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21/09/2022 | FRANCE | N°455174

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 septembre 2022, 455174


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 décembre 2016 par lequel le maire du Monêtier-les-Bains lui a refusé la délivrance d'un permis de construire, valant division parcellaire, pour deux constructions à usage d'habitation, ainsi que le rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1703236 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19MA03629 du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit

à l'appel de M. A..., a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 21 déce...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 décembre 2016 par lequel le maire du Monêtier-les-Bains lui a refusé la délivrance d'un permis de construire, valant division parcellaire, pour deux constructions à usage d'habitation, ainsi que le rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1703236 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19MA03629 du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel de M. A..., a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 21 décembre 2016 et le rejet du recours gracieux de M. A... et a enjoint à la commune du Monêtier-les-Bains de délivrer un permis de construire à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 août et 28 octobre 2021 et le 22 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Monêtier-les-Bains demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la commune du Monêtier les-Bains et au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 décembre 2016, le maire du Monêtier-les-Bains a refusé de délivrer à M. A... un permis de construire, valant division parcellaire, pour la réalisation de deux constructions à usage d'habitation. Par un jugement du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux. Par un arrêt du 3 juin 2021, contre lequel la commune du Monêtier-les-Bains se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel de M. A..., a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 21 décembre 2016 et le rejet du recours gracieux de M. A... et a enjoint à la commune du Monêtier-les-Bains de délivrer un permis de construire à M. A... dans un délai de deux mois.

2. Saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle reposant sur plusieurs motifs dont l'un est erroné, le juge de cassation, à qui il n'appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi. Il en va cependant autrement, en principe, lorsque la décision juridictionnelle attaquée prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, dans la mesure où l'un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire alors à justifier son dispositif d'annulation. En pareille hypothèse - et sous réserve du cas où la décision qui lui est déférée aurait été rendue dans des conditions irrégulières - il appartient au juge de cassation, si l'un des moyens reconnus comme fondés par cette décision en justifie légalement le dispositif, de rejeter le pourvoi, après avoir, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, censuré celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés

3. Pour faire droit à l'appel de M. A... et annuler le jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille, l'arrêté du 21 décembre 2016 de refus de permis de construire et le rejet du recours gracieux de M. A..., la cour administrative d'appel de Marseille a jugé, d'une part, que l'arrêté du 21 décembre 2016 était entaché d'incompétence et, d'autre part, qu'aucun des motifs du refus opposé n'était fondé.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ". Il ressort de ces dispositions que la formalité de publicité qui conditionne l'entrée en vigueur des actes réglementaires du maire peut être soit la publication, soit l'affichage.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'arrêté du 21 décembre 2016 avait été pris par une autorité incompétente, la cour s'est fondée sur la circonstance qu'il n'était pas justifié par la commune du Monêtier-les-Bains, défendeur à l'instance, de la publication de l'arrêté du 23 juillet 2014, dont la cour avait estimé que l'affichage n'était pas établi, par lequel le maire avait donné délégation à M. C..., signataire de la décision attaquée. En accueillant le moyen d'incompétence soulevé par le requérant au motif, non que cet acte règlementaire n'avait pas été publié, mais seulement que la commune n'avait pas justifié en défense de cette publication, la cour administrative d'appel a méconnu son office et commis une erreur de droit.

6. En deuxième lieu, toutefois, l'article AU3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dispose : " conditions de desserte des terrains par des voies publiques ou privées et conditions d'accès aux voies ouvertes au public. 1.1 Tout terrain enclavé est inconstructible à moins que son propriétaire ne produise une servitude de passage suffisante, instituée sous-seing privé, par acte authentique ou par voie judiciaire en application de l'article 682 du code civil ".

7. En estimant, pour juger que le maire du Monêtier-les-Bains ne pouvait pas légalement refuser le permis de construire au motif que le terrain ne bénéficierait pas d'une desserte conforme aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, qu'il ressortait des pièces du dossier que le propriétaire du terrain d'assiette bénéficiait d'une servitude de passage conforme aux dispositions citées au point précédent, la cour, qui n'a relevé qu'à titre surabondant que le bénéfice de cette servitude de passage n'était pas contesté par la commune, qui n'en contestait que le caractère suffisant, a suffisamment motivé son arrêt quant au caractère suffisant de cette servitude, qu'elle n'a pas omis de rechercher, et porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, dans sa rédaction alors applicable : " 4. Revêtement bois - Une combinaison bois/maçonnerie sera harmonieusement répartie sur chacune des façades. Les chalets " tout bois " sont interdits ".

