manquement de la société Enedis à son obligation de se conformer à la décision du 25 novembre 2015 dans le délai prévu par celle-ci.

10. Par suite, le CoRDiS a inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant que la société Enedis n'avait pas respecté le délai qui lui était imparti par la décision du 25 novembre 2015 pour se conformer à celle-ci, sauf en ce qui concerne la mise à disposition d'un bilan comptabilisant les indisponibilités.

Sur l'obligation d'assurer une totale transparence dans l'application des régimes de responsabilité en cas d'interruption du réseau :

11. En premier lieu, l'article 3 de la décision du 25 novembre 2015, cité au point 1, qui impose à la société Enedis d'établir un nouveau contrat CARD-I assurant une totale transparence dans l'application des régimes de responsabilité en cas d'interruption du réseau, n'impliquait pas uniquement qu'elle engage, en ce sens, une concertation avec les producteurs d'électricité mais qu'un nouveau contrat répondant à ces exigences soit élaboré à l'issue de celle-ci. Par ailleurs, les mérites du moyen tiré de ce que la décision du 25 novembre 2015, devenue définitive, n'énoncerait pas précisément la nature et l'étendue des modifications contractuelles attendues de la société Enedis et porterait ainsi atteinte au principe de légalité des délits et des peines ne sauraient être appréciés utilement qu'à l'occasion de l'examen critique des motifs de la décision attaquée relatifs aux manquements retenus par le CoRDiS pour justifier les sanctions prononcées.

12. En deuxième lieu, il résulte du report d'application au 1er janvier 2017 des clauses relatives aux durées maximales d'indisponibilité du réseau, à leur comptabilisation et à l'information des producteurs, analysé aux points 7 et 8, que, pour les producteurs souscrivant avant cette date un nouveau contrat CARD-I, les conditions d'engagement de la responsabilité de la société Enedis n'étaient pas contractuellement définies pour la période comprise entre le 1er août et le 31 décembre 2016. Par suite, le Comité n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant un manquement de la société Enedis à son obligation de transparence sur ce point.

13. En troisième lieu, le deuxième alinéa de l'article 5.1.2.1 des nouvelles conditions générales du contrat CARD I prévoit que " l'exécution des travaux de maintenance et de renouvellement (...) définis dans l'Annexe des Conditions Générales " doit faire l'objet d'un " échange systématique entre Enedis et le producteur ". Le CoRDiS a relevé que cette stipulation ne vise pas les travaux liés au développement du réseau alors que le titre du chapitre 5 des conditions générales mentionne également ce type de travaux. Il ressort toutefois tant de l'économie générale du chapitre 5, qui concerne l'ensemble des travaux à l'exécution desquels la société Enedis est tenue en vertu de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, que du renvoi à l'annexe des conditions générales du contrat, laquelle vise l'ensemble des travaux entraînant une indisponibilité du réseau, que les obligations d'échange prévus par l'article 5.1.2.1 s'appliquent également aux travaux liés au développement du réseau de distribution. Par suite, le CoRDiS s'est fondé sur une interprétation inexacte de ces clauses en retenant que la société Enedis avait manqué à ses obligations sur ce point.

14. En quatrième lieu, indépendamment de la réparation susceptible d'être accordée au producteur en cas de dépassement des durées maximales d'indisponibilité du réseau que la société Enedis s'engage à ne pas dépasser en vertu de l'article 5.1.1 des conditions générales, les articles 5.1.2.1.3 et 5.1.3.1 prévoient que la planification ou le report tardif de travaux ou le dépassement de plus de 24 heures de la durée d'indisponibilité notifiée au producteur font l'objet d'une indemnisation financière du producteur. Par ailleurs, l'article 5.1.3 des nouvelles conditions générales précise les modalités de comptabilisation des indisponibilités du réseau pour lesquelles la société Enedis est tenue à une obligation de résultat, lesquelles doivent faire l'objet d'un bilan mis à la disposition du producteur. Le paragraphe 5.1.3.2 de cet article, intitulé " Modalités particulières de décompte ", précise que dans les hypothèses visées aux articles 5.1.2.1.3 et 5.1.3.1, l'indisponibilité n'est pas comptabilisée pour vérifier le respect des engagements visés à l'article 5.1.1 des conditions générales. Il résulte de ces stipulations, dont l'objet est d'éviter qu'une même indisponibilité ne fasse l'objet d'une double indemnisation par la société Enedis, que les indisponibilités faisant l'objet d'une indemnisation immédiate du producteur sont comptabilisées séparément de celles dont l'indemnisation est subordonnée au dépassement de durées maximales d'indisponibilité dont le respect est apprécié au titre d'une période pluriannuelle. Par suite, le CoRDiS s'est fondé sur une interprétation inexacte de ces clauses en retenant que les nouvelles conditions générales ne prévoyaient pas la comptabilisation de l'ensemble des indisponibilités faisant l'objet d'une indemnisation par Enedis au titre de ses obligations de résultat, ni leur mention dans le bilan communiqué aux producteurs.

