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13/07/2022 | FRANCE | N°437952

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 13 juillet 2022, 437952


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés a rejeté sa demande tendant à ce que les données susceptibles de le concerner dans les traitements de données à caractère personnel dénommés fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), CRISTINA, SIREX, DOREMI et BIOPEX, et dans le traitement a

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés a rejeté sa demande tendant à ce que les données susceptibles de le concerner dans les traitements de données à caractère personnel dénommés fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), CRISTINA, SIREX, DOREMI et BIOPEX, et dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), lui soient communiquées et soient rectifiées ou effacées ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données personnelles susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé CRISTINA et le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé FSPRT mis en œuvre par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ;

3°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'accès aux données personnelles susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) dénommé SIREX, dans les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction du renseignement militaire (DRM) dénommés DOREMI et BIOPEX et dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ;

4°) d'enjoindre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, au ministre de l'intérieur et à la ministre des armées de lui communiquer les informations le concernant et, à titre subsidiaire, de reprendre la procédure de vérification, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et à la ministre des armées de procéder à l'effacement des données le concernant dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. A... et son représentant, et d'autre part, le ministre de l'intérieur, le ministre des armées et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Anne Egerszegi, conseillère d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense qui sont contenues dans traitements mis en œuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements les traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés CRISTINA, FSPRT, SIREX, DOREMI, BIOPEX ainsi que le traitement automatisé système national d'information mis en œuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 3 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans les fichiers dénommés CRISTINA, FSPRT, SIREX, DOREMI, BIOPEX ainsi que dans le traitement automatisé système national d'information mis en œuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). M. A... demande l'annulation des refus implicite du ministre de l'intérieur et de la ministre des armées de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans ces fichiers, et d'ordonner à ces ministres de lui communiquer les données susceptibles de le concerner et de procéder à leur effacement.

5. Le ministre de l'intérieur, la ministre des armées et la CNIL ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par les ministres et la CNIL. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent et qui ne méconnaissent pas le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'aucune illégalité n'a été révélée ni au regard de la finalité du fichier en cause ni au regard des droits et libertés invoqués par M. A.... Il s'ensuit que les conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par M. A..., qui ne peut utilement invoquer le défaut de motivation de la décision qu'il conteste, doivent être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre des armées.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 13 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le secrétaire :

Signé : M. Valéry Cerandon-Merlot


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 437952
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2022, n° 437952
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:437952.20220713
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