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24/03/2022 | FRANCE | N°449447

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 24 mars 2022, 449447


Vu la procédure suivante :

Par un jugement nos 1821274, 1904272, 1915048 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, les conclusions de la requête de M. A... C....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 21 novembre 2018, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision 16 novembre 2018 par laquelle le préfet de police lui a refusé l'accès aux donné

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Vu la procédure suivante :

Par un jugement nos 1821274, 1904272, 1915048 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, les conclusions de la requête de M. A... C....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 21 novembre 2018, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision 16 novembre 2018 par laquelle le préfet de police lui a refusé l'accès aux données le concernant contenues dans les fichiers du renseignement territorial ;

''''d'annuler les techniques de renseignement utilisées à son encontre ;

''''d'indiquer les raisons officielles pour lesquelles il est suivi, surveillé et espionné par les services de renseignements sous huitaine avec une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

''''d'indiquer pourquoi et depuis quand il figure dans les fichiers du renseignement territorial sous huitaine avec une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

'''''d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les données le concernant qui figurent dans les fichiers du renseignement territorial sous huitaine avec une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

''''d'effacer les données le concernant de tous les fichiers de renseignement, de police et de gendarmerie où il figure sous huitaine avec une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

'''''de condamner l'Etat à l'indemniser pour être fiché abusivement et de manière non motivée dans le fichier du renseignement territorial ;

''''de condamner l'Etat à l'indemniser pour l'avoir diffamé ;

''''d'ordonner au préfet de police de lui communiquer une copie de l'intégralité de son dossier de renseignement sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

10°) 'de procéder à l'effacement des données le concernant dans les fichiers du renseignement territorial, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

'''''de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 180 euros correspondant à des contraventions dont il a fait l'objet en raison de son fichage abusif ;

12°)'de condamner l'Etat à l'indemniser des dégâts occasionnés par la pose d'une balise de géolocalisation à l'insu de son plein gré sur son scooter ;

13°) de condamner l'Etat à l'indemniser pour les violations de sa vie privée ;

14°) 'de condamner l'Etat à l'indemniser pour le harcèlement et les persécutions qu'il subit depuis plusieurs années ;

15°)'de condamner l'Etat à l'indemniser pour les actes d'intimidation qu'il a subis ;

'''''de condamner l'Etat à réparer son préjudice matériel, son préjudice d'angoisse et son préjudice moral ;

'''''de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la déclaration universelle des droits de l'homme :

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018 et l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le décret n° 2018-687 du 1er août 2018 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. C... et maître Haas, son avocat et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Thomas Andrieu, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat qui sont contenues dans traitements mis en œuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements ceux figurant aux articles R. 236-1, R. 236-11 et R. 236-21 du code de la sécurité intérieure, pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 3 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 16 novembre 2018, le préfet de police a refusé à M. C... l'accès qu'il demandait aux données le concernant contenues dans les fichiers du renseignement territorial. M. C... demande devant le Conseil d'Etat l'annulation de cette décision et d'enjoindre à ce ministre de faire droit à sa demande de communication des données le concernant figurant dans ces fichiers, en tant qu'elles sont relatives à la sûreté de l'Etat.

5. La circonstance que la décision de refus attaquée aurait été prise par une autorité incompétente ou ne serait pas suffisamment motivée ne peut être utilement soulevée à l'appui de la contestation de la légalité d'une décision du ministre de l'intérieur refusant l'accès aux informations contenues le cas échéant dans un traitement de données mentionné à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure.

6. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé.

7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui n'ont révélé aucune illégalité, et notamment aucune violation de l'article 9 du code civil ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, des stipulations de l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ou de l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme, que les conclusions de M. C..., y compris ses conclusions à fin d'injonction, d'indemnisation et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au tribunal administratif de Paris et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 24 mars 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le secrétaire :

Signé : M. B... D...


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 449447
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mar. 2022, n° 449447
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Andrieu
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois De Sarigny
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449447.20220324
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