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21/09/2022 | FRANCE | N°383070

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 septembre 2022, 383070


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 24 février 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé de prendre le décret d'application prévu au deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles et enjoint au Premier ministre de prendre ce décret, a prononcé une astreinte de cent euros par jour à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans les neuf mois suivant sa notification, avoir exécuté cette décision.

Par trois décisions des

31 mars 2017, 24 octobre 2018 et 21 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au ...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 24 février 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé de prendre le décret d'application prévu au deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles et enjoint au Premier ministre de prendre ce décret, a prononcé une astreinte de cent euros par jour à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans les neuf mois suivant sa notification, avoir exécuté cette décision.

Par trois décisions des 31 mars 2017, 24 octobre 2018 et 21 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte au titre respectivement de la période comprise entre le 2 décembre 2016 et le 24 mars 2017, puis de la période comprise entre le 25 mars 2017 et le 15 octobre 2018 et enfin de la période comprise entre le 16 octobre 2018 et le 6 mai 2021. Par sa décision du 21 mai 2021, il a également porté à 250 euros par jour de retard l'astreinte décidée à l'encontre de l'Etat par la décision du 24 février 2016.

La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 1er septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs concluent à ce qu'il soit procédé à une nouvelle liquidation de l'astreinte au bénéfice des requérants pour les trois quarts de la somme et à ce que la somme de

1 500 euros à verser à chaque requérant soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Fondation de France a présenté des observations, enregistrées le 6 septembre 2022.

La requête a été communiquée au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 ;

- le décret n° 2022-639 du 25 avril 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 février 2016, sur la demande de M. A... et de l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé de prendre le décret d'application prévu au deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, enjoint au Premier ministre de prendre ce décret dans le délai de neuf mois à compter de la notification de cette décision et prononcé une astreinte de cent euros par jour à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans ce délai, l'avoir exécutée. Cette astreinte a été portée à deux cent cinquante euros par jour de retard par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 21 mai 2021, à compter de cette date.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 du code de justice administrative, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'État. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.

3. La décision du Conseil d'Etat du 24 février 2016 a été notifiée au Premier ministre le 2 mars 2016. Par trois décisions des 31 mars 2017, 24 octobre 2018 et 21 mai 2021, le Conseil d'Etat a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par cette décision au titre des périodes comprises entre le 2 décembre 2016 et le 24 mars 2017 puis entre le 25 mars 2017 et le 15 octobre 2018 et enfin entre le 16 octobre 2018 et le 6 mai 2021. Le décret n°2022-639 du 25 avril 2022 relatif à l'amélioration des fonds départementaux de compensation du handicap a défini, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, modifié le 8 mars 2020 par le V de l'article 2 de la loi du 6 mars 2020 visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, les conditions selon lesquelles les aides financières mentionnées à l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles sont attribuées par le fonds départemental de compensation du handicap afin de permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais liés à la compensation des conséquences de leur handicap restant à leur charge. Ce décret a été publié au Journal officiel de la République française le 26 avril 2022. Ainsi, la décision du 24 février 2016 du Conseil d'Etat doit être regardée comme ayant été entièrement exécutée le 26 avril 2022. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du caractère tardif de l'exécution de la décision du 24 février 2016, la parution du décret d'application du deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles étant intervenue plus de cinq ans après l'expiration du délai prescrit par la décision du 24 février 2016 et plus de deux ans après la modification de cet article du code de l'action sociale et des familles intervenue en 2020 en vue de clarifier les dispositions législatives en cause, il y a lieu de procéder à la liquidation définitive de l'astreinte prononcée le 24 février 2016 et majorée le 21 mai 2021 au bénéfice de M. A..., de l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs et de la fondation MMA Solidarité, abritée par la Fondation de France, en faisant courir cette liquidation jusqu'au jour de cette exécution. Pour la période du 7 au 20 mai 2021, le montant définitif de l'astreinte au taux de cent euros par jour s'élève à mille quatre cents euros. Pour la période du 21 mai 2021 au 26 avril 2022 inclus, le montant définitif de l'astreinte au taux de deux cent cinquante euros par jour s'élève à quatre-vingt-cinq mille deux cent cinquante euros. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de répartir la somme totale de quatre-vingt-six mille six cent cinquante euros à raison de trois mille euros pour M. A..., vingt mille neuf cent douze euros pour l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs et soixante-deux mille sept cent trente-huit euros pour la fondation MMA Solidarité, abritée par la Fondation de France, pour le financement de son programme d'actions dédiées à la cause du handicap.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros à verser à M. A... et une somme de 500 euros à verser à l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, au titre des de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le montant définitif de l'astreinte que l'Etat est condamné à verser au titre de l'exécution tardive de la décision du 24 février 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux est fixé à 86 650 euros.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A..., 20 912 euros à l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs et 62 738 euros à la fondation MMA Solidarité, abritée par la Fondation de France.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... et à l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs une somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, à la Première ministre et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Copie en sera adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, à la Fondation de France et à la fondation MMA Solidarité.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 septembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Damien Pons

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 383070
Date de la décision : 21/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2022, n° 383070
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:383070.20220921
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