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10/03/2023 | FRANCE | N°464821

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 10 mars 2023, 464821


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

La société Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° T1d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société L'O. Par un jugement n° 1900814 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21MA03742 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseill

e a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avri...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

La société Le Chalet des Jumeaux a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler et, à titre subsidiaire, de résilier le traité de sous-concession du service public balnéaire relatif au lot n° T1d sur la plage de Pampelonne conclu le 19 octobre 2018 entre la commune de Ramatuelle et la société L'O. Par un jugement n° 1900814 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21MA03742 du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.

Procédures devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 464821, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juin et 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 465665, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 11 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'O demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) pour le cas où il réglerait l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions de sa requête présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Le Chalet des Jumeaux et à Me Balat, avocat de la société L'O ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la commune de Ramatuelle et de la société L'O sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Var a accordé à la commune de Ramatuelle la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2019. La commune de Ramatuelle a engagé, le 30 juin 2017, une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution de traités de sous-concession du service public balnéaire sur cette plage. Le lot n° T1d a été attribué à la société L'O, qui a conclu avec la commune de Ramatuelle un traité de sous-concession en date du 19 octobre 2018. Par un jugement du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société Le Chalet des Jumeaux contestant la validité de ce contrat. Par l'arrêt attaqué du 10 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er avril 2023.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ".

4. Les concessions sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l'étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d'indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille, pour prononcer la résiliation du contrat litigieux, a considéré que la commune avait entaché la procédure de passation de celui-ci d'un vice tenant à l'insuffisante définition de ses besoins, faute pour elle d'avoir précisé le " niveau de standing " des établissements qui était attendu pour chaque lot. En statuant ainsi, alors que l'autorité concédante avait informé les candidats sur les principales caractéristiques du service public concédé, et qu'elle n'était pas tenue de définir cet élément de la stratégie commerciale des établissements exploités sur chacun des lots, la cour a commis une erreur de droit.

6. En second lieu, indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

7. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

8. En se bornant à relever que la procédure de passation du contrat en cause était entachée d'un vice qui découlait de divers manquements de la commune de Ramatuelle à ses obligations de mise en concurrence pour en déduire que ces irrégularités devaient conduire à la résiliation du contrat de sous-concession, alors qu'il lui appartenait de rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le vice dont elle estimait qu'était entachée la procédure de passation du contrat permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une seconde erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que l'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Chalet des Jumeaux, d'une part, la somme de 500 euros à verser à la commune de Ramatuelle et, d'autre part, la somme de 3 000 euros à verser à la société L'O, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes que présente la société Le Chalet des Jumeaux sur son fondement.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 10 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société Le Chalet des Jumeaux versera la somme de 500 euros à la commune de Ramatuelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et la somme de 3 000 euros à la société L'O au même titre. Ses conclusions présentées sur le même fondement sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle, à la société L'O et à la société Le Chalet des Jumeaux.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 464821
Date de la décision : 10/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2023, n° 464821
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : CABINET FRANÇOIS PINET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464821.20230310
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