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16/12/2021 | FRANCE | N°444612

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 16 décembre 2021, 444612


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios I a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2018 du maire de Sète autorisant la société par action simplifiée (SAS) Icade Promotion à construire un immeuble comprenant 45 logements collectifs ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902155 du 15 juillet 2020, le tribunal a admis l'intervention de la société en nom collectif (SNC) IP1R, annulé l'arrêté du 14 septembre 20

18 et la décision de rejet du recours gracieux.

Par un pourvoi sommaire et un...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios I a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2018 du maire de Sète autorisant la société par action simplifiée (SAS) Icade Promotion à construire un immeuble comprenant 45 logements collectifs ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902155 du 15 juillet 2020, le tribunal a admis l'intervention de la société en nom collectif (SNC) IP1R, annulé l'arrêté du 14 septembre 2018 et la décision de rejet du recours gracieux.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre et 16 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Icade Promotion et la société IP1R demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios 1 la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Icade Promotion et la société IP1R et à la SCP Gaschignard, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence helios 1 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 14 septembre 2018, le maire de Sète a accordé à la société Icade Promotion un permis de construire en vue de la réalisation, après démolition du hangar existant, d'un immeuble d'habitation comportant 45 logements collectifs pour une surface de plancher totale de 2 491m², sur des parcelles cadastrées situées en zone 1 du quartier protégé par l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) et en zone 1UB2 du plan local d'urbanisme de la commune de Sète. Par arrêté du 2 octobre 2018, le maire de Sète a autorisé la société Icade à démolir le hangar présent sur le site. Par arrêté du 7 juin 2019, le maire de Sète a, sur demande de la société en nom collectif (SNC) IP1R, en accord avec la société Icade Promotion, transféré à la société IP1R le permis de construire délivré le 14 septembre 2018. Par un jugement du 15 juillet 2020 contre lequel la société Icade Promotion et la société IP1R se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir relevé plusieurs vices de légalité et estimé qu'ils n'étaient pas régularisables, a annulé l'arrêté du maire de Sète du 14 septembre 2018.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ; c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant :/ 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ;/ 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet :/ a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ;/ b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ;/ c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ;/ d) Les matériaux et les couleurs des constructions ;/ e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ;/ f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-14 de ce code : " Lorsque le projet porte sur des travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4 ou sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, sur un immeuble situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, la notice mentionnée à l'article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. ". Il résulte, d'autre part, du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine couvrant le secteur dans lequel se situe le projet que " (...) Toute intervention de réhabilitation, transformation, démolition, sur les édifices figurant sur le plan de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine avec la légende appropriée : hangar, entrepôt ou chais s'accompagne d'une justification urbaine et architecturale explicitant programme et projet. (...)".

3. Pour juger que le dossier de permis de construire était incomplet et n'avait pas mis en mesure le service instructeur d'examiner la conformité de la demande au regard de la réglementation applicable, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que ce dossier ne comprenait pas d'éléments faisant état de la justification urbaine et architecturale explicitant le projet, au sens des dispositions du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine de Sète relatives aux chais et hangars, dont le tribunal a jugé qu'elles avaient pour objet de préciser les dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme. Toutefois, il résulte des dispositions de ce règlement, citées au point 2, que si toute intervention de démolition de chais ou hangars situés dans ce périmètre protégé doit être accompagnée d'une telle justification urbaine et architecturale explicitant le programme et le projet, de tels documents ne sont pas exigés pour les demandes de permis de construire. Il s'ensuit qu'en faisant application de ces dispositions dans le cadre d'une demande de permis de construire, dont la composition du dossier est limitativement énumérée à l'article R. 431-4 précité, et alors qu'il résulte de ses propres constatations qu'une demande de permis de démolir a par ailleurs été déposée, le tribunal a commis une erreur de droit.

4. En deuxième lieu, selon l'article 1UB11 du règlement du plan local d'urbanisme de Sète, sont interdits au titre des matériaux de la façade et des traitements de matériaux : " - l'emploi à nu de matériaux destinés à recevoir un parement (...) les enduits non traditionnels de toutes sortes / - les bardages de quelque nature que ce soit / - les matériaux brillants ou réfléchissants ". Il résulte du dossier soumis aux juges du fond que le projet de construction sera recouvert de panneaux de claire-voie en bois composite, recouvrant la quasi-totalité d'une façade du bâtiment. Le tribunal administratif a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimer que de tels éléments d'habillage constituent un bardage au sens des dispositions de l'article 1UB11 et étaient dès lors interdits.

5. En troisième lieu, il résulte également de l'article 1UB11 que " les étages en retrait ne sont pas autorisés ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la façade des étages supérieurs au-delà du premier étage, balcons ou loggias compris, est projetée en léger retrait de la voie. Il s'ensuit que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal a commis une erreur de droit ou dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le projet méconnaissait l'interdiction d'ériger des étages en retrait.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, applicable au litige : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

7. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

8. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de sursis en vue de régulariser le projet, le tribunal a jugé que l'importance des vices qui affectent le projet, s'agissant tant de l'instruction que de sa conception, s'opposait à ce qu'il soit fait application des dispositions des articles L. 600-5-1 et L. 600-5 du code de l'urbanisme. Toutefois, d'une part, comme il a été dit au point 3, le vice tiré de l'incomplétude du dossier n'est pas fondé et, d'autre part, les modifications à apporter au projet pour régulariser les vices mentionnés aux points 4 et 5 résultant de la méconnaissance des dispositions de l'article 1UB11 n'impliquent pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Les sociétés requérantes sont par suite fondées à soutenir qu'en rejetant leur demande de sursis en vue d'une régularisation de leur projet de construction, le tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce.

9. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Icade Promotion et la société IP1R sont fondées à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios 1 une somme de 1 500 euros à verser à la société Icade promotion d'une part et à la société IP1R d'autre part.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.

Article 3 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios I versera une somme respective de 1 500 euros à la société Icade Promotion et à la société IP1R.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SAS Icade Promotion, à la SNC IP1R, et au syndicat des copropriétaires de la résidence Hélios I.

Copie pour information en sera adressée à la commune de Sète.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 16 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Damien Botteghi

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 444612
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2021, n° 444612
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:444612.20211216
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