9. En estimant, pour juger que le maire du Monêtier-les-Bains ne pouvait pas légalement refuser le permis de construire en se fondant sur la méconnaissance de ces dispositions, que si le revêtement bois était prépondérant, la combinaison bois/maçonnerie était néanmoins harmonieusement répartie sur chacune des façades, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

11. Si la cour a jugé que le maire du Monêtier-les-Bains n'était pas fondé à refuser le permis de construire en raison de la méconnaissance de dispositions du " plan de prévention des risques d'inondation ", alors que les dispositions opposées par le maire étaient celles du " plan de prévention des risques naturels prévisibles ", il est constant qu'en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, les plans de prévention des risques naturels prévisibles s'appliquent notamment au risque d'inondation et que les dispositions opposées en l'espèce par le maire étaient relatives au risque de crue. Par suite, et alors qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt qu'elle a examiné le bien-fondé du refus de permis de construire au regard des règles du plan qui avaient été opposées à la demande, la cour ne s'est pas méprise sur les termes du litige. Si la commune soutient qu'elle a commis une erreur de droit en jugeant que ce plan prévoyait au niveau des voies d'accès pour les constructions et parties de constructions destinées au garage de véhicules une exception à la règle imposant que les ouvertures soient, en zone bleue, situées au moins à 30 centimètres au-dessus du terrain naturel, ce moyen, qui porte sur un motif surabondant de l'arrêt, est inopérant. En estimant qu'il ressortait du plan de coupe de la façade nord du lot B que l'entrée du garage était implantée à plus de 30 cm au-dessus du terrain naturel, la cour a souverainement apprécié les pièces du dossier qui lui était soumis, sans les dénaturer.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) "

13. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

14. Pour juger que le maire du Monêtier-les-Bains ne pouvait pas motiver le refus de permis de construire par le fait que le terrain n'était pas desservi par les réseaux publics d'électricité nécessaires au projet, que cette desserte requérait des travaux d'extension de ce réseau et que l'autorité compétente n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux devaient être exécutés, la cour a estimé que la desserte du projet en litige n'exigeait qu'un raccordement au réseau de distribution électrique et non une extension de celui-ci. Contrairement à ce que soutient la commune, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, qu'elle n'a pas fondé cette appréciation sur la seule distance à couvrir, mais a pris en considération, sans erreur de droit, l'ensemble des éléments résultant des avis émis sur le projet par le syndicat mixte d'électrification des Hautes-Alpes et par la société ERDF.

15. Enfin, contrairement à ce que soutient la commune, les dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme permettent seulement, lors de la délivrance du permis de construire, de mettre à la charge de son bénéficiaire le coût des équipements propres à son projet ou de prévoir, avec son accord et sous certaines conditions, un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant des voies ou emprises publiques, mais n'imposent pas, à défaut, de refuser l'autorisation sollicitée. Par suite, en jugeant, pour enjoindre à la commune de délivrer un permis de construire à M. A..., qu'aucune disposition en vigueur à la date de la décision annulée n'interdisait d'accueillir la demande de permis de construire pour un motif que l'administration n'avait pas relevé, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

16. Les motifs énoncés aux points 6 à 15 suffisent à justifier légalement le dispositif de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qui, faisant droit à l'appel de M. A..., a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 21 décembre 2016 et le rejet du recours gracieux et a enjoint à la commune du Monêtier-les-Bains de délivrer un permis de construire à M. A.... Par suite, la commune du Monêtier-les-Bains n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêt.

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune du Monêtier-les-Bains au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune du Monêtier-les-Bains est rejeté.

Article 2 : La commune du Monêtier-les-Bains versera une somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune du Monêtier-les-Bains et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 21 septembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 455174
Date de la décision : 21/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2022, n° 455174
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; CABINET MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455174.20220921
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