15. En cinquième lieu, l'article 5.1.3.3 des nouvelles conditions générales du contrat CARD-I prévoit que la société Enedis met à disposition des fournisseurs, à compter du 1er janvier 2019, un bilan des indisponibilités du réseau pour lesquelles elle s'est engagée à une obligation de résultat. Cette clause ne précise pas la fréquence à laquelle ce bilan est communiqué aux producteurs. Par ailleurs, elle ne prévoit pas la communication aux producteurs de la comptabilisation des indisponibilités du réseau mentionnées à l'article 5.2 des conditions générales, concernant les coupures à l'initiative d'une autorité externe ou provoquées par le raccordement de nouvelles installations de production, pour lesquelles la société Enedis est uniquement tenue à une obligation de moyens. De telles indisponibilités étant susceptibles d'engager la responsabilité de la société d'Enedis pour faute ou pour négligence, leur comptabilisation et l'information des producteurs est nécessaire afin que ces derniers puissent, le cas échéant, réclamer une indemnisation à ce titre. Par suite, le Comité n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant un manquement de la société Enedis à son obligation de transparence sur ce point.

16. En sixième lieu, l'article 5.1.4 des nouvelles conditions générales du contrat CARD-I prévoit que les engagements relatifs aux durées maximales d'indisponibilité du réseau feront l'objet d'une révision en 2022 au sein de l'instance de concertation mise en place par la Commission de régulation de l'énergie. Il précise, d'une part, que la société Enedis s'engage à ce que le volume global d'indisponibilité programmée à raison de ses propres travaux n'augmente pas à l'avenir, sauf en cas d'évolution des circonstances économiques, légales ou réglementaires venant affecter l'économie générale des engagements visés à l'article 5.1.1 et, d'autre part, qu'en l'absence de publication d'une nouvelle annexe définissant les durées maximales d'indisponibilité à compter du 1er janvier 2023, la société Enedis s'engage à faire ses meilleurs efforts pour limiter la gêne au niveau des durées maximales applicables à la période précédente. Compte tenu de la durée indéterminée d'application des nouvelles conditions générales du contrat CARD-I, la société Enedis pouvait, sans manquer à ses obligations de transparence, prévoir une clause de révision des engagements après une période d'exécution du contrat de six ans. Par ailleurs, si l'absence de publication d'une nouvelle annexe aux conditions générales avant le 1er janvier 2023 aurait pour effet de mettre fin aux obligations de résultat auxquelles s'est engagée la société Enedis au titre de la période précédente, cette circonstance qui n'était, à la date de la décision attaquée, qu'une simple éventualité, n'est pas constitutive d'un manquement de cette société à ces obligations. Par suite, le CoRDiS a inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant un manquement de la société Enedis sur ce point.

17. En septième lieu, l'article 10.1 des nouvelles conditions générales définit les régimes de responsabilité applicables aux parties dans le cadre de l'exécution du contrat CARD-I. Son article 10.1.1 définit un régime de responsabilité spécifique des parties en cas de méconnaissance des clauses relatives à la disponibilité, la continuité et la qualité de l'accès au réseau en cas de travaux et d'incidents. Son article 10.1.2, intitulé " responsabilité des parties en cas de mauvaise exécution ou de non-exécution des clauses du contrat, hormis celles relatives à la qualité et la continuité " stipule que " sauf dans les cas visés à l'article 10.1.1 (...), chaque partie est responsable à l'égard de l'autre dans les conditions de droit commun en cas de mauvaise exécution ou de non-exécution de ses obligations contractuelles ". L'articulation des régimes de responsabilité prévus par ces deux articles est, contrairement à ce qu'a retenu le CoRDiS, dépourvue de toute ambiguïté. Par suite, le CoRDiS s'est fondé sur une interprétation inexacte de ces clauses en relevant que la société Enedis avait manqué à son obligation de transparence sur ce point.

18. En dernier lieu, un tableau annexé aux nouvelles conditions générales définit les durées maximales d'indisponibilité du réseau que la société Enedis s'engage à ne pas dépasser au cours de périodes pluriannuelles. La première ligne de ce tableau concerne les indisponibilités consécutives à une intervention de la société RTE, la deuxième ligne concerne les indisponibilités liées aux interventions de la société Enedis pour renouvellement, renforcement ou extension d'ouvrage d'un poste source et la troisième ligne concerne toutes les autres indisponibilités pour travaux. Le CoRDiS a estimé que les travaux relevant de la deuxième ligne ne pouvaient être aisément distingués de ceux relevant de la troisième ligne, s'agissant notamment des travaux de maintenance lourde ou de modernisation. Toutefois, les travaux de renouvellement, de renforcement ou d'extension d'ouvrage, qui visent les travaux ayant pour objet la création de nouveaux ouvrages et le remplacement ou l'ajout de nouvelles capacités pour les ouvrages existants, se distinguent suffisamment clairement, par leur nature et leur importance, des travaux de maintenance, qui supposent le maintien d'un même ouvrage. Par suite, le CoRDiS a inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant un manquement de la société Enedis à ses obligations de transparence sur le point en litige.

