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28/04/2022 | FRANCE | N°462093

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 28 avril 2022, 462093


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe intitulé " Allongement de trois à six ans du délai de prescription en matière de fraude fiscale " de la circulaire de la garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre des finances et des comptes publics du 22 mai 2014

relative à la fraude fiscale ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe intitulé " Allongement de trois à six ans du délai de prescription en matière de fraude fiscale " de la circulaire de la garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre des finances et des comptes publics du 22 mai 2014 relative à la fraude fiscale ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance de procéder à cette abrogation dans un délai de deux mois à compter de sa décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe intitulé " Allongement de trois à six ans du délai de prescription en matière de fraude fiscale " de la circulaire de la garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre des finances et des comptes publics du 22 mai 2014 relative à la fraude fiscale.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Le premier alinéa de l'article 1741 du code général des impôts prévoit que le fait de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts, notamment par la dissimulation volontaire d'une part des sommes sujettes à l'impôt, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'une amende et d'une peine d'emprisonnement. Aux termes du dernier alinéa de ce même article : " Les poursuites sont engagées dans les conditions prévues aux articles L. 229 à L. 231 du livre des procédures fiscales ". Aux termes de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 53 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière : " Les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise. (...) / La prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis ".

3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation, que la prescription du délit de fraude fiscale prévue par l'article 1741 du code général des impôts n'est acquise qu'à l'expiration du délai imparti par l'article L. 230 du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale pour déposer plainte.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. M. B... soutient que le premier alinéa de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, dans sa version issue de l'article 53 de la loi du 6 décembre 2013, porte atteinte au principe de nécessité des peines, protégé par l'article 8 de la Déclaration de 1789, à la garantie des droits, proclamée par l'article 16 de la même Déclaration, ainsi qu'aux principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique qui découlent de l'article 34 de la Constitution et des articles 4, 5, 6 et 16 de la même Déclaration, en ne précisant pas si le délai qu'il mentionne s'applique à la fois à la durée de la période au cours de laquelle l'administration fiscale peut déposer plainte pour fraude fiscale et à la prescription de l'action publique.

6. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, les règles fixées par le législateur aux articles 1741 du code général des impôts et L. 230 du livre des procédures fiscales sont dénuées de toute ambiguïté et prévoient que la prescription du délit de fraude fiscale mentionné à l'article 1741 du code général des impôts n'est acquise qu'à l'expiration du délai de six ans dont dispose l'administration fiscale pour déposer plainte.

7. Il en résulte que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.

Sur le recours pour excès de pouvoir :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en indiquant que l'allongement du délai de prescription de trois à six ans opéré par la loi du 6 décembre 2013 concerne non seulement le délai dans lequel l'administration doit déposer plainte mais aussi le délai de prescription de l'infraction de fraude fiscale, les énonciations contestées ne méconnaissent pas les dispositions de la loi qu'elles ont pour objet de commenter.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'économie, des finances et de la relance rejetant sa demande tendant à l'abrogation de ces énonciations. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 avril 2022 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 28 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Gariazzo

La secrétaire :

Signé : Mme D... C...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 462093
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2022, n° 462093
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462093.20220428
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