La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2023 | FRANCE | N°459224

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 03 février 2023, 459224


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 mars 2020 par laquelle la directrice interrégionale sud de la protection judiciaire de la jeunesse lui a refusé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire qu'il sollicitait au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville depuis sa prise de poste, le 1er septembre 2015.

Par une ordonnance n° 2003777 du 8 octobre 2021, rendue sur le fondement des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administra

tive, le président de la troisième chambre du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 mars 2020 par laquelle la directrice interrégionale sud de la protection judiciaire de la jeunesse lui a refusé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire qu'il sollicitait au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville depuis sa prise de poste, le 1er septembre 2015.

Par une ordonnance n° 2003777 du 8 octobre 2021, rendue sur le fondement des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Montpelier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 2021 et 8 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;

- le décret n° 93-522 du 26 mars 1993 ;

- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 ;

- le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 ;

- le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 ;

- le décret n° 2015-1221 du 1er octobre 2015 ;

- l'arrêté du 14 novembre 2001 de la garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- l'arrêté du 4 décembre 2001 de la garde des sceaux, ministre de la justice fixant par département les emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 9 juillet 2015 de la garde des sceaux, ministre de la justice, M. B..., éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice, a été affecté sur un poste d'éducateur à la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse sud à l'unité éducative en milieu ouvert de Narbonne, à compter du 1er septembre 2015. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 octobre 2021 par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Montpellier a, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2020 de la directrice interrégionale sud de la protection judiciaire de la jeunesse lui refusant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville à compter du 1er septembre 2015.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires (...) est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret ". En vertu de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville (...) peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret ". L'article 2 du même décret précise que : " La nouvelle bonification indiciaire prévue par le présent décret est soumise aux dispositions du décret du 26 mars 1993 (...) " relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique de l'Etat. Aux termes de l'article 1er de ce décret du 26 mars 1993 : " La nouvelle bonification indiciaire est attachée à certains emplois comportant l'exercice d'une responsabilité ou d'une technicité particulière. Elle cesse d'être versée lorsque l'agent n'exerce plus les fonctions y ouvrant droit ". Enfin, il ressort de l'annexe du même décret du 14 novembre 2001 que, parmi les fonctions donnant lieu au versement d'une nouvelle bonification indiciaire au titre de la politique de la ville au bénéfice des fonctionnaires du ministère de la justice, figurent les suivantes : " (...) Fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité (...) ".

4. D'une part, le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par les dispositions citées au point 3 ne constitue pas un avantage statutaire et n'est lié ni au cadre d'emplois, ni au grade, mais dépend seulement de l'exercice effectif des fonctions qui y ouvrent droit. D'autre part, la disposition précitée de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 selon laquelle la nouvelle bonification indiciaire " peut être versée mensuellement dans la limite des crédits disponibles " ne saurait avoir pour objet ni pour effet de dispenser l'administration du respect du principe d'égalité, lequel exige que les agents qui occupent effectivement des emplois correspondant aux fonctions ouvrant droit à cet avantage et qui comportent la même responsabilité ou la même technicité particulières bénéficient de la même bonification. Ainsi, il résulte des dispositions citées au point 3 que, dès lors que le demandeur remplit les conditions tenant à l'exercice des fonctions mentionnées à l'annexe du décret du 14 novembre 2001, il dispose d'un droit à percevoir le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. Une décision de refus de versement de la nouvelle bonification indiciaire au motif que l'agent ne remplit pas ces conditions doit, par suite, être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la décision du 10 mars 2020 refusant à M. B... le versement de la nouvelle bonification indiciaire ne pouvait être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, le tribunal administratif a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé à l'appui de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de cette ordonnance.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 8 octobre 2021 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 janvier 2023 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 3 février 2023.

La présidente :

Signé : Mme Suzanne von Coester

La rapporteure :

Signé : Mme Airelle Niepce

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 459224
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2023, n° 459224
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459224.20230203
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award