Sur les sanctions prononcées :

En ce qui concerne la sanction pécuniaire :

19. Le Comité ne pouvait légalement fonder sa décision sur les faits analysés aux points 6, 7, 9, 13, 14 et 16 à 18. En revanche, l'absence de respect par la société Enedis du délai imparti par la décision du 25 novembre 2015 pour se conformer à ses obligations en ce qui concerne la mise à disposition d'un bilan comptabilisant les indisponibilités, tel qu'analysé au point 8, ainsi que les manquements aux obligations de transparence analysés aux points 12 et 15 sont de nature à justifier légalement le prononcé d'une sanction administrative. Il appartient au juge administratif, eu égard à son office de juge de plein contentieux, de réexaminer en conséquence la sanction prononcée à l'encontre de la société Enedis au regard des seuls manquements de nature à justifier légalement le prononcé de cette sanction.

20. L'article L. 134-27 du code de l'énergie prévoit que le montant de la sanction pécuniaire que peut prononcer le Comité est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés.

21. En premier lieu, le non-respect des obligations mises à la charge d'un opérateur en vertu d'une décision prise par le Comité en application des articles L. 134-20 et L. 134-22 du code de l'énergie constitue, en principe, un manquement grave, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que le différend ayant donné lieu au prononcé de cette décision soit de nature contractuelle. En outre, en ce qui concerne le bilan des indisponibilités, si l'absence de mention de la fréquence de mise à disposition relevée au point 15 relève d'une simple imprécision des clauses du contrat que la société Enedis s'est spontanément engagée à modifier et si le caractère incomplet de la comptabilisation des indisponibilités relevée au même point ne concernait pas celles pour lesquelles elle s'était engagée à une obligation de résultat, il y a lieu de tenir compte, au titre de ce manquement et de celui qui a été relevé au point 8, de l'importance que revêt le bilan des indisponibilités pour assurer l'information des producteurs en matière de continuité d'accès et leur permettre d'obtenir une indemnisation en cas de coupures fautives.

22. En deuxième lieu, s'agissant de la situation de l'auteur du manquement, doivent être pris en compte, ainsi que l'a fait le Comité, la taille et les moyens importants de la société Enedis, l'exclusivité dont elle dispose pour son activité de gestion de réseaux publics de distribution d'électricité dans sa zone de desserte ainsi que la responsabilité particulière qui pèse sur elle à raison des missions de service public qui lui sont confiées par le code de l'énergie en matière de distribution d'électricité.

23. En troisième lieu, compte tenu de la nature des obligations imposées à la société Enedis, principal gestionnaire des réseaux publics de distribution d'électricité, par la décision du 25 novembre 2015, portant sur le contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA applicable à l'ensemble des opérateurs, l'ampleur du dommage s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement des réseaux et aux dommages subis, le cas échéant, tant par ses utilisateurs que par d'autres acteurs économiques et par les consommateurs finals. Le retard de plus de six mois apporté à l'exécution de cette décision en ce qui concerne la comptabilisation des indisponibilités ainsi que le caractère incomplet des informations transmises aux producteurs étaient de nature à rendre plus difficile l'engagement de la responsabilité du gestionnaire du réseau de distribution à raison des indisponibilités empêchant l'injection de l'électricité produite. Ces manquements ont affecté tant les installations de production déjà raccordées au réseau HTA au 1er août 2016, dont les exploitants disposaient de la faculté de souscrire les nouvelles conditions générales du contrat CARD-I, que les installations raccordées après cette date, qui représentaient, à la date de la décision contestée, 210 nouveaux contrats, pour une puissance totale de 2350 MW et un chiffre d'affaires d'environ 450 millions d'euros.

24. En quatrième lieu, les manquements en cause étaient de nature à permettre à la société Enedis de tirer un avantage correspondant à la moindre mise en cause de sa responsabilité à raison des indisponibilités du réseau dont elle était à l'origine.

25. Il y a lieu, compte tenu des éléments qui précèdent, de ramener la sanction pécuniaire prononcée par le Comité à un montant de 500 000 euros.

En ce qui concerne la publication de la décision :

26. L'article L. 134-34 du code de l'énergie, de même que son article R. 134-6, prévoient que les décisions de sanction prononcées par le Comité de règlement des différends et des sanctions " peuvent être publiées au Journal officiel de la République française ". Dès lors que le Comité avait, en application de ces dispositions, ordonné la publication de la décision attaquée au Journal officiel, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que le Comité aurait, en ordonnant, en outre, sa publication sur le site internet de la Commission de régulation de l'énergie, méconnu le principe de légalité des délits et des peines qui impose que les sanctions prononcées par une autorité administrative soient prévues et énumérées par un texte.

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Enedis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La sanction pécuniaire prise le 18 juin 2018 par le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie est ramenée à la somme de 500 000 euros.

Article 2 : L'article 1er de la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 18 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Article 4 : L'Etat versera à la société Enedis une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la société Enedis est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Enedis et à la Commission de régulation de l'énergie.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 422616
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2021, n° 422616
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:422616.20210618
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