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04/08/2021 | FRANCE | N°431287

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04 août 2021, 431287


Vu la procédure suivante :

La société Le Cro Magnon a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née le 26 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de procéder à l'acquisition amiable du terrain de camping qu'elle possède et exploite à Allas-les-Mines et, à défaut, d'engager la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement, d'autre part d'enjoindre au préfet de la Dordogne de mettre en œuvre une procédure de rachat de

son bien, soit à l'amiable, soit par la voie de l'expropriation. Par un j...

Vu la procédure suivante :

La société Le Cro Magnon a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née le 26 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de procéder à l'acquisition amiable du terrain de camping qu'elle possède et exploite à Allas-les-Mines et, à défaut, d'engager la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement, d'autre part d'enjoindre au préfet de la Dordogne de mettre en œuvre une procédure de rachat de son bien, soit à l'amiable, soit par la voie de l'expropriation. Par un jugement n° 1504345 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17BX00409 du 2 avril 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Le Cro Magnon contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin et 2 septembre 2019 et le 9 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Cro Magnon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société Le Cro Magnon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Cro Magnon est propriétaire d'un terrain situé à Allas-les-Mines (Dordogne) sur lequel elle exploite un camping, et qui est exposé à un risque prévisible d'effondrement et d'affaissement de terrain dû à une cavité souterraine. Le 23 juillet 2013, la sous-préfète de Sarlat a informé la société Le Cro Magnon que, dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques de mouvements de terrain de la commune d'Allas-les-Mines, il était envisagé l'acquisition amiable du terrain lui appartenant, situé en zone d'aléa fort, et a sollicité son avis sur l'estimation établie par France Domaines. Le 3 août 2013, la société Le Cro Magnon a donné son accord à ce projet d'acquisition amiable au prix proposé par France Domaines. Par arrêté du 7 juillet 2014, le maire d'Allas-les-Mines a fermé le camping Le Cro Magon du 7 juillet au 30 septembre 2014. La société Le Cro Magnon a demandé à la sous-préfète de Sarlat de procéder à l'acquisition amiable du terrain de camping dont elle est propriétaire et qu'elle exploite et, à défaut, d'engager la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur prévue à l'article L. 561-1 du code de l'environnement. Une décision implicite de rejet est née le 26 juillet 2015, dont la société Le Cro Magnon a demandé l'annulation. Par un jugement du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande. Par un arrêt du 2 avril 2019, contre lequel la société Le Cro Magnon se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel a rejeté sa requête d'appel.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'environnement : " Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l'État peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-3 du même code : " I. - Le fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargé de financer, dans la limite de ses ressources, les indemnités allouées en vertu des dispositions de l'article L. 561-1 ainsi que les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future. En outre, il finance, dans les mêmes limites, les dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées. (...) Les mesures de prévention susceptibles de faire l'objet de ce financement sont :/ 1° L'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'Etat d'un bien exposé à un risque prévisible de mouvements de terrain ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide, de submersion marine menaçant gravement des vies humaines ainsi que les mesures nécessaires pour en limiter l'accès et en empêcher toute occupation, sous réserve que le prix de l'acquisition amiable s'avère moins coûteux que les moyens de sauvegarde et de protection des populations (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ". Enfin, aux termes de l'article L. 2215-1 de ce code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : (...) / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que, même en présence d'un des risques prévisibles énumérés aux articles L. 561-1 et L. 561-3 du code de l'environnement et menaçant gravement des vies humaines, l'autorité administrative n'est pas tenue de mettre en œuvre les procédures d'expropriation ou d'acquisition amiable prévues par ces articles, notamment lorsqu'une mesure de police administrative est suffisante pour permettre de protéger la population ou éviter son exposition au risque.

5. L'application des dispositions relatives à la police municipale citées au point 3 n'excluent pas que l'exploitant d'une installation dont la fermeture a été ordonnée sur leur fondement pour prévenir les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, soit fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial.

6. Il résulte de ce qui est dit au point 4 qu'en jugeant que le refus de faire application des articles L. 561-1 et L. 561-3 du code de l'environnement n'était pas illégal dès lors que le risque d'effondrement et d'affaissement du terrain dû à une cavité souterraine et menaçant gravement les vies humaines pouvait être évité par des mesures de police de fermeture temporaire ou définitive du camping, que l'autorité administrative pouvait légalement prendre sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit. En estimant que les mesures de police étaient en l'espèce suffisantes pour assurer la prévention du dommage, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Enfin, en faisant référence à un arrêté du 3 février 2016 du préfet de la Dordogne fermant définitivement le camping au public, postérieur à la décision attaquée, la cour, qui ne s'est pas fondée sur cette décision, n'a en tout état de cause pas commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Le Cro Magnon n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Le Cro Magnon est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Le Cro Magnon et à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 431287
Date de la décision : 04/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2021, n° 431287
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:431287.20210